Emploi : des recruteurs sous tension

Emploi : des recruteurs sous tension

25.08.2017

Gestion du personnel

Difficultés de trouver les profils recherchés, forte tension sur le marché du travail, exigences accrues des entreprises et des candidats... Avec la reprise des embauches cadres, les recruteurs sont à la peine. Un rôle d’appui pourtant majeur pour les entreprises.

Enfin ! Après plusieurs années de gel d’embauches, les entreprises renouent avec les recrutements : 1 607 postes chez Engie, 1 200 postes chez Easyjet, 4 000 dans le bâtiment, selon la CAPEB (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment). La liste est longue… "Les entreprises recommencent à se projeter dans le temps ; elles envisagent de vrais projets de développement qui se traduisent par des créations de postes  alors que jusqu’ici elles se cantonnaient à organiser des remplacements", commente Marie-Claire Lemaître, directrice générale du cabinet de recrutement Mercuri Urval. Bilan : le nombre d’embauches devrait s’établir à près de 215 000 en 2017 et dépasserait le seuil des 225 000 en 2018 et des 236 000 en 2019, selon l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). Des niveaux jusqu’ici inégalés puisque le record connu avant la crise s’établissait à 208 200 embauches, en 2007.

"Tous nos indicateurs sont au vert, renchérit Antoine Morgaut, PDG Europe et Amérique du sud du cabinet de recrutement Robert Walters. On observe un retour en grâce de l’attractivité française". Signe des temps : "les jeunes ne souhaitent plus s’expatrier mais débuter leur carrière ici. Il y a indéniablement un effet Macron".

La conjoncture économique n’explique pas tout. "Le papy boom commence à produire ses premiers effets", note Marie-Claire Lemaitre. Quelque 55 000 à 56 000 départs à la retraite de cadres sont programmés (contre 47 000 en 2014), selon l’Apec.

Inadéquation entre demandes et compétences disponibles

De quoi réjouir les cabinets de recrutement qui ont traversé quelques années de vache de maigres ? En théorie, oui. A l’heure de la reprise économique, les cabinets ne chôment pas. Mais ils ne parviennent pas pour autant à leurs fins. Car en pratique, leurs missions se corsent. Ils ont toutes les peines du monde à répondre précisément aux besoins des entreprises. "On constate une inadéquation forte entre demandes des entreprises et compétences disponibles sur le marché du travail", relève Alain Roumilhac, président de ManpowerGroup France. De nombreux métiers sont en tension. Du coup, "on a parfois beaucoup de mal à honorer certaines demandes de clients".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Cyber sécurité et big data

Cette reprise des embauches est exacerbée par une demande de technicité plus importante sur les profils souhaités. Les recruteurs ciblent en effet des profils hautement qualifiés, avec des compétences techniques pointues, notamment en cyber sécurité ou en big data, ardus à dénicher face à la concurrence des entreprises du numérique. "Je suis capable de trouver deux experts de ce type pas plus, avoue sans ambages ce recruteur. L’offre de formation initiale n’a pas eu le temps de s’adapter aux besoins des entreprises". De même, "il est aujourd’hui quasiment impossible de recruter un développeur informatique", confirme Marie-Claire Lemaitre. Des pénuries qui poussent les cabinets à refuser certaines missions.

Les difficultés existent aussi dans d’autres secteurs. Dans le  bâtiment, les postes de conducteurs de travaux restent difficiles à pourvoir. De même, les spécialistes de la protection des donn��es sont très recherchées dans la fonction comptabilité, finances et  juridique. L’industrie a retrouvé des couleurs. Tout comme la banque, le conseil et l’assurance.

Plans biannuels de recrutement

Autres problèmes : les entreprises sont devenues plus exigeantes. "La crise a laissé des traces. Les entreprises ne foncent pas tête baissée dans les recrutements, assure Marie-Claire Lemaitre. D’ores et déjà, elles ne prévoient plus des plans annuels de recrutement mais biannuels afin de réajuster les prévisions de recrutement au plus près des marchés". "Les embauches se font sans surenchère, ajoute Sébastien Bompard, associé du cabinet Taste et président de l’association "A compétence égale". La maîtrise de la masse salariale restant prioritaire".

De plus, les prises de décision restent longues. "Les entreprises peuvent se prononcer plus de trois semaines après avoir reçu un candidat. Elles placent aussi la barre très haut. Elles recherchent des profils qui apportent une vraie valeur ajoutée", assure Marie-Claire Lemaitre.

Le hic ? "Elles se battent toutes pour le même profil, des experts intermédiaires dotés de 2 à 10 ans d'expérience", ajoutent Antoine Morgaut. Et recherchent des personnes directement opérationnelles. Même si les DRH ne négligent pas les juniors. "Les entreprises cherchent à s’ouvrir à la nouvelle génération car c’est elle qui a un regard neuf", constate Marie-Claire Lemaitre.

Compromis

Aussi, chacun y va de sa méthode pour répondre aux mieux aux besoins des clients. "Il est souvent nécessaire d’ajuster les demandes des entreprises, insiste Sébastien Bompard. Notre rôle de conseil prend là toute son importance. A charge pour nous de trouver un compromis entre exigences initiales et profils proposés". Quitte à faire quelques entorses par rapport au profil idéal des entreprises. "Les tensions sont similaires à celles rencontrées en 1999-2000". Alain Roumilhac met, lui, en avant l’importance de la formation. "Faute de candidat idéal, il faut aller chercher les profils qui ont le potentiel". Manpower n’hésite pas à préconiser les formations et les financements ad hoc pour préparer à la prise de poste, via notamment les contrats de qualification ou la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), un dispositif qui permet de financer la formation préalable à l'embauche d'un demandeur d'emploi.

Des candidats plus exigeants

Mais, une fois les clients convaincus, les cabinets ne sont pas au bout de leur peine. Ils doivent gérer, cette année, une nouvelle difficulté : "l’exigence des candidats, poursuit Marie-Claire Lemaitre. Ils ne changent pas parce que l’herbe est plus verte ailleurs. Attentifs au projet d'entreprise, ils aspirent à une vraie cohérence entre leur parcours professionnel et leur projet de vie personnelle ou familiale". "Pour certaines fonctions, le rapport de force s’est inversé, c’est le candidat qui a la main, observe Sébastien Bompard. Il est sur-sollicité. Tous ne vont pas au bout du process de recrutement : le taux de refus des candidats est plus élevé que les années précédentes".

Surtout, ils sont plus difficiles à repérer. "La multiplication des canaux de recrutement ne facilite pas la recherche de candidats. Nombreux sont ceux qui attendent que l’on vienne les chercher. Il y a un phénomène d’immobilisme", reconnaît Marie-Claire Lemaitre.

L’ouverture de l’assurance chômage aux cadres démissionnaires, tout comme aux indépendants et aux auto-entrepreneurs, figurant dans les promesses de campagnes du gouvernement, pourrait créer un appel d’air pour les recruteurs. Et faciliter un peu leur quotidien.

Anne Bariet
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