Emploi des seniors : "les stratégies de stop and go à l’œuvre depuis au moins une décennie ont été néfastes"

Emploi des seniors : "les stratégies de stop and go à l’œuvre depuis au moins une décennie ont été néfastes"

22.01.2020

Gestion du personnel

Olivier Mériaux, consultant pour le cabinet Plein Sens, co-rédacteur du rapport "Favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés", remis à la ministre du travail, le 14 janvier, insiste sur la nécessité de construire une stratégie nationale à long terme sur l’emploi des seniors. Plusieurs mesures arrêtées brutalement, à l’instar du contrat de génération, n’ont pas eu le temps de produire des effets sur l’emploi.

Certains observateurs regrettent que votre rapport ne favorise pas précisément la transition du chômage vers l'emploi. Il met, en effet, plutôt l’accent sur la transition de l'emploi vers l'inactivité. Que répondez-vous à ces critiques ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Le cadre de notre mission a été fixé par le Premier ministre. ll s’agissait en effet de traiter le sujet des transitions emploi-retraite et des conditions favorables à l’allongement de la vie professionnelle, sous l’angle de l’amélioration de la qualité de vie au travail mais aussi du développement continu des compétences. C’est déjà un champ assez considérable. Le sujet de "l’emploi des seniors" doit, certes, être pris dans sa globalité mais nous avons choisi, conformément aux souhaits du gouvernement, de nous focaliser non pas sur les seniors au chômage mais sur ceux en activité. D’où peut-être certaines déconvenues. La question était, de fait, très délimitée.

Aucune mesure coercitive ne figure dans votre rapport ?

Il nous a semblé plus réaliste de chercher le bon mix entre carottes et bâtons 

Nous savons les limites que peuvent avoir ce type de mesures, à l’instar de la contribution Delalande. Cette taxe instaurée en 1987 pour les entreprises qui licenciaient des salariés de plus de 50 ans a eu un effet contreproductif en freinant l’embauche des classes d’âge immédiatement inférieures, même si on a pu également observer des efforts en termes d’investissement formation vis-à-vis des quadragénaires. Il nous a semblé plus réaliste de chercher le bon mix entre carottes et bâtons, c’est à-dire un équilibre entre pédagogie, incitations à bouger et intérêt pour l’entreprise. Le contexte économique est également plus porteur que pendant la période des "plans de mobilisation" pour l’emploi des seniors des années 2010. Nous devons aujourd’hui faire face à des pénuries de compétences pour certains métiers. Cette recherche de talents peut dès lors changer la donne, faire évoluer les mentalités, aider à opérer une certaine révolution culturelle…

Concernant la pénibilité, votre rapport préconise d’abaisser les seuils déclenchant l’obligation de négocier un accord de prévention de la pénibilité (ou plan d’action). Actuellement seules les entreprises d’au moins 50 salariés ayant un seuil minimal de salariés exposés à la pénibilité fixé à 25 % et un indice de sinistralité à 0,25 % sont concernés. Quel est l’état des lieux aujourd’hui de ces négociations ? Quels sont les nouveaux seuils que vous proposez ? 

 la logique de prévention primaire est peu développée

Selon les CNAM-TS, 10 000 entreprises étaient concernées en 2019. Mais nous n’avons à ce jour aucune vision consolidée sur la nature et la qualité des accords ou plans d’action et une mission légère de ce type n’a pas vocation à conduire des investigations de terrain. Nous n’avons partagé que quelques remontées parcellaires. Or, les résultats semblent mitigés. Les accords ou plans de prévention réellement articulés sur les situations de travail restent rares ; la plupart se contentant de rappeler les grands principes de prévention. De fait, la logique de prévention primaire est peu développée. C’est pourquoi, nous incitons les entreprises au dialogue social et soulignons la nécessité qu’elles puissent être davantage appuyées pour faire face aux enjeux spécifiques du vieillissement au travail.

Les organisations syndicales souhaitent réintégrer dans le projet de loi retraite les quatre critères de pénibilité qui avaient été écartés en 2017. Pour l’heure, le gouvernement a seulement fait des concessions sur le travail de nuit, en abaissant les seuils actuels. Qu’en pensez-vous ?

 L’idée est de s’orienter vers l’identification de situations type et d’une approche par métiers

Cette question n’entrait pas dans le cadre de notre mission. Mais d’ores et déjà on sait que la mesure de ces critères existants à l’époque était quasiment impossible à évaluer à l’échelle individuelle. D’où l’idée de s’orienter vers l’identification de situations type et d’une approche par métiers. C’est actuellement l’approche retenue pour les agents de la fonction publique : si ces derniers exercent un métier considéré comme pénible, ils auront accès au compte professionnel de prévention (C2P) qui est aujourd’hui uniquement ouvert dans le privé. Reste à trouver le bon curseur pour apprécier la mesure de la pénibilité de manière équitable.

Comment dans ce cas gérer les fins de carrière ?

 Une partie des réponses réside dans le développement de la GPEC territoriale en y intégrant les facteurs d’exposition à la pénibilité

C’est tout l’objet des transitions professionnelles. Pour certains métiers, la logique consistant à partir plus tôt en retraite n’est même pas opératoire compte-tenu des effets sur la santé de l’exposition à de multiples facteurs de pénibilité. Pourquoi ne pas considérer qu’un égoutier, pour ne prendre que cet exemple, n’a pas vocation à exercer ce métier plus de 15 ans et se mettre dès le départ dans une logique d’anticipation de la future reconversion ?

Mais les espaces de mobilité ne se réduisent pas à l’entreprise. Ils se construisent à l’échelle d’un bassin d’emploi, d’un territoire. Une partie des réponses réside dans le développement de la GPEC territoriale en y intégrant les facteurs d’exposition à la pénibilité. C’est-à-dire avoir une approche globale qui prenne à la fois en compte le parcours professionnel, les compétences, la santé et les conditions de travail… Des outils existent : le compte personnel de formation, le compte professionnel de prévention, le conseil en évolution professionnelle… Il faut s’en saisir, ce qui n’est pas tout à fait le cas pour l’instant. Selon les données du PLFSS, seules quelques dizaines de personnes ont utilisé leur C2P pour des formations en reconversion en 2018, la plupart des titulaires ayant opté pour des retraites anticipées.

Qu’attendez-vous de la concertation sur les seniors qui se déroule actuellement ?

On constate pourtant que des entreprises signent encore des accords intitulés "contrat de génération" 

Plusieurs mesures de notre rapport et figurant dans le projet de loi devraient être confirmées, à l’instar de l’ouverture et de la simplification des retraites progressives et du cumul emploi-retraite. Pour le reste, beaucoup de nos propositions mériteraient d’être instruites de manière plus précise et discutées dans d’autres cadres, par exemple dans une négociation sur la qualité de vie au travail.

Nous avons souligné l’intérêt de se donner du temps et une méthode collective pour repenser une stratégie nationale en rupture avec l’approche défensive qui a dominé jusqu’à présent. Du temps mais aussi de la constance : les "stop and go" à l’œuvre depuis au moins une décennie ont été néfastes. Prenez le contrat de génération, instauré sous le mandat Hollande. Il a été critiqué à juste titre pour son côté très rigide dans l’application mais on constate pourtant que des entreprises signent encore des accords intitulés "contrat de génération". Cela veut dire que l’approche est loin d’être négative : elle permet aux entreprises de se pencher sur l’emploi des seniors dans une logique d’anticipation et de travailler dans une approche inter-générationnelle.

Les responsables RH que nous avons rencontrés ont souvent insisté sur le temps nécessaire pour s’approprier ces sujets, avec leurs partenaires sociaux. Or, nous avons un peu jeté le bébé avec l’eau du bain, c’est aussi ce que disait la Cour des comptes dans son référé de juillet dernier.

Vous n’avez pas retenu la piste de l’Index seniors. Pourquoi ?

Il n’est pas du tout certain que le public soit aussi sensibilisé sur les discriminations vis-à-vis des seniors 

Nous ne l’avons pas retenu comme proposition en tant que telle car il nous a semblé qu’un travail de préfiguration et de test étaient indispensables. Sur le fond, il faut aussi se demander ce que provoquerait une accumulation "d’index" en tous genres alors qu’existent par ailleurs un cadre de dialogue social et d’autres vecteurs pour rendre compte de la responsabilité sociale de l’entreprise. Des indicateurs figurent notamment déjà dans les rapports sur la RSE désormais obligatoires pour les grandes entreprises, les données de la BDES, les bilans sociaux. Peut-être faut-il aussi se donner le temps d’évaluer les effets de l’index égalité professionnelle. On peut faire l’hypothèse que son efficacité repose en partie sur la crainte des entreprises "peu vertueuses" de voir leur image écornée. Or il n’est pas du tout certain que le public soit aussi sensibilisé sur les discriminations vis-à-vis des seniors...

Quid de la valorisation des seniors dans l’entreprise, le plus souvent placardisés ? Votre rapport fait l’impasse sur ce sujet…

Les seniors en poste dans les entreprises sont confrontés aux mêmes stéréotypes que les demandeurs d’emploi du même âge. C’est pourquoi il faut reconnaître la valeur de l’expérience, favoriser le développement des trajectoires professionnelles. Il y a une révolution culturelle à mener sur ce sujet…
Mais nous avons focalisé notre travail sur les fins de carrière. Et à ce titre, nous recommandons, par exemple, d’en finir avec la rupture brutale entre l’emploi et la retraite. Il faut pouvoir s’adapter aux trajectoires de plus en plus diverses, en favorisant des transitions plus individualisées et plus progressives.

Nous préconisons à ce titre, outre les retraites progressives, d’expérimenter des aménagements conventionnels de fins de carrière permettant à un salarié volontaire de voir sa rémunération baisser en contrepartie d’un allègement de ses responsabilités. Dans la convention collective du BTP, ce "déclassement" peut donner lieu, à titre de dommages et intérêts, au versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
Nous souhaitons également expérimenter le "droit de demander" un aménagement raisonnable. Cela peut se traduire par un temps partiel ou du télétravail, par exemple.

Anne Bariet
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