Empreinte carbone et artificialisation des sols : l'inquiétude du CESE

16.09.2019

Environnement

Le CESE préconise, d'une part, de diminuer les émissions intérieures de CO2 et celles importées en prenant l'empreinte carbone comme outil de référence et, d'autre part, de définir des objectifs chiffrés de réduction de l'artificialisation des sols en veillant à leur prise en compte dans l'urbanisme.

Dans son rapport annuel sur l'état de la France intitulé "Cohésion et transitions : agir autrement", le Conseil économique, social et environnemental (CESE) aborde, outre les aspects sociaux, certains aspects environnementaux.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Sur le PIB, le CESE estime que le système de mesure doit évoluer de manière à mieux prendre en compte les impacts de la croissance au regard du climat, de la biodiversité et de la mise en oeuvre des transitions écologique et économique, et plus généralement du bien-être des générations futures. Il est important, selon le CESE, de réfléchir à cette problématique car depuis 2015, la croissance s’accompagne d’une hausse des émissions de CO2 sur le territoire national (ou absence de baisse), encore aggravée si on prend en compte les émissions à l’extérieur des frontière françaises.

 

En outre, pour répondre à la question du financement pérenne des transitions, le CESE est favorable à une politique d’investissements matériels et immatériels ambitieuse. Soucieuse de ses effets sur l’environnement et sur l’accroissement des richesses disponibles, elle serait de nature à générer des emplois de qualité, à accroître la performance des entreprises et à contribuer à la revitalisation des territoires.

 

Enfin, le CESE fait part de son inquiétude quant aux retards accumulés dans la transition écologique et la lutte contre l’artificialisation des sols. Année après année, constate-t-il, les performances en matière d’empreinte carbone et d’artificialisation se dégradent. Le CESE émet une série de recommandations sur ces deux items.

Proposition sur l'empreinte carbone
Diminuer les émissions intérieures et celles importées

Le CESE note un écart massif entre le niveau actuel de l’empreinte carbone de la France et l'inventaire national : les émissions liées à l'empreinte carbone sont 61 % plus élevées que celles de l'inventaire national tandis que les émissions liées aux importations représentent 56 % de l'empreinte carbone. De plus, l'empreinte a légèrement augmenté depuis 2015. Compte tenu de l'écart avec l’objectif de neutralité carbone à atteindre en 2050 et de l’absence de réduction de cette empreinte depuis vingt ans, le CESE préconnise une réduction des émissions territoriales.

 

Le nouvel objectif de neutralité carbone a été inscrit dans le projet de loi relatif à l’énergie. Pour autant, le CESE estime nécessaire que le gouvernement clarifie ses ambitions dans ce domaine et renforce les objectifs intermédiaires de réduction des émissions.

 

Cela implique selon lui de commencer par accélérer la transition énergétique, en engageant dans les secteurs en retard des efforts massifs en matière de sobriété et d’efficacité énergétique, en particulier dans le domaine des bâtiments (avec, entre autres, un plan de rénovation des « passoires énergétiques » et la publication du « décret rénovation tertiaire »), mais aussi dans le domaine des transports et en accélérant le déploiement des énergies renouvelables.

 

Il faut également limiter rapidement le besoin d’importations de biens manufacturés en développant l’économie circulaire et l’économie de fonctionnalité, en favorisant davantage la réutilisation et la réparation des biens, en pénalisant plus la mise au rebut des produits et en favorisant la relocalisation d’activités industrielles maîtrisées. C’est ce qu’envisage la « variante réindustrialisation » du scénario de référence de la stratégie française pour l’énergie et le climat.

Remarque : si la part de l’industrie dans le PIB passait de 11 % en 2015 à 16 % en 2050, l’empreinte carbone de la France serait réduite de l’ordre de 3 à 10 % en 2050, selon « une évaluation sommaire ».

Pour affiner les résultats et adopter des mesures ciblées, la décomposition de l’empreinte carbone nationale par poste de consommation devrait être réactualisée régulièrement par les pouvoirs publics et approfondie. Cette investigation est ponctuellement effectuée par des chercheurs ou des consultants, à partir de méthodes développées en propre qui donnent des résultats intéressants mais qui gagneraient à être croisées avec celles du ministère.

Promouvoir l'empreinte carbone comme outil de référence

Le CESE souhaite que les autorités françaises fassent de l’empreinte carbone un élément central des politiques publiques en matière climatique au côté des émissions territoriales : les objectifs visés dans ce domaine devraient être systématiquement exprimés dans ces deux dimensions, afin que l’écart entre inventaire national et empreinte carbone apparaisse clairement. Ils devraient être également rendus plus compréhensibles par le recours non pas à des valeurs absolues à date mais plutôt à des tendances, toujours accompagnées de la référence à la valeur cible visée (2t CO2/personne).

 

Pour réussir cette prise en compte, le CESE demande que la statistique publique veille dans tous les domaines à l’intégration et à la coordination des données concernant ce sujet au niveau national. Le CESE recommande aussi que le gouvernement français porte la demande d’un suivi statistique régulier et normalisé de cet indicateur au niveau des instances internationales compétentes (OCDE, Eurostat, Banque mondiale).

 

Enfin dans le cadre de la réflexion menée sur l'affichage environnemental des produits et organisations, les autorités françaises devraient porter au niveau européen la revendication d'un marquage normalisé prenant en compte notamment l'empreinte carbone des produits en se fondant sur la nouvelle norme ISO 14067 adoptée en août 2018 spécifiant les principes de quantification et de déclaration de celle-ci. Ce marquage serait utile, tout d’abord pour informer les consommateurs des conséquences de leurs achats sur la planète, et donc sur le climat. Il le serait aussi en vue de l’établissement éventuel d’une taxe carbone aux frontières de l’Union pour protéger les producteurs européens d’un possible dumping environnemental. Dans le cadre de l’affichage à deux niveaux que préconise le CESE, l'information sur l'empreinte carbone devrait obligatoirement être rendue disponible, par exemple, via une application numérique.

Propositions sur l'artificialisation des sols
Définir des objectifs chiffrés de réduction

Le CESE appelle d’une part à définir, à l’échelle nationale, des objectifs précis et chiffrés à moyen terme de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, en associant les organisations et associations concernées, ainsi que les populations, aux réflexions sur la consommation des terres et sa finalité.

Remarque : dans son rapport annuel sur l’état de la France en 2014, le CESE appelait à fixer pour objectif la réduction d’au moins 50 % des surfaces artificialisées d’ici 2025.

Cette approche peut être rapprochée de l’objectif « idéal » consistant à atteindre le « zéro artificialisation nette » d’ici à 2050, inscrit dans la feuille de route pour une Europe plus efficace dans l’utilisation des ressources (2011) et à l’action n°10 du plan Biodiversité du gouvernement. La compensation agricole collective peut être un des leviers à utiliser pour réduire la consommation de sols.

Veiller à la cohérence de l'objectif de réduction dans l'urbanisme

Le CESE souligne l’importance de veiller à la cohérence des décisions en matière d’urbanisme : les Programmes locaux de l’habitat (PLH), adossés aux PLU et PLUI, doivent devenir un véritable outil de la politique du long terme, en intégrant l’ensemble des besoins en logements.

 

Il importe d’enrayer les phénomènes de mitage, en densifiant l’habitat et en mettant l’accent sur la rénovation des centres villes et des centres bourgs, ainsi que d’intégrer dans les documents d’urbanisme les valeurs agronomiques et environnementales des sols.  Il importe également de développer des modèles économiques favorables au « recyclage foncier » des friches industrielles et d’oeuvrer pour la remise sur le marché de centaines de milliers de logements vacants.

 

Le CESE appelle à une réflexion sur l’occupation de l’espace pour aboutir notamment à l’émergence de zones de transition intégrées aux PLU et permettant une cohabitation harmonieuse entre espaces agricoles, forestiers et habitat.

Olivier CIZEL, Code permanent Environnement et nuisances

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