En 2024, le défi de l'attractivité demeure pour de nombreux cabinets d'expertise comptable

En 2024, le défi de l'attractivité demeure pour de nombreux cabinets d'expertise comptable

11.01.2024

Gestion d'entreprise

Les structures du secteur rencontrent dans l'ensemble encore des difficultés pour recruter et/ou fidéliser les collaborateurs même si des exceptions existent. Voici quelques pistes d'explication.

"Aujourd’hui, dans un cabinet d’expertise comptable, si on prend le parallèle avec le restaurant, on a beaucoup de cuisiniers. Demain, ils vont devoir être serveurs et parler aux clients". Virginie Roitman, présidente de l'Ordre des experts-comptables de Paris Île-de-France, résume ainsi l'un des défis que doivent relever de nombreuses structures du secteur, celui du passage d'une activité basée principalement sur la production — comptable, fiscale et sociale — à un service orienté sur l'accompagnement aux entreprises, par exemple en matière de gestion. Une évolution qui nécessite moins de précision mais davantage de relationnel, d'analyse et de réactivité. Bref, un changement culturel, organisationnel et de modèle économique.

Qui est le client ?

S'il est relevé, ce défi devrait améliorer l'envie des jeunes diplômés de rejoindre un cabinet. En tout cas pour ceux qui souhaitent orienter leur carrière sur ce type d'activité. "Le recrutement est un vrai souci parce qu’on a une profession qui manque d’attractivité. Personne ne rêve aujourd’hui d’être comptable ou expert-comptable", rappelle celle qui représente quelques 6 700 experts-comptables franciliens même si, relève-t-elle, "on a un métier passionnant". Un constat que l'on retrouve fréquemment avec toutefois des exceptions notables qui se manifestent.

"On va faire un changement de vocabulaire et ce sera très bien. Dans les années à venir le comptable n’existera plus. On aura un data controller", prédit Virginie Roitman tout en plaidant aussi pour un changement dans la formation initiale. "Le premier apprentissage de la comptabilité, c’est de l’hypertechnicité qui dissuade beaucoup. Pour l’enseignement de la comptabilité, il faudrait peut-être commencer par la fin qui serait on a un bilan, on l’analyse". Bref, faire de la comptabilité davantage un outil de gestion qu'un outil fiscal. C'est à dire servir avant tout le client qui paie le cabinet — c'est l'entreprise —, plutôt que celui qui commande sans payer — c'est l'administration. Et rendre le métier plus intéressant aux yeux de certains.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Davantage de temps à consacrer au relationnel

Le sujet n'est pas nouveau. Mais il prend une nouvelle dimension avec la généralisation à venir de la facture électronique. Avec elle se profile justement moins de temps à consacrer à la production traditionnelle mais davantage au relationnel, moins à la collecte mais davantage à l'analyse. Dans ce contexte, le report à 2026/2027 de cette réforme pourrait constituer une bonne comme une mauvaise nouvelle pour les experts-comptables. Ceux qui s'y mettent déjà seront d'autant mieux lotis lors du lancement. Et prendront peut-être une longeur d'avance en matière d'attractivité des collaborateurs. Au contraire, ceux qui attendront le plus possible pour s'y préparer seront peut-être moins compétitifs pour recruter et fidéliser.

La rémunération avant le télétravail ?

D'autres facteurs jouent sur l'attractivité des cabinets auprès des collaborateurs. Notamment la rémunération, comme l'a montré en 2022 une étude de Fed Finance. Selon elle, ce critère est largement en tête des revendications des salariés tant pour les fidéliser que pour les attirer. Au passage, on y découvre que l'appétence pour le télétravail est très loin derrière celle pour la rémunération.

Les missions autour de la durabilité devraient elles aussi contribuer à améliorer l'image des cabinets d'expertise comptable. Mais cela prendra quelques années encore avant que le phénomène ne touche directement les TPE clientes. Rappelons que la directive sur le rapport de durabilité ne s'impose en gros qu'aux grandes entreprises, aux grands groupes et aux PME cotées sur un marché réglementé. Les TPE ne sont qu'indirectement concernées, si elles interviennent dans la chaîne de valeurs des entités assujetties à cette directive. Cela ne permettra donc pas d'avoir une vision globale directe de leur situation au plan de la durabilité. Toutefois, l'Efrag (European financial reporting advisory group) travaille sur un cadre à usage volontaire pour les PME non cotées.

Des voix différentes

Il existe aussi des diagnostics différents. "Il n’y a pas de problème d’attractivité", résumait en fin d'année Sami Rahal, président de la F3P, la fédération française des firmes pluridisciplinaires à laquelle adhèrent BDO, Deloitte, EY, Grant Thornton, KPMG, Mazars et PwC. Au passage, il revendiquait "600 000 CV reçus par an [et] 9 000 recrutements" pour l'ensemble de ces structures et un turn-over retombé à 15-20%, "des niveaux assumés" selon lui, après une montée problématique pendant la période Covid. Pour le cabinet Denjean, le sujet de la fidélisation serait derrière lui notamment grâce, selon son président fondateur, à la mise en place d’un FCPE qui a permis à tous ses salariés de devenir actionnaires de la structure dans laquelle ils travaillent.

"Réviser les rémunérations"

Matthieu Dintras, président de l’Anecs (association nationale des experts-comptables mémorialistes, des commissaires aux comptes stagiaires et des étudiants en comptabilité supérieure), estime lui aussi que "la profession est attractive parce que le métier est intéressant. Le problème des cabinets provient du turn-over. Pour fidéliser les collaborateurs, les cabinets doivent mettre en place un management plus humain, réviser les rémunérations, valoriser les salariés, leur proposer des formations, leur confier des missions spécifiques, partager des moments conviviaux, etc.". On retrouve donc là aussi le sujet des rémunérations. Question : la dernière hausse des salaires minima dans la branche, d'environ 5 %, va-t-elle impacter les politiques des employeurs pour les rémunérations supérieures aux minima ?

Ludovic Arbelet
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