En attendant l’Omnibus...

En attendant l’Omnibus...

03.03.2025

Gestion d'entreprise

Elles étaient attendues : les propositions de modification du Pacte vert européen ont été publiées ce 26 février par la Commission européenne. Dans cette chronique, Anne-Laurence David, project manager conformité RSE et ESG chez Proetic, décrypte les principales mesures issues du projet de loi.

La Commission européenne a enclenché la « simplification » de son Pacte vert en dévoilant, le 26 février dernier, un projet de loi « Omnibus » qui concerne notamment trois sujets phares pour les entreprises en matière de conformité et éthique des affaires : 

  • les obligations de reporting de durabilité, instaurées par la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ;
  • la mise en œuvre du devoir de vigilance prévu par la directive CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) ;
  • les obligations de déclarations liées à la taxonomie verte encadrée par le Règlement (UE) 2020/852, adopté en juin 2020.
Allègement des directives CSRD, CS3D et taxonomie

S’inscrivant dans la dynamique de la Déclaration de Budapest signée par les 27 en novembre 2024, la Commission européenne propose une refonte significative de son cadre réglementaire, visant une « simplification » – en réalité une réduction notable – du champ d’application de certaines obligations. L'objectif énoncé est de « stimuler la compétitivité et à débloquer des capacités d'investissement supplémentaires », en réduisant « la complexité des exigences de l'UE pour toutes les entreprises, notamment les PME et les petites entreprises », selon la Commission.

Voici un tableau synthétique des différentes modifications prévues par le projet de loi « Omnibus » : 

  • CSRD
  Exigence adoptée Proposition de modification Décryptage
Seuil d'application

Les entreprises qui remplissent 2 des 3 critères suivants :

  • 250 salariés
  • 50 millions de chiffre d'affaires
  • 5 millions de bilan

Les entreprises qui remplissent ces critères :

  • 1000 salariés
  • 50 millions de chiffres d'affaires ou 25 millions de bilan

Une réduction significative du nombre d'entreprises ayant l'obligation de reporter (-80%) alors que la demande de partage des données ESG par les investisseurs ou donneurs d'ordre est croissante.

Les entreprises qui ne sont plus soumises peuvent se référer aux normes volontaires élaborées par l'EFRAG (VSME). 

Entrée en application

Une mise en application par vague :

  • vague 1 : reporting en 2025 sur les données 2024 pour les entreprises de plus de 500 salariés ;
  • vague 2 : reporting en 2026 sur les données 2025 pour les grandes entreprises qui ne sont pas des entités d’intérêt public et qui comptent plus de 500 salariés, ainsi que les grandes entreprises de moins de 500 salariés ;
  • vague 3 : reporting en 2027 sur les données 2026 pour les PME cotées
Un report en 2028 pour les vagues 2 et 3. 

Les colégislateurs doivent parvenir rapidement à un accord sur le report proposé, afin d’apporter la clarté nécessaire aux entreprises de la deuxième vague qui sont actuellement tenues de présenter leurs premiers rapports en 2026 pour l’exercice 2025.

Les entreprises de la vague 2 restent pour le moment soumises à l'obligation de reporter en 2026 par le droit français.

Chaine de valeur

Obligation de collecter des données auprès de tous les acteurs de la chaine de valeur pour lesquels la question est importante.

Plafonnement de la chaine de valeur : limitation de la collecte d'informations aux normes volontaires (VSME) pour les entreprises de la chaîne de valeur de moins de 1000 salariés.

Cette proposition protège les entreprises de moins de 1000 salariés en réduisant le nombre de données à fournir à leurs donneurs d'ordre. Cela amoindrit aussi l'impact de ruissellement de la CSRD.

Normes sectorielles Adoption prévue de normes sectorielles obligatoires. Suppression des normes sectorielles.

Ces normes sont attendues par les entreprises car elles permettent une approche par filière avec une pertinence accrue et une meilleure cohérence des rapports de durabilité par secteur.

La proposition de suppression suit la logique de simplification et de réduction du nombre de données à reporter.

Normes ESRS Une structuration des normes E,S et G qui regroupent tous les enjeux de durabilité et des points de données détaillés. Révision du premier ensemble d'ESRS, réduisant le nombre de points de données obligatoires et améliorant la clarté et la cohérence avec d'autres législations de l'UE.

Une simplification nécessaire du nombre de données.

L'acte délégué devra être adopté au plus tard 6 mois après le vote final de l'omnibus.

Audit Audit avec assurance limitée jusqu'en 2027 puis assurance raisonnable.

Suppression de l'assurance raisonnable, seule une assurance limitée est requise.

Des guidelines sont prévues en 2026 sur l'assurance raisonnable.

Nous espérons que les guidelines vont clarifier les attentes de l'audit.

L'audit des données extra-financières va rester à un niveau modéré d'examen.

Extra-territorialité Entreprises hors UE qui génèrent un CA net de plus de 150 millions d'euros avec une filiale ou une succursale dans l'UE qui génère un CA net de plus de 40 millions d'euros. Entreprises hors UE qui génèrent un CA net de plus de 450 millions d'euros avec une filiale ou succursale dans l'UE qui génère un CA net de plus de 50 millions d'euros. L'extra-territorialité est maintenue même si un certain nombre d'entreprises ne seront plus soumises. 

 

  • CS3D
  Exigence adoptée Proposition de modification Décryptage
Périmètre Couvre l'ensemble de la chaine de valeur.

Couvre seulement les relations directes.

L'évaluation des tiers indirects est demandée uniquement en cas d’informations plausibles suggérant des incidences négatives.

Le texte est simplifié afin de réduire la charge pesant sur les entreprises, y compris les coûts de mise en conformité. Cette simplification se traduit par un fort affaiblissement de la directive.
Entrée en application Transposition requise avant juillet 2026 et mise en application à partir de juillet 2027. Report d'un an : l’entrée en vigueur du texte serait reportée de 2027 à 2028 et le délai de transposition passerait de 2026 à 2027.  
Suivi des tiers Annuel Tous les 5 ans.  
Résiliation des contrats Obligation de mettre fin aux relations commerciales en cas d’incidences négatives réelles et potentielles.

La disposition est supprimée.

L'entreprise doit suspendre la relation commerciale tout en continuant à travailler avec le fournisseur pour trouver une solution.

 
Plan de transition pour l’atténuation du changement climatique Obligation de mettre en œuvre le plan de transition pour l’atténuation du changement climatique.  Suppression de l'obligation de mise en œuvre.  
Responsabilité civile Les entreprises pourraient faire face à une responsabilité civile en cas de non-conformité.

Suppression des conditions harmonisées de l’UE en matière de responsabilité civile et de l’obligation des États membres concernant les actions représentatives des syndicats ou des ONG.

 
Sanction pécuniaire Pour les entreprises coupables d’infractions, une amende peut être prononcée à leur encontre de manière proportionnelle au chiffre d’affaires mondial net de l’entreprise avec un plafond d'au moins 5%. Suppression de la mention de proportionnalité de l'amende au chiffre d'affaires mondial net de l'entreprise.  

 

  • Taxonomie verte
  Exigence adoptée Proposition de modification Décryptage
Champs d’application Les entreprises soumises à la CSRD doivent divulguer la part de leurs activités et investissements qui sont alignés avec les critères de la taxonomie verte.
  • Hausse du seuil d'applicabilité aux entreprises de plus de 1000 salariés et 450 millions de CA ;
  • Réduction de 70% des exigences de reporting ;
  • Introduction d'un principe de matérialité : permet aux entreprises de ne pas déclarer les activités non matérielles (ex: moins de 10% du chiffres d'affaires ou des dépenses).

Une simplification était nécessaire pour les plus petites entreprises. Cette proposition allège la charge administrative des entreprises de moins de 1000 salariés et 450 millions de chiffres d’affaires.

La flexibilité accrue dans la déclaration des activités alignées sur la taxonomie verte pourrait permettre à certaines entreprises de présenter une image plus "verte" qu'elles ne le sont réellement, diminuant ainsi l'efficacité de la taxonomie verte pour encourager des pratiques réellement durables.

 
Que faire alors, en attendant l’Omnibus ? ... quelques recommandations

Rappelons qu’il s’agit à ce jour de propositions législatives qui doivent être encore débattues, proposées au Parlement et au Conseil européen, votées, puis transposées en droit français. Le calendrier exact d’entrée en vigueur n'est pas connu, même si la Commission invite les colégislateurs à traiter ce paquet omnibus en priorité, « en particulier la proposition reportant certaines obligations d'information au titre de la CSRD et le délai de transposition au titre de la CSDD, car ils visent à répondre aux principales préoccupations identifiées par les parties prenantes », précise la Commission européenne. 

En l’absence de modifications législatives immédiates, les entreprises restent soumises aux réglementations françaises en vigueur, c’est à dire le devoir de vigilance issu de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 et la transposition de la CSRD, avec l'obligation de reporting en 2026 pour les entreprises de la vague 2. 

Si la loi Omnibus, dans sa version actuelle, conduit à exempter certaines entreprises de l'obligation de reporting de durabilité – en particulier celles de moins de 500 salariés –, il semble raisonnable d'encourager les entreprises à poursuivre la définition et la mise en œuvre de leur stratégie RSE ainsi que la publication de leurs performances en la matière. Les investisseurs et donneurs d'ordres exigent de plus en plus de données ESG, et la double matérialité reste un outil stratégique essentiel pour identifier des opportunités de création de valeur et de gestion des risques. Il est crucial de maintenir une approche proactive et rigoureuse en matière de durabilité pour continuer à répondre aux attentes croissantes du marché et renforcer la compétitivité dans un environnement où les performances en matière de développement durable pèse toujours plus dans la création de valeur.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Anne-Laurence David
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