En Ehpad : la qualité du travail fait le bien-être des résidents

En Ehpad : la qualité du travail fait le bien-être des résidents

30.06.2022

Gestion du personnel

Qualité du management, de la formation et du dialogue social… Dans cette chronique, François Cochet, directeur des activités santé au travail de Secafi, associé au sein du groupe Alpha, donne des remèdes précieux pour dispenser un "service de qualité" en Ehpad. Une approche gagnante à la fois pour les résidents et le personnel.

Le scandale qui a touché certains acteurs du secteur des Ehpad montre la cupidité sans limites à faire profit de tout, sans aucune barrière éthique. Le secteur est pourtant encadré par des normes et des ratios et cette entreprise est parvenue pendant des années à faire croire que tout était "dans les clous". Elle était même devenue une option appréciée des investisseurs socialement responsables…

Soigner les personnels pour soigner les résidents

Dispenser un "service à la personne" de qualité est impossible si le personnel est lui-même peu valorisé, voire maltraité. Pour contrôler le secteur, les autorités sanitaires ne vont pas manquer d’examiner les ratios de personnel en fonction du nombre de personnes accueillies. Les indicateurs de dépendance des résidents déterminent des prix de journée et ils devraient aussi permettre de fixer les effectifs nécessaires. Pour 100 résidents, les ETP varient entre 53 (privé lucratif) et 71 (public).

Mais il ne s’agit pas de vérifier seulement dans un tableur Excel que les salariés sont bien à l’effectif. Il faut aussi qu’ils ne soient pas en arrêt de travail alors même que l’absentéisme est très élevé dans ce secteur : avant la crise sanitaire, le taux d’absentéisme moyen s’élevait à 11 % en EHPAD, soit le double des autres secteurs. Il existe des établissements où il reste maîtrisé.

Dans ce secteur, la stabilité du personnel est l’ingrédient majeur à la fois du bien-être des résidents et des bonnes conditions de travail. Prenons l’exemple des toilettes corporelles. Un salarié doit, par exemple, effectuer huit toilettes par jour. Mais, derrière ce chiffre, il y huit personnes différentes, avec des problèmes de santé particuliers, un état émotionnel spécifique et une sensibilité particulière à tout ce qui touche leur intimité.

La qualité du service rendu dépend de l’adaptation des bonnes pratiques professionnelles aux particularités de chaque résident. Lorsque l’on procède, pour la première fois, à la toilette d’un résident inconnu, il faut discuter avec la personne de ses habitudes, vérifier au fur et à mesure que chaque geste lui convient, tâtonner pour faire au mieux. Pour des personnels consciencieux, c’est une charge mentale forte et toute la relation humaine est concentrée sur ce qui permet seulement de réaliser la tâche.

Mais lorsque la même personne réalise régulièrement cette tâche pour les mêmes résidents, des "routines" s’installent. Le terme de "routine" est souvent péjoratif alors que, dans cette situation, la routine est une pépite ! Plus la routine est installée, plus les gestes professionnels se rapprochent de la perfection et sont adaptés aux particularités du résident. Et plus la routine est installée, plus le salarié a de disponibilité pour échanger avec le résident sur d’autres sujets, l’écouter, bavarder… ce qui participe de façon majeure du bien-être. Et, pour le salarié, ce sont aussi les conditions de travail qui s’améliorent, la fatigue qui se réduit, le stress qui recule.

Or, cette "routine", base de la bientraitance, est une construction sociale. Elle ne peut s’installer qu’avec un personnel stable. Et cette stabilité ne peut pas se mesurer au seul statut CDI. Cela renvoie aussi à l’organisation. Encore faut-il en effet que le salarié s’occupe, dans la mesure du possible, régulièrement des mêmes résidents.

Présentée ainsi, la solution paraît facile. Dans la réalité, il y a plein de bonnes raisons de "faire tourner les équipes". Par exemple, si les résidents du deuxième étage sont réputés "plus pénibles", le personnel peut revendiquer de "tourner" entre les différents étages... Pour la bonne ambiance au sein des équipes, et donc un faible turn-over, nous savons que la question de l’équité perçue de la charge de travail est essentielle.

Et elle est éminemment liée à la question du management ! Dans ce type d’établissement, le bien-être des résidents repose beaucoup sur le trio "Directrice, infirmière référente, responsable de l’hôtellerie" et sur la confiance que ces trois actrices majeures – notre exemple ici se conjugue au féminin – se font entre elles. Sans oublier tout ce qui fait le quotidien car la qualité de leur management doit aussi prendre en compte les installations techniques et l’organisation des locaux.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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La preuve par l’ascenseur

Dans un Ehpad, la demi-heure qui précède chaque repas est une période de pointe. Tous les résidents suffisamment valides pour manger au restaurant doivent s’y rendre. Certains marchent. Beaucoup doivent être accompagnés par le personnel. C’est un problème à la fois logistique et humain qui peut être bien orchestré… ou virer au cauchemar.

Intéressons-nous aux ingrédients possibles du cauchemar. Deux ascenseurs desservent les cinq étages. Devant le palier du deuxième, cinq ou six résidents patientent. L’ascenseur s’ouvre… mais il est déjà encombré par deux fauteuils roulants. La porte se referme. Scène identique au premier étage… La programmation de l’ascenseur ne donne pas la priorité à la commande des occupants sur les demandes extérieures et ces arrêts intempestifs ralentissent le système. Il s’agit d’un problème technique. Voilà un sujet concret d’investissement qui améliorerait la situation.

Poursuivons nos observations. La porte de l‘ascenseur se rouvre sur un énorme chariot de linge sale avec une employée qui l’amène au sous-sol à 11 h 45. Que fait la Direction ? N’est-ce pas son rôle d’expliquer au personnel le sens de son travail. "Nous sommes là pour le bien-être de nos résidents. Ne vous ai-je pas dit mille fois que les ascenseurs ne devaient pas être utilisés pour les tâches techniques entre 11 heures trente et midi ?". Peut-être avons-nous là un problème de management, de formation de la Directrice ? Encore faudrait-il savoir quelles sont les priorités qui lui sont fixées. Et évaluer le temps qu’elle passe, d’une part, avec le siège de sa société et les autorités de tutelle et, d’autre part, au contact des résidents et de ses équipes.

Restons dans l’ascenseur avec l’employée et écoutons la fureur qui tourbillonne dans sa tête. "Marre qu’on me prenne pour une c… Je le sais bien qu’il faut laisser l’ascenseur ! Mais ma collègue a un enfant malade et n’est pas venue ce matin, sans être remplacée. Le camion de ramassage du linge passe dans 20 minutes et s’il repart à vide, ça va encore être ma fête !". Nous avons là un problème de gestion de l’emploi que les conditions sociales des personnels rendent particulièrement aigu.

Un management "délicat" aux deux sens du terme : difficile et attentionné.

Pour que nos anciens soient bien traités, il y a bien sûr une question de moyens financiers et humains. Mais il faut aussi une orchestration fine de ces moyens qui repose sur les directions d’établissement à qui il faut donner les moyens nécessaires. Cela suppose que leur temps soit très majoritairement passé sur place avec leurs équipes et les résidents en les allégeant au maximum des temps administratifs et de relations avec leurs tutelles. Il leur faut aussi du temps pour construire avec leurs équipes les meilleurs compromis entre les conditions de travail et le service aux personnes. Les salariés, au contact quotidien des résidents dont ils connaissent chaque difficulté, doivent être écoutés et leurs suggestions prises en compte. C’est aussi un ingrédient essentiel pour qu’ils aient envie de rester dans leur emploi.

Si l’on s’accorde à fixer pour raison d’être de ces établissements le bien-être des résidents, on voit que des convergences sont possibles entre les demandes des salariés qui veulent des conditions de travail qui les motivent à rester dans le même établissement et le management pour qui la stabilité du personnel est un ressort de l’efficacité. Cette convergence est possible mais pas automatique. C’est la qualité du dialogue avec les salariés qui la rend possible. Elle doit s’appuyer sur le sens du travail et la volonté de bien travailler, sans pour autant glisser vers le chantage affectif parfois utilisé. En définitive, et c’est important de le rappeler aujourd’hui, le métier de Directrice ou de Directeur d’Ehpad est un beau métier, un travail d’orfèvre de la relation humaine.

François Cochet
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