Enquêtes internes : un guide de bonnes pratiques rédigé par des avocats  (2)

Enquêtes internes : un guide de bonnes pratiques rédigé par des avocats (2)

08.07.2020

Gestion d'entreprise

Le Conseil national des barreaux a publié vendredi dernier un guide de retours d'expériences sur les enquêtes internes. Les avocats délivrent leur conseils pour éviter d'adresser des documents aux autorités de poursuites étrangères en contrevenant à la loi de blocage et au RGPD.

Les entreprises françaises peuvent, dans le cadre d’une enquête interne, être sollicitées ou contraintes par des autorités de poursuite ou de régulation étrangères à communiquer certains éléments de preuves concernant leurs activités et leurs salariés. Or, « ces informations ne peuvent être transmises à l’étranger que dans le respect des dispositions de la loi de blocage, d’une part, et du RGPD, d’autre part », rappelle le guide. Mais, dans la pratique, le respect du RGPD et de la loi de blocage « dans leur rédaction actuelle » pose des difficultés, et les entreprises françaises n’ont bien souvent pas d’autre choix que de devoir trancher entre « résister en application du droit français ou coopérer par nécessité avec les autorités étrangères, au risque de violer la loi française et le RGPD ». Commandé par le gouvernement français, le rapport Gauvain émet plusieurs propositions visant à moderniser la loi dite de blocage. En attendant, le guide formule plusieurs recommandations pratiques pour pallier ces difficultés. 

Recourir aux procédures prévues par la Convention de La Haye

La première solution est de nature procédurale. Elle consiste à recourir aux procédures prévues par la Convention de La Haye et « notamment celle du Chapitre II qui permet la désignation d’un commissaire autorisé à accomplir des actes d’instruction sur le territoire français ». Cette solution « rapide et peu encombrante », « applicable uniquement en matière civile et commerciale », et pouvant contribuer « à l’établissement de la bonne foi de l’entreprise », nécessite toutefois « l’autorisation d’une autorité judiciaire compétente qui en fixe les conditions spécifiques de mise en œuvre ».

Dans tous les cas, « il convient de rappeler aux autorités étrangères qu’une demande d’entraide judiciaire doit être effectuée auprès de leurs homologues français ». Et, « en tout état de cause, le juge des référés a compétence pour faire obstacle à des demandes d’obtention de preuves hors Convention de La Haye ou qui ne remplissent pas les conditions établies par la France dans ses réserves conventionnelles dès lors que ces demandes constituent un trouble manifestement illicite ».

Loi de blocage, respect du RGPD : des solutions pratiques

Le guide présente ensuite des solutions pratiques inspirées d’enquêtes internes menées en France par des avocats français. En ce qui concerne le respect de la loi de blocage « il est utile d’entamer dès le début de l’enquête des négociations avec l’autorité étrangère (…) dans le but de réduire le champ de la requête formulée », et il peut s’avérer pertinent de faire valoir que, en fonction de leur nature, certaines informations « sont susceptibles de correspondre à des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique [qui] ne sauraient faire l’objet d’un transfert ». Il est d’ailleurs préférable de choisir « un prestataire forensics pouvant héberger toutes les données en France ».

Pour respecter le RGPD, tout transfert de données à un pays tiers doit se faire en suivant « une approche stratifiée » : « le responsable de traitement détermine la base légale de son transfert en se demandant d’abord s’il existe une décision d’adéquation, puis s’il y a des garanties appropriées, si des règles d’entreprises contraignantes ont été déterminées, et enfin, en dernier recours, si les dérogations pour situation particulière peuvent s’appliquer » - dérogations qui doivent s’interpréter « de manière restrictive ».

S’agissant des salariés ou des tiers non directement visés par l’enquête et/ou pour lesquels l’information préalable ou le recueil d’un consentement écrit est difficile, « un caviardage des données personnelles pertinentes constitue une option permettant de préserver la confidentialité et l’anonymat ». Et si des filiales de l’entreprise française visée par la requête se situent à l’étranger, « il est utile de vérifier la nationalité et la loi applicable à la relation avec les salariés et les tiers concernés, certaines données pouvant par ailleurs déjà être disponibles sur le territoire étranger ». 

Le guide consacre également une fiche pratique récapitulative de l’ensemble des problématiques transfrontalières qui peuvent se présenter dans le cadre d’une enquête interne conduite par un avocat inscrit à un barreau français. 

Miren Lartigue

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