Erreur grossière de l'expert dans l'évaluation des parts d'une SCI

05.06.2023

Gestion d'entreprise

Commet une erreur grossière, rendant son rapport inutilisable par les juges, l'expert qui valorise les parts d'une SCI en retenant comme seule hypothèse celle où un lotissement serait construit sur son terrain, et ce, malgré les réserves sérieuses pesant sur la réalisation d'un tel projet.

Des associés d’une société civile immobilière (SCI) ayant été autorisés à s’en retirer, une ordonnance rendue sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil désigne un expert pour évaluer la valeur de leurs parts. La société refuse l’évaluation ainsi faite. Les associés retrayants l’assignent alors en homologation du rapport de l’expert, en fixation de la valeur des parts et en paiement de leur prix. La société s’y oppose, reprochant à l’expert d’avoir restreint son évaluation à l’hypothèse où un lotissement serait construit sur le terrain appartenant à la société, alors qu’il constatait que :

- plusieurs réserves sérieuses pesaient sur la mise en valeur de ce terrain :

- ce terrain serait-il situé en zone constructible, l’élaboration d’un projet de construction d’un lotissement était conditionnée à la recherche préalable de sa faisabilité.

Aussi, conformément à la demande de la société, les juges, approuvés par la Cour de cassation (Cass. com., 11 mai 2023, n° 21- 21.027, n° 340 F-D), refusent d’homologuer le rapport de l’expert sur la base du raisonnement suivant :

- en cas de désaccord entre les associés sur la valeur des parts, seul l’expert, judiciairement désigné selon les prévisions de l’article 1843-4 du code civil, peut déterminer cette valeur ;

- à défaut d’une erreur grossière commise par l’expert ainsi désigné, il n’appartient pas au juge de remettre en cause le caractère définitif de l’estimation retenue par cet expert ;

- toutefois, en l’espèce, c’est bien une erreur grossière qui a été commise par l’expert : pour éclairer complètement le tribunal, il aurait dû également fournir une estimation des actifs de la société en retenant l’hypothèse dans laquelle le lotissement ne serait pas construit. Le point de vue unilatéral adopté par son rapport, malgré l’existence d’éléments concrets commandant de chiffrer également la situation alternative de la non-construction du lotissement, fait que ce rapport n’est pas incomplet, mais entaché d’une erreur grossière.

La valeur des parts ne peut être déterminée sur la base de ce rapport.

Henri-Pierre Brossard, Docteur en droit

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