Est abusive la riposte d’une entreprise en position dominante disproportionnée à l’attaque subie

11.01.2024

Gestion d'entreprise

Une entreprise en position dominante est en droit de défendre ses intérêts commerciaux par le recours à des moyens adaptés et proportionnés.

Riposte inadaptée et disproportionnée à l’attaque de ses intérêts commerciaux, tel est le principal motif qui a justifié la décision de l’ADLC du 20 décembre 2023 de sanctionner une entreprise d’une amende de 13 527 000 euros pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la fourniture de manettes de jeux vidéo pour consoles PlayStation4, en infraction avec les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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En l’espèce, dans le but de lutter contre leurs contrefaçons, cette entreprise équipait ses propres manettes et celles de ses licenciés d’une puce contenant un numéro permettant de les identifier. Par ce moyen, elle avait mis en œuvre des contre-mesures techniques à l’occasion de certaines mises à jour de la console PlayStation4, entraînant la déconnexion des manettes non dotées du numéro d’identification ou dotées d’un numéro dupliqué à grande échelle. Ces déconnexions ont porté préjudice à certains fabricants de manettes qui ont proposé à leurs utilisateurs des patchs correctifs dont la disponibilité et l’installation se sont avérées difficiles, si bien que ces utilisateurs ont pu avoir l’impression que les manettes commercialisées par ces fabricants fonctionnaient mal. Les fabricants de manettes ne pouvaient éviter ces déconnexions qu’en adhérant à un programme de partenariat de l’entreprise en cause dont les critères d’accès n’étaient pas communiqués à tous les fabricants en faisant la demande, critères qui, par leur imprécision, pouvaient se prêter à une application discrétionnaire.

Devant l’ADLC, en réponse à un fabricant de manettes soutenant que les déconnexions de manettes étaient un abus de position dominante, l’entreprise en cause prétendait qu’elles étaient justifiées par la nécessité de lutter contre la contrefaçon, les voies juridiques en la matière étant longues et complexes. Cet argument n’a pas convaincu l’Autorité au motif que ces déconnexions ont affecté non seulement des manettes contrefaisantes, mais également des manettes dont le caractère contrefaisant ou frauduleux n’était pas établi, ce qui a provoqué un effet anticoncurrentiel sensible par l’éviction du marché de fabricants de manettes non contrefaites.

Dans ces conditions, après avoir observé que l’adoption de mesures permettant de lutter contre les contrefaçons qui menacent les intérêts commerciaux d’une entreprise est un objectif légitime, que selon la jurisprudence de la CJUE une entreprise en position dominante conserve le droit de préserver ses propres intérêts commerciaux lorsqu’ils sont attaqués, et qu’elle a la faculté d’accomplir les actes qu’elle juge appropriés en vue de les protéger, l’ADLC relève qu’aux termes de cette jurisprudence, « même si on peut admettre la possibilité d’une riposte, encore faut-il que celle-ci soit proportionnée à la menace, compte tenu de la puissance  économique des entreprises en présence »  (CJCE, 14 févr. 1978, aff. C-27/76 United Brands, points 189-190). Or en l’espèce, l’Autorité considère que les moyens mis en œuvre par l’entreprise concernée pour atteindre l’objectif de protection de ses droits de propriété industrielle sont à tout le moins disproportionnés, voire inadaptés. Elle en conclut que les pratiques litigieuses constituent un abus de position dominante au sens des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce.

Max Vague, Docteur en droit, Maître de conférence des universités, Avocat
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