Et si la direction juridique s’intéressait de plus près à la RSE ?

Et si la direction juridique s’intéressait de plus près à la RSE ?

05.11.2020

Gestion d'entreprise

Un peu plus d’un an après l’entrée en vigueur de la loi PACTE, il est temps de s’interroger sur la place faite à la RSE au sein de l’entreprise. A quel point les juristes se sont-ils emparés de ce sujet ? Eléments de réponse dans cette chronique d'Emilie Letocart-Calame, présidente et fondatrice de Calame consulting.

Ces dernières années, les directions juridiques ont vu leur périmètre grandir au fil de l’évolution de la règlementation : contrôle et gestion des données personnelles, contract management, gestion des risques, gestion de la conformité, éthique et compliance, et enfin de la responsabilité sociétale des entreprises. Ces domaines font désormais pleinement partie de leur scope. Pourquoi les juristes ont-ils tout intérêt à s’en saisir ?

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Une extension du rôle de la direction juridique

Anne-Emmanuelle Rousseau, directrice juridique et responsabilité sociétale du groupe BRL, a pour sa part vu être rattachés à sa direction juridique l’activité « qualité et contrôle interne » ainsi que la gestion et le management des risques dès 2008, la compliance et les problématiques environnementales du groupe en 2010, et a créé en 2012 l’Observatoire de l’egalité et de la mixité au sein de son organisation. C’est donc tout naturellement, et par intérêt personnel pour ces sujets, qu’elle a vu ses responsabilités s’étendre au domaine de la RSE. Elle s’occupe aujourd’hui notamment des quatre piliers que sont :

  • le social ;
  • l’environnemental ;
  • l’économique ;
  • les territoires, solidarité et culture.

Elle pilote par exemple le déploiement et la mise à jour du plan de mobilité dans le cadre de la loi LOM afin de favoriser le déplacement des collaborateurs par des mobilités douces, analyse la mixité dans les métiers du groupe à travers son Observatoire dédié, ou encore assure la réalisation périodique du bilan des émissions de gaz à effet de serre, propose et suit le plan d’actions qui en découle . Enfin, elle établit annuellement la déclaration de performance extra-financière, nouvelle annexe du rapport de gestion depuis 2018.

« Le respect des normes, de la qualité et des engagements de l’entreprise : quoi de plus juridique finalement ? » 

Comment définir la RSE de façon très concrète ? Pour elle, il s’agit « de tenir les promesses que l’on fait, s’assurer du respect des engagements que l’on prend, et gérer les attentes des générations futures ». A la question de savoir pourquoi ces sujets devraient être rattachés à la direction juridique plutôt qu’à une autre, elle nous répond habilement : « le respect des normes, de la qualité et des engagements de l’entreprise : quoi de plus juridique finalement ? ».

Chez Decathlon, le modèle du poste est un peu différent. Hiérarchiquement rattachée à la direction juridique, elle est fonctionnellement rattachée aux équipes RSE qu’elle appuie sur leurs problématiques quotidiennes. Originellement fiscaliste, rien ne prédestinait Léa Cervellin à prendre en charge les problématiques RSE. Elle est pourtant désormais juriste développement durable au sein du groupe. Aujourd’hui, elle traite – au niveau Européen mais également international – de sujets aussi divers que l’éco-conception des produits, le développement durable, l’économie circulaire, la suppression du plastique dans les emballages, la mise en place du photovoltaïque sur les toits des magasins ou encore le don de produits invendus.

Se former aux sujets de RSE pour étendre son domaine de compétence

Outre les sujets de RSE, et un tropisme personnel fort pour ces enjeux, elles partagent également la même vision : tous les départements de l’entreprise ont étendu leurs missions ces vingt dernières années, il faut donc penser (ou repenser) la raison d’être de la direction juridique pour démontrer sa plus-value. Pour impulser ces sujets, un rattachement direct à la direction générale est impératif, et une présence au COMEX plus que recommandée. Se définir comme « direction » juridique et non pas « service » juridique est également fondamental, car au-delà d’un simple choix de vocabulaire, cela assoit un parti pris fort : celui du rôle stratégique et proactif de la direction juridique qui n’est non pas une « fonction support » mais bien un département en charge du business.

Valérie Debruyne Abramovicz, fondatrice du cabinet de conseil en innovation et RSE Quiddity précise « s'il y 20 ans, la RSE était une question de conformité, aujourd'hui il s'agit bien de dépasser le réglementaire pour s'engager volontairement dans des actions qui font sens par rapport aux impacts des entreprises sur la société d'aujourd'hui et de demain. Plus que jamais la RSE aujourd'hui s'accompagne d'un regard extérieur qui permet de concrétiser le changement avec des actions matérielles et d'inscrire la RSE dans une démarche d'innovation frugale ».

Les juristes de demain devront donc se former individuellement ou collectivement à ces sujets afin de développer des compétences annexes dans ces domaines. A une époque où la direction juridique n’est pas toujours considérée à sa juste valeur, il est temps d’étendre son expérience et d’intégrer à sa formation initiale et continue des thématiques comme le développement durable, le respect de l’environnement, le respect des droits humain ou les conditions de production afin de redynamiser et faire évoluer la fonction juridique.

Emilie Letocart-Calame
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