Etat d’urgence sanitaire : quel impact pour les entreprises ?

Etat d’urgence sanitaire : quel impact pour les entreprises ?

24.03.2020

Gestion d'entreprise

Droit du travail, délais de paiement, relations avec l’administration, organisation des assemblées générales ou encore approbation des comptes des sociétés… L’Etat d’urgence sanitaire va permettre d’assouplir les règles applicables aux entreprises pour qu'elles puissent réduire leur activité ou au contraire faire tourner la machine à plein régime.

Deux mois d’état d’urgence sanitaire. C’est ce qui est pour l’instant prévu dans la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 adoptée ce week-end au Parlement. Durant cette période - qui pourrait être prolongée par l’adoption d’une loi -,  le pouvoir législatif est largement délégué au Premier ministre, Edouard Philippe et à son ministre de la Santé, Olivier Véran. Ils pourront par décrets continuer d’imposer des mesures de confinement à l’ensemble de la population (via des interdiction de circulation ou de sortie du domicile (sous réserve « des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé »), ordonner des mesures de quarantaine ou de placement en isolement pour les personnes susceptibles d’être affectées et interdire les rassemblements sur la voie publique ou les réunions) et dès lors réduire drastiquement l’activité économique des entreprises. La loi prévoit aussi « en tant que de besoin, de prendre par décret tout autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre ». 

Inversement, certaines entreprises seront mises à contribution. Car l’exécutif sera susceptible d’ « ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens ». Et il pourra décider d’un contrôle des prix, de façon temporaire, « pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ». 

Jusqu’à 6 mois de prison et 3 750 euros d’amende

Attention, ne pas respecter les réquisitions sera passible de 6 mois d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende. La violation des autres interdictions ou obligations est punie d’une amende 135 euros, passant à 1 500 euros en cas de récidive dans les 15 jours et à 6 mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende en cas de troisième verbalisation dans un délai d’un mois.

Le texte permet ensuite au gouvernement de prendre de nombreuses ordonnances, dans les 3 mois à compter de la publication de la loi, mais pouvant entrer en vigueur dès le 12 mars. Des aides directes ou indirectes pourront ainsi être prévues au bénéfice des personnes morales « dont la viabilité est mise en cause » (soutien à la trésorerie et aide directe via un fonds de financement). Les entreprises seront également encouragées à réduire leur activité pendant la période de confinement afin d’être en mesure de la relancer dès la sortie de crise. 

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Réduire l’activité via le chômage partiel ou des congés imposés

Quelque soit leur taille, elles devraient pouvoir mettre en place le chômage partiel. L’employeur pourra aussi imposer ou modifier la prise de 6 jours de congés payés à ses salariés, sans respect du délai de prévenance (d’au moins un mois), des règles du code du travail et des conventions ou accords collectifs normalement applicables. Attention il faudra néanmoins avoir obtenu un accord d’entreprise ou de branche sur le sujet. Concernant les RTT, les jours de repos prévus par les conventions de forfait ou affectés sur un compte épargne temps, l’employeur pourra, par contre, imposer ce qu’il veut. Il pourra encore modifier les dates limites et les conditions de versement de l’intéressement, de la participation ou de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. 

Seules les entreprises « de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale », seront au contraire invitées à travailler plus. En leur sein, il pourra être dérogé au droit commun applicable à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical. La liste de ces entreprises n’est pas encore connue.

Assouplir les règles

Puis viennent tout un tas d’ordonnances dont le contenu est pour l’instant encore flou mais qui poursuivent l’objectif d’assouplir les règles imposées aux sociétés en termes d’organisation interne, de relations inter-entreprises ou avec l’administration. 

Sur l’organisation interne, les ordonnances vont simplifier :

  • « les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées generales » ;
  • « les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi qu’adaptant les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes ».

Sur les relations entre entreprises, plusieurs textes viendront :

  • « modifier les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs (…) notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties », 
  • permettre « de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux (…) au bénéfice des microentreprises » uniquement.

Quant aux relations avec l’administration, il y aura du changement sur :

  • la commande publique sur « les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles » ;
  • les délais et procédures applicables devant les autorités administratives et judiciaires. A noter que la organique également votée ce week-end précise que les délais de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité et de réponse du Conseil constitutionnel sont suspendus jusqu’au 30 juin prochain ;
  • sera aussi modifiée la manière dont un droit, un agrément ou une autorisation prend fin. 

Quelle sera la durée de l’ensemble de ces mesures ? La loi précise qu’elles « cesseront d’avoir effet en même temps que prend fin l’état d’urgence ». Le droit commun sera donc à nouveau applicable une fois le covid-19 derrière nous.

Sophie Bridier
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