Anticorruption, devoir de vigilance, RGPD… La mise en œuvre de l’évaluation des tiers est loin d’être aisée pour les entreprises. Quelques pistes pour faciliter ce pan incontournable de la conformité.
« La majorité des cas de corruption est déclenchée du fait de l’intervention d’un tiers », déclare Maria Lancri, avocate associée chez Squair, en introduction de la conférence organisée hier par la commission Compliance & éthique des affaires du Barreau de Paris, dans le cadre de ses « matinées ardentes de la compliance ». Un constat inquiétant, qui reflète la nécessité de « bétonner » l’évaluation de ses tiers, que ce soit en matière d’anticorruption, mais aussi de protection des données ou dans le domaine des droits humains. Car « souvent, la violation des droits humains est liée à des actes de corruption », ajoute Marie Lancri. En plus de craindre des sanctions, les entreprises doivent en plus se prémunir face au « naming and shaming » déployé par les ONG. A titre d’exemple, Maria Lancri explique que de nombreuses grandes entreprises qui maintiennent les relations avec leurs fournisseurs impliqués dans le travail forcé des Uyghurs sont « mises au pilori » par ces organisations.
« Un programme de conformité n’est pas adéquat si on n’a pas mis en place cette partie du programme », prévient l’avocate. Mais « malheureusement, c’est très difficile ». Et de nombreuses entreprises « bloquent devant l’ampleur de la tâche ». Soit parce que « trop de personnes sont impliquées » et que cela alourdit le process, soit parce que certaines mesures peuvent être difficiles à mettre en œuvre, notamment du fait de la « distance géographique » entre la société et les entités à contrôler. « C’est un vrai boulot de titan pour les entreprises », poursuit Maria Lancri.
« C’est joli sur le papier mais il y a des grands groupes pour qui cela ressemble à un cauchemar » confirme Jean-Yves Trochon, senior counsel chez Roedl & Associés.
Alors quelle méthodologie mettre en place ? « Elle est entre les mains de la société, qui va décider de sa stratégie de processus d’évaluation des tiers », estime Dominique Dedieu, avocate au barreau de Paris et fondatrice du cabinet 3DTic.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Cette méthodologie doit déjà passer par « l’identification des tiers ». De quels tiers parle t-on ? « Les clients, les fournisseurs, les intermédiaires… ». Attention cette catégorie « doit être observée avec une vigilance absolue ». « Pour 75% des cas de corruption, un intermédiaire était en cause », alerte Dominique Dedieu. Prestataires, société cible dans le cadre d’une M&A, bénéficiaires effectifs, sans oublier « les personnes politiquement exposées », qui sont particulièrement sujettes au risque de corruption.
Y a-t-il des listes et des outils fiables pour rechercher ces PEP ? », interroge Jean-Yves Trochon. « Oui, il y a de nombreux outils depuis très longtemps », répond Dominique Dedieu. Il en existe aussi concernant les mesures d’embargo prises à l’encontre de certains pays comme « l’Iran, l’Irak ou le Venezuela », cite Jean-Yves Trochon. Mais attention : « les USA ont leur liste, l’UE a sa propre liste, et la France aussi. Et ces listes ne sont pas forcément équivalentes », prévient Dominique Dedieu.
Autre point de vigilance : les risques doivent être classés en plusieurs catégories. « On en recommande trois en général », estime Jean-Yves Trochon. « Selon la catégorie, le tiers fera l’objet d’une procédure d’évaluation plus ou moins approfondie ». Et certains critères seront pris en compte : l’identité du tiers, l’actionnariat, l’intégrité (si l’entreprise a déjà été condamnée), le secteur d’activité. Là encore, l’avocat attire l’attention sur les outils utilisés. Certains « ne sont pas entièrement satisfaisants pour déterminer les secteurs très à risques. C’est l’expérience qui permet de déterminer le niveau de risque de tel ou tel secteur ».
Enfin, sur le suivi de la relation avec les tiers, Dominique Dedieu rappelle que des mesures de sanctions peuvent être prises en cas de difficultés, de non-conformité. Il est possible de « bloquer la transaction, la fourniture, mettre un terme au contrat ou encore de déposer plainte ».
« Il y a de plus en plus de contentieux et d’arbitrages » sur ce point, conclut Jean-Yves Trochon. Certaines sociétés prennent des « décisions unilatérales de cessation des relations avec leurs fournisseurs, leurs intermédiaires ». Se pose la question alors de la légitimité de ces mesures prises de manière unilatérale alors qu’« il n’y a pas d’élément tangible de corruption de la part ces tiers ».
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