Le contentieux relatif au droit de rétractation ne tarit pas. Après les questions de validité des notifications, voici que se pose celle du bénéficiaire...
L’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation fait bénéficier l'acquéreur non professionnel de la faculté de se rétracter dans les 10 jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'avant-contrat de vente. Ce texte d’ordre public réserve donc le droit de rétractation aux acheteurs non professionnels. Une affaire jugée tout récemment par la Cour de cassation est l’occasion de rappeler comment s’applique cette règle en présence d’un acquéreur personne morale et l’extension dont elle peut faire l’objet.
L’objet social statutaire de l’acquéreur à vérifier
Dans cette affaire, des particuliers ont vendu une maison d’habitation à une société par acte sous seing privé puis celle-ci s’est rétractée. Soutenant qu’elle ne pouvait le faire en raison de sa qualité de professionnel, les vendeurs l’ont assignée en paiement de la clause pénale.
De fait, la société acquéreur est reconnue ici comme étant un professionnel au sens de l’article L. 271-1 du CCH à partir de son objet social. L’extrait Kbis de la société a en effet révélé que l’objet social figurant dans ses statuts était caractéristique de celui d’un professionnel de l’immobilier. Les juges n’ont alors pu que constater la qualité de professionnel de la personne morale acquéreur.
Cette référence à l’objet social statutaire de la société est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation. En s’y référant, elle avait effectivement déjà affirmé qu'une personne morale est un acquéreur professionnel qui ne peut bénéficier de la faculté de rétractation lorsque son acquisition a un rapport direct avec son objet social statutaire (Cass. 3e civ., 24 oct. 2012, n° 11-18.774, n° 1238 P + B + R). Elle a même appliqué cette solution à une SCI familiale n'ayant d'autre objet que la gestion de son patrimoine immobilier et qui n’a donc pas bénéficié du droit de rétractation pour son unique acquisition (Cass. 3e civ., 16 sept. 2014, n° 13-20.002, n° 1008 D).
Ainsi, dès lors que l’objet de l’avant-contrat de vente a un rapport direct avec l'objet social de la personne morale, l’acheteur est considéré comme professionnel et la faculté de rétractation lui est, en principe, refusée. Le rédacteur de l’acte doit donc se procurer les statuts de la personne morale et être particulièrement attentif à la lecture de son objet social. La présente décision offre cependant une extension du champ d’application de l’article L. 271-1 du CCH, puisqu’ici la société acquéreur a pu se rétracter.
La volonté des parties à la vente à respecter
Certes l’extrait Kbis de l’acheteur révélant un objet social caractéristique d’un professionnel de l’immobilier, il s’en déduisait que la société était un professionnel au sens de l’article L. 271-1 du CCH, texte d’ordre public. Pour autant, le droit de rétractation lui est accordé par les juges, ceux-ci estimant que la volonté des parties avait été de l’en faire bénéficier.
Les vendeurs arguaient que l’intention des parties à l’acte restait sans incidence sur le champ d’application de ce texte impératif.
Or, l’appréciation de l’intention des parties est du pouvoir souverain des juges du fond. Et en l’espèce, la cour d’appel a souverainement retenu d’une part, que les vendeurs avaient sciemment accepté la clause négociée par laquelle ils avaient donné, avec l’acquéreur, mandat exprès au notaire de lui notifier le droit de rétractation, d’autre part, qu’ils ne justifiaient d’aucune erreur sur l’objet de la société acquéreur ni de conditions de négociation et de signature propres à établir qu’ils n’auraient pas négocié les termes du contrat et ne démontraient pas que la clause prévoyant le droit de rétractation serait une clause de style.
De plus, rien n'interdit d'étendre contractuellement l'application d'un texte d'ordre public. A l’inverse, la renonciation, volontaire et expresse, au bénéfice de ses dispositions impératives dans la promesse de vente, n’est pas valable (Cass. 3e civ., 24 oct. 2012, n° 11-18.774, n° 1238 P + B + R, préc.).
Ainsi, les juges ont considéré que les parties ont eu l'intention de conférer contractuellement à l’acquéreur professionnel la faculté de rétractation. La volonté des parties à l’acte n’est donc pas sans incidence sur le champ d’application de l’article L. 271-1 du CCH.
Ce faisant, c’est l’intention des parties telle qu’interprétée par les juges du fond qui prime et aboutit à ce qu’un professionnel bénéficie de la faculté de rétractation, contrairement à la lettre de l’article L. 271-1 du CCH. En conséquence ici, la rétractation a été jugée valable, la vente caduque, et les vendeurs n’ont eu droit à aucune somme au titre de la clause pénale stipulée.
Le champ d'application du droit de rétractation pouvant être étendu contractuellement, le rédacteur d’actes devra donc être à l’écoute de la volonté des parties à la vente. L’interprétation de leur intention par le juge doit l’inciter, comme pour l'examen de l'objet social de l'acquéreur personne morale, à la plus grande vigilance.
La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.
Découvrir tous les contenus liés
Laurence Dartigeas-Reynard, Dictionnaire permanent Transactions immobilières