Faut-il limiter l’engagement des délégués syndicaux à un ou deux mandats ?

Faut-il limiter l’engagement des délégués syndicaux à un ou deux mandats ?

04.03.2016

Gestion du personnel

L’Observatoire des relations économiques et sociales (Ores), spécialisé dans l’évolution de la gestion RH, formule pour le compte d'un comité paritaire de la sidérurgie, l'Ipsas, une série de propositions pour valoriser les parcours syndicaux. Parmi les pistes, la fin des carrières syndicales au long cours. Le point avec Jean-Pol Roulleau, délégué général de l’association.

Voilà une étude qui tombe à point nommé pour Myriam El Khomri. Alors que le projet de loi Travail, qui devrait être présenté le 24 mars, compte bien renforcer la négociation au sein de l’entreprise, le Gesim (le Groupement des entreprises sidérurgiques et métallurgiques) et quatre syndicats de la branche se penchent sur la valorisation des compétences des délégués syndicaux. Objectif ? Favoriser leur come-back professionnel en limitant la durée de leur engagement. Un voeu pieux, pour l’heure : car selon l’étude*, confiée à l’Ores, l’Observatoire des relations économiques et sociales, une association œuvrant à l’évolution de la gestion des RH, la plupart des titulaires affichent 15 à 20 ans d’expérience syndicale sur leur CV.  Notamment les titulaires de mandats lourds (plus de 50% de leur temps de travail).

Un reconnaissance difficile

La loi Rebsamen d’août 2015 apporte, toutefois, quelques correctifs en proposant des entretiens de fin de mandat et une certification inscrite à l’inventaire pour faciliter la transition. Mais les auteurs de l’étude restent sur leur faim. "Aucune mesure coercitive n’existe", regrette Jean-Pol Roulleau. Surtout, la valorisation des parcours syndicaux dépend de la volonté affichée des directions générales. Or, certains états-majors perçoivent encore l’activité syndicale comme "une nuisance" plutôt qu’une "opportunité". Toutes les entreprises n'ont pas enterré la hache de guerre avec leurs représentants du personnel.

Aussi la reconnaissance des compétences s'avère-t-elle difficile. A l'issue du mandat, le retour au métier d'origine ne fait pourtant pas rêver. Entre temps, le poste a évolué et le come-back crée une énorme frustration. Voire un "énorme gâchis de compétences", alerte Jean-Pol Roulleau, délégué général de l’Ores, ex responsable du développement social de Rhône-Poulenc (aujourd’hui Sanofi). D'où la recherche de nouvelles perspectives professionnelles.

L’enquête de terrain met ainsi en évidence 20 compétences clefs : capacité à communiquer ; à convaincre; à analyser une situation ; connaissances juridiques de base; aptitude à interpréter un bilan, à trouver un compromis, à manager (sans lien hiérarchique avec les militants)… "Par leur diversité, ces compétences s’apparentent à ce que l’on attend d’un cadre", remarquent les auteurs. Mais ils pointent, toutefois, "certaines faiblesses dans la préparation des dossiers examinés en réunion ou dans la capacité à écouter les arguments de l’autre". Ils révèlent aussi quelques lacunes "en matière d'économie de l'entreprise et de législation sociale" et surtout un déni des "réalités du travail".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Les fonctions RH et communication ont la côte

Lorsqu'ils franchissent le pas, les titulaires des mandats s'orientent le plus souvent vers les fonctions RH et la communication interne. D’autres évoluent vers des postes au service achat ou logistique. Voire deviennent référents pour l’intégration professionnelle des jeunes. Côté statut, certains ont évolué vers des responsabilités d’agent de maîtrise ou de cadre.

Mais une reconversion professionnelle ne s'improvise pas. Elle nécessite souvent un accompagnement RH, une formation ou une validation des acquis de l'expérience (VAE). C'est ce que démontre l'analyse de 25 accords sur le droit syndical (dont Renault, Ascométal, Cap Gemini, Axa, LCL, Manpower, Sodexo) passée au crible par l'Ores. Parmi les dispositions négociés figurent, par exemple, des entretiens d’aide à l’orientation de carrière avec les RH ou avec les organisations extérieures, un soutien pour la constitution des dossiers dans le cadre de la VAE, voire une aide et des aménagements du temps de travail pour le salarié qui s’engage dans une formation. Elle implique aussi, dans la plupart des cas, une mobilité géographique vers un autre site du groupe.

Sas de reconversion

Parmi les pistes, l’Ipsas, l'Institution de progrès social des agents de la sidérurgie, et l'Ores proposent de mettre en place, via des accords, des dispositifs de reconnaissance des compétences acquises et les moyens de les valoriser. Les deux organisations recommandent également l'instauration systématique d’un entretien entre le RH, le n+1 et le nouveau titulaire de mandat visant à articuler la tenue de l’emploi et l’exercice du mandat. Elles insistent aussi sur la création d’un sas de reconversion des titulaires en fin de mandat s’appuyant sur l’organisation de bilans de compétences, de formations complémentaires intégrant les compétences acquises au cours du mandat. Autre recommandation : la formation de la hiérarchie aux rôles et contenus des instances et des organisations syndicales. Une pratique encore rare dans les états-majors.

Des DRH ambivalents

Reste néanmoins à convaincre les DRH. Car leur attitude est ambivalente. "S'ils regrettent la succession des mandats, ils apprécient le professionnalisme de leurs titulaires aguerris au fil des ans à la négociation sociale", observe Jean-Pol Roulleau. Un entre-soi, en quelque sorte. L'engagement à durée déterminée est pourtant vital pour susciter de nouvelles vocations. "Aujourd’hui, les jeunes n’ont plus envie de faire du syndicalisme à vie", constate l’expert. C'est pourquoi, la conciliation entre vie professionnelle et vie syndicale s'impose.

Le document va être transmis dans quelques jours aux adhérents du Gesim puis de l’UIMM ainsi qu’aux organisations syndicales.  A suivre…

 

* "Détecter, évaluer et reconnaître les compétences mises en œuvre dans l’exercice d’un mandat"

Anne Bariet
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