Faut-il réformer la loi Florange ?

Faut-il réformer la loi Florange ?

19.05.2017

Gestion du personnel

Si la loi Florange a permis de sauver quelques entreprises, à l’instar de Pentair, KME et peut-être de Whirlpool, elle ne s’applique pas à toutes les restructurations. L’équipementier automobile GM&S Industry ne tombe pas sous le coup du texte. D’où des résultats, pour l’heure, très limités. Un dossier d’urgence pour la nouvelle ministre du travail, Muriel Pénicaud.

C’était il y un an. Le nouveau président de la R��publique lançait son mouvement En Marche ! à Amiens (Somme). A l’issue de la réunion, six salariés de l’ex-usine de robinetterie industrielle Pentair de Ham (132 salariés), menacée de fermeture, interpellaient le futur chef d’Etat. C’était il y un an. Presque un siècle.

Le site a depuis été repris par le groupe Altifort, implanté dans l’Aisne et s’appelle aujourd’hui Picardie Valves Industrie (PVi).100 postes ont été conservés. 30 départs volontaires dont 19 pré-retraites et 2 licenciements ont été enregistrés. Or, "à l’annonce du plan de restructuration, personne n’aurait mis un kopeck sur notre entreprise", se rappelle Bertrand Vermander, représentant des salariés.

C’est l’un des premiers effets de la loi Florange qui oblige les entreprises ou groupes d’au moins 1 000 salariés fermant un site à chercher un repreneur. Trois ans après sa promulgation, la loi a-t-elle permis de limiter la casse sociale ?

Difficile d’y voir clair. "Aucun bilan n’a été effectué bien que la loi prévoyait un rapport d’évaluation", regrette Philippe Portier, secrétaire général de la FGMM (Fédération générale de la métallurgie et des mines) CFDT. La fonderie KME de Fromelennes, dans les Ardennes, fait partie des premières concernées. Le groupe finlandais Cupori a fait une offre de reprise à la société pour continuer la même activité : la production de tubes de cuivre. L’accord de cession a été finalisé fin novembre 2015 et a donné naissance à une nouvelle appellation, Tréfimétaux. Dans les Vosges, c'est le groupe franco-tunisien Pet Cristal qui s'est porté acquéreur d'un des sites de Fico-Cipa (fabrication de rétroviseurs), à Bruyères, pour sauver une partie des 63 emplois. Mais le bilan est maigre. "La loi Florange n’a abouti qu’à peu de reprises", pointe Philippe Portier.

Déborah David, avocate associée au sein du cabinet Jeantet, se montre encore plus critique. "Cette loi est un slogan, une loi de circonstance. Elle ne correspond pas à un besoin dans le code du travail, assure-t-elle. Dans la mesure où un plan social s’accompagnait déjà d’une obligation de revitalisation d’un bassin d’emploi, l’entreprise avait déjà tout intérêt à trouver son successeur".

Le texte a-t-il raté sa cible ? A l’heure où les annonces de plans sociaux et de projets de restructuration se multiplient, à l’instar de GM&S Industry, de Whirlpool, de William Saurin ou encore de Vivarte, la tension est palpable. Le mécontentement grandit et les manifestations se succèdent.

Une quinzaine de repreneurs potentiels à Whirlpool

A Amiens, les salariés de Whirlpool veulent toujours y croire. "Aucune offre ferme n’a été transmise mais une quinzaine de repreneurs potentiels de la plasturgie, de la transformation des métaux, de la mécanisation, ont manifest�� leur intérêt pour le site", témoigne Cécile Delpirou, secrétaire du CE de l’entreprise. La loi prévoit, en effet, d’informer et d’associer le comité d’entreprise dans cette recherche, à l’ouverture de la procédure d’information-consultation. "Les noms des intéressés ne sont pas divulgués mais leurs projets de reprise sont dévoilés", poursuit la syndicaliste, candidate aux élections législatives sous les couleurs de République En marche ! comme suppléante à Barbara Pompili. Les candidats ont jusqu’au 26 mai pour se manifester.

Dans la Creuse, en revanche, le cœur n’y est plus. GM&S Industry (269 salariés), sous-traitant des constructeurs PSA et Renault, placé en redressement judiciaire, ne tombe pas sous le coup de la loi. C’est l’un des points faibles du dispositif. "Les entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire ne sont pas concernées", relève Vincent Huchet, directeur de mission au sein de Sémaphores (groupe Alpha). Et ce n��est pas le seul inconvénient.

"La loi ne prend pas non plus en compte la coresponsabilité des donneurs d’ordre, remarque Michel Ghetti, président-directeur général de France Industrie Emploi. Or, cette dépendance est la clé du problème". A ce stade, seul le tribunal de commerce peut mandater un cabinet spécialisé en revitalisation avant de prononcer la liquidation judiciaire.

L’entreprise jurassienne Logo spécialisée dans la fabrication de lunettes haut de gamme (220 salariés) l’a appris à ses dépens. Ce sous-traitant de LVMH depuis une vingtaine d’années pour ses deux grandes marques Tag Heuer et Fred a été placé en liquidation judiciaire. Motif ? En novembre dernier, le géant du luxe n’a pas reconduit son contrat.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Un délai trop serré

Surtout, le timing concernant la recherche d’un repreneur est jugé trop serré. "C’est à l’issue de la première réunion d'information du CE que la prospection peut être engagée sans risque de délit d'entrave", rappelle Patrick Georges, directeur adjoint de la stratégie sociale au sein d’Altedia. Soit un délai de deux mois pour les PSE de moins de 100 salariés à quatre mois pour ceux de plus de 250 personnes. "Mais cette disposition n’est pas adaptée à la réalité de terrain". Car la recherche d’un repreneur est un processus au long cours qui doit inclure plusieurs étapes : diagnostic de site, prospection, ciblage des sociétés à approcher, prise de contact, visites de site, accompagnement du candidat à la formalisation d’une offre, rédaction d’une note adressé à l’employeur et aux membres du CE… Un travail d’orfèvre déclinée avec méthodologie par les cabinets spécialisés en revitalisation et réindustrialisation. Mais une activité aussi chronophage. D’où la demande de plusieurs spécialistes de travailler en amont, au moment où l’entreprise décide de cesser son activité. D’autant que "la recherche d’un repreneur peut très vite virer au casse-tête, reconnaît Patrick Georges. Peu d'employeurs souhaitent céder leur entreprise à un concurrent ou alors sans passer par un PSE".

Il y a donc urgence à rendre la loi plus opérationnelle. 

Rôle renforcé du CE

Même si Philippe Portier y trouve quelques vertus, notamment "l'information des représentants du personnel". Le rôle du CE est ainsi renforcé. Il peut donner un avis sur les offres de reprise, être informé des réponses motivées de l’employeur aux offres reçues et recourir à l’assistance d’un expert de son choix rémunéré par l’entreprise. De plus, "la loi co-responsabilise les pouvoirs publics, locaux et nationaux". Si la procédure n’est pas respectée, les Direccte peuvent invalider les procédures de licenciement. Et demander le remboursement des aides publiques.

Déborah David pense, de son côté, que la loi Travail pourrait améliorer son efficacité. "Elle autorise, en effet, les entreprises qui cèdent une activité à procéder à un plan de sauvegarde de l’emploi avant le transfert des contrats de travail. Auparavant, tout acquéreur devait reprendre l’ensemble des salariés affectés à l’activité cédée". Reste à attendre les premiers résultats.

Anne Bariet
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