Faute grave : les arrêts marquants de ces derniers mois

13.02.2020

Gestion du personnel

Nous vous présentons une sélection des arrêts rendus ces derniers mois en matière d'appréciation de la faute grave et de ses conséquences juridiques.

Du fait de l’absence d’une définition légale de la faute grave, il est parfois difficile de la  distinguer avec la faute simple. Il revient donc aux juges d'apprécier, au cas par cas, cette notion. L’enjeu est de taille car le salarié perd le droit de percevoir ses indemnités de licenciement ainsi que son préavis en cas de rupture du contrat. Seule l’indemnité compensatrice de congés payés lui reste acquise..La Chambre sociale de la Cour de cassation a, ces douze derniers mois, rendu certains arrêts éclairant sur les faits du salarié permettant de retenir la qualification de la faute grave ainsi que sur la preuve de ces faits. Nous vous proposons une sélection des derniers arrêts rendus en la matière.  

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Exemples de faits constitutifs de faute grave
Faits reprochés Faute grave
Fraude, détournement, malversations

Deux salariés ont falsifié des factures de soin pour obtenir des remboursements fictifs au détriment du principal client de l’entreprise.   Ces faits caractérisent un manquement manifeste à l’obligation de loyauté justifiant un licenciement disciplinaire. Ils relèvent de la vie de l'entreprise et non, comme le prétendaient les salariés de leur vie personnelle  car  ces derniers n’avaient pu avoir la possession de ces documents seulement dans le cadre de leurs fonctions (Cass. soc., 16 janv. 2019, n°17-15.003).

Remarque : rappelons que les faits commis par des salariés relevant de leur vie personnelle ne peuvent caractériser en principe une sanction disciplinaire.
oui
Un salarié, directeur, a frauduleusement obtenu un remboursement de frais et a pris des congés sans en informer au préalable son employeur (Cass. soc., 20 mars 2020, n°17-26.999) oui

Un salarié, chargé de développement,  en collaboration avec un autre salarié, a mis en place un montage juridique pour dissimuler la création d’une entreprise  dont l’activité était concurrente de celle de son employeur, alors qu'ils étaient encore au service de leur employeur en violation d'une clause d'exclusivité et qu'ils ont détourné de la clientèle ainsi que débauché un salarié de l'entreprise (Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-28.943).

Remarque : la faute lourde nécessite que la faute grave commise caractérise une intention de nuire.
Faute lourde
Faute professionnelle

Un basketteur professionnel n’assistait pas aux séances de kinésithérapeute prescrites par le médecin traitant de l’équipe durant la période de suspension de son contrat de travail causée par une blessure (liée à un accident du travail).  Il y a manquement à l’obligation de loyauté en raison des spécificités du métier de sportif professionnel qui oblige, en cas de blessure, à se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique (Cass. soc., 20 févr. 2019, n° 17-18.912)

oui
Un chargé de clients a volontairement dissimulé à son employeur la perte de           623 000€ dont 253 000 € pour un seul chantier (Cass. soc., 12 juin 2019, n°18-11.145) oui
Insubordination
Un directeur de magasin d’une enseigne de la grande distribution a refusé la mise en application de sa clause de mobilité en refusant sa mutation aux mêmes conditions (statut et rémunération) sur un magasin inclus dans le périmètre géographique de la clause (Cass. soc., 10 juill. 2019, n°17-31.637) oui
Injures, atteinte à l'image
Un salarié a eu une attitude agressive et injurieuse à l’égard de deux supérieurs hiérarchiques et a dénigré l’entreprise (Cass. soc., 9 oct. 2019, n° 17-24.773) oui
Un salarié avait dissimulé une caméra de surveillance entre deux dossiers suspendus, à l'insu de ses collègues et sans autorisation de l'employeur (Cass. soc., 5 févr. 2020, n°19-10.154) oui

 

Appréciation de la preuve et conséquences juridiques de la faute grave
Situations Conséquences
Preuve des faits reprochés
Un salarié est licencié pour faute grave pour avoir falsifié des fichiers sur le réseau informatique de l’entreprise, manipulé des collègues de travail pour obtenir des témoignages et exercé des pressions sur l’un d’entre eux. Or, la Cour de cassation a relevé que les faits reprochés n'étaient pas établis (Cass. soc., 9 oct. 2019, n°18-14.677)

Nullité du licenciement :les  juges estiment que le licenciement était en lien avec l’exercice par le salarié de son droit d’ester en justice

Un prospecteur d’une agence bancaire a été licencié pour faute grave pour avoir consulté des portefeuilles autres que ceux de ses clients. La preuve de sa faute a été révélée par un système informatique dont l’objectif déclaré était de vérifier des opérations et procédures internes, de surveillance et de maîtrise des risques et non de contrôler les salariés (Cass. soc., 11 déc. 2019, n°18-11.792)

Licenciement abusif : le dispositif de contrôle a été détourné de son objectif pour contrôler l’activité des salariés. En l’absence de consultation préalable du CSE (CE auparavant) pour utiliser le système de contrôle interne pour ce nouvel objectif, le moyen de preuve doit être écarté et le licenciement requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Un salarié filmé dans le parking de l'entreprise en train de commettre une faute ne peut contester son licenciement pour faute grave si le système de vidéosurveillance n’est pas utilisé pour contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions. Les caméras avaient manifestement une finalité différente, à savoir assurer la sécurité des biens et des salariés de l'entreprise  (Cass. soc., 11 déc. 2019, n°24.179). Lorsqu'un dispositif de surveillance installé dans les locaux d'une entreprise n'est pas destiné à contrôler l'activité des salariés mais à assurer la sécurité de ces locaux,  l’employeur est exonéré de l’obligation d'information préalable du CSE et des salariés. Le mode de preuve obtenu grâce aux caméras peut alors justifier un licenciement.
Faute grave pendant le préavis

Lorsqu'il y a rupture immédiate du contrat pendant le préavis en raison d'une faute grave commise pendant l’exécution de ce préavis, l'indemnité de licenciement reste due car le droit à l’indemnité de licenciement naît à la date de notification (Cass. soc., 11 sept. 2019, n°18-12.606)

Si le droit à l’indemnité de licenciement naît à la date de notification de ce dernier,  l’ancienneté retenue pour calculer l’indemnité due à un salarié qui commet une faute grave pendant l’exécution de son préavis s’apprécie à la date d’interruption de ce dernier. 
Incidence d'une clause contractuelle sur le préavis

La faute grave n'est privative des indemnités de préavis que dans la mesure où le contrat de travail liant les parties ne contient pas de dispositions plus favorables au salarié (Cass. soc., 20 mars 2019, n°17-26.999)

L'indemnité de préavis est due en cas de faute grave si le contrat de travail prévoit un préavis, en cas de rupture du contrat du fait de l'une ou de l'autre des parties, sans établir de distinction selon le motif de la rupture .

Délai pour sanctionner
Pour sanctionner un salarié fautif, l’employeur doit engager la procédure disciplinaire dans un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur  a eu connaissance des faits (C. trav. Art. L. 1332-4). Toutefois lorsqu’il s’agit d’une faute grave, l'employeur doit respecter un délai restreint (Cass. soc. 22 janv; 2020, n°18-18.530)

Si l'employeur convoque le salarié à un entretien préalable à un licenciement disciplinaire la veille de la date d’expiration du délai de 2 mois, la faute grave ne peut être retenue. Dans l'espèce ci-contre, l'employeur a eu connaissance de l'incident le 9 septembre  mais n’ avait convoqué le salarié que le 8 novembre.

 

Nathalie Lebreton, Dictionnaire permanent Social Elvire ADJIBAO; Adèle BLANC; Lola INGLES; Eva THOMAS; Élise WAGNER et Annaëlle ZERBIB : étudiants en Master 2 DPRT de la faculté Jean Monnet de Sceaux (Université de Paris-Saclay)
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