Partenariat avec un cabinet spécialisé dans la paie, évolution de la gouvernance, recrutement d'associés, financiarisation de la profession comptable... Thierry Denjean, président fondateur de Denjean & associés, répond à nos questions.
On voudrait être meilleur en paie parce que cela se complexifie de plus en plus. Cette activité réclame de plus en plus d'expertise notamment parce que le droit social se mêle de plus en plus aux opérations de paie. Et on s'aperçoit qu’il y a de plus en plus de litiges qui naissent dans les relations entre les salariés et leur employeur en raison des complexités largement plus importantes que les années précédentes. On se rend compte que cela peut devenir, à terme, au plan de la responsabilité, un sujet explosif pour un cabinet.

Nous sommes très implantés auprès de grands comptes. Comme nos clients font appel à nous pour des sujets complexes, nous voulions que notre service paie soit aligné sur nos autres expertises et qu’il soit le plus performant possible. Et à Lyon, on connaissait bien ce service [d’Exaur] puisqu'on sous-traitait déjà les paies de Denjean & associés, pour des raisons de confidentialité. On a eu l'occasion, depuis 3-4 ans, d’une part de tester ses compétences, d'autre part c'est un cabinet qu'on suit depuis très longtemps, Exaur étant la société qui a racheté ma petite implantation lyonnaise quand j'ai démarré le cabinet en 1995. Exaur possède une vraie expertise puisqu’il dispose d’une cellule spécialisée qui mélange à la fois des techniciennes de la paie et des avocats en droit social. Notre cabinet réalise à peu près 2000 paies par mois, ce qui est ridicule pour notre taille. Cela s'explique par le fait qu’on a beaucoup de grands comptes lesquels ont beaucoup de services de paie internalisés. Le schéma choisi est une joint-venture car Denjean & associés n'a pas vocation à faire de la croissance externe.
Nous voulons partager des expertises. Et on ne s'interdit d'ailleurs pas de nouer d'autres partenariats avec d'autres spécialistes d'activités que l'on ne pourrait pas avoir en interne, tout au moins pour lesquels on jugerait que notre niveau de compétence n'est pas à la hauteur des exigences de nos clients.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Il y a deux sujets qui se confrontent sur la paie. Le premier, c'est qu'il y a toujours eu ces volontés gouvernementales de simplifier le bulletin de paie. C'est vrai qu'il y a eu pas mal de réformes en ce sens-là avec la création de la DSN qui constitue un grand pas en avant.

Mais à l’inverse, la nature des litiges se complexifie même si aujourd’hui on a des outils qui ont tendance à mécaniser le processus de paie, à le rendre extrêmement simple au point que quelquefois nos techniciennes ou techniciens de paie en oublient le fonctionnement, les rouages, les principes, les particularités et alors même que les éditeurs de paie — et on leur fait confiance — indiquent disposer de départements spécialisés où ils étudient en détail les conventions collectives pour adapter leur plan de paie.
Effectivement on a fait évoluer notre partnership de plusieurs manières. La première était nécessaire compte tenu des sollicitations régulières pour des rapprochements avec notre structure et pour faire évoluer notre gouvernance pour apporter de la confiance vis-à-vis de toutes les parties prenantes. Il fallait montrer que je n'étais plus seul aux commandes. Donc j'ai nommé une directrice générale en octobre 2024 afin de commencer à initier un processus, qui prendra du temps, de transmission tout au moins déjà au niveau de la gouvernance.
Le deuxième élément que l'on a fait tient au volume de notre activité. On a associé à notre capital Adrien Scaramuzza, Elodie Louis-Philippe et Cyril Pascalin lequel anime notre bureau de Lyon. Ces trois jeunes associés sont très talentueux.

Et on avait une volonté aussi de faire évoluer nos services et nos expertises sur deux chantiers. Le premier, c'était la RSE, puisque nous sommes très impliqués dans cette démarche. Nous sommes en cours de recrutement d'un associé ou d'une associée RSE. Nous n'avons pas pour l'instant trouvé l’oiseau rare dans un contexte législatif qui est très mouvant, ce qui n’incite pas à se précipiter sur ce métier-là.
En revanche, en ce qui concerne les systèmes d'information — c’est le deuxième chantier —, on a associé Gaetan Baudusseau, un ancien d'Accenture qui est en train de développer le département systèmes d'information et transition numérique avec une offre grands comptes sur des implantations de SAP. On est en train de monter une équipe capable d'aller challenger les intégrateurs et de répondre aux nécessités de digitaliser les process, que ce soit en interne ou pour certains de nos clients.

Dernier point, on avait effectivement une partnership qui vieillissait en même temps que le cabinet puisque le cabinet a dépassé les 30 ans d'existence. Nous avions notamment une personne très influente dans notre département consolidation à remplacer. C’est chose faite avec l’arrivée de Thierry Jaffard qui nous a rejoint pour codiriger ce département. A ce titre, nous avons fait une petite entorse à notre philosophie stratégique. Nous sommes passés par le rapprochement avec la structure de consolidation LP2A que Thierry Jaffard avait créée. Ce qui fait qu'aujourd'hui nous avons une vingtaine de consultants qui sont directement opérationnels pour les services de la consolidation.
Cela ne change pas du tout notre stratégie RSE car c'est vraiment inné chez nous. Nous étions largement militants bien avant que toutes ces dispositions ne se déploient. Et on poursuit. Nous avons noué des partenariats avec de grandes universités françaises où on a mis en place un challenge qui consiste justement à aider leurs filières comptables à intégrer des modules pratiques de RSE dans leurs cours. Je pense notamment à Panthéon Sorbonne et à Dauphine où on fait faire des bilans carbone aux étudiants.

Et on a obtenu l’habilitation Cofrac cette année. La RSE est un critère important pour nos recrutements. Donc on n'arrête pas du tout même si c'est vrai que le business afférent à ces nouveaux services est moins pléthorique que ce qui était prévu. Mais c’est une question de calendrier.
Dans le cadre de l’évolution de la gouvernance de Denjean & associés, on a mis en place, il y a plus de quatre ans, un plan d'affaires et une stratégie pour les cinq ans à venir à l'époque. Et ce plan ne prévoit pas à ce stade l'entrée ou l'adossement à un fonds ou l'entrée d'un partenaire financier. Parce que l'histoire de Denjean & associés autour d'un actionnaire fondateur majoritaire et des succès financiers depuis 30 ans ne nécessite pas de faire entrer des capitaux. Le cabinet est très solide financièrement et à même de financer sa croissance, y compris dans des investissements de plus en plus lourds en matière de digital et de technologie, d'autant plus qu'on a vraiment une politique de nouer des partenariats quand ça s'avère nécessaire pour parfaire nos offres. Donc aujourd'hui ce n'est pas d'actualité même si on reste très ouverts.

La financiarisation de la profession s'accélère énormément. Les coefficients de valorisation de rachat des cabinets, sans être proches de ceux de la tech ou du luxe, ont quasiment doublé depuis 2-3 ans. A l’époque d’ailleurs on ne parlait pas de multiple d’Ebitda. Les anciens critères de valorisation étaient essentiellement fondés sur le volume du chiffre d'affaires. Aujourd'hui, on combine maintenant les deux méthodes, c'est-à-dire à la fois celle du chiffre d'affaires et celle du multiple d’Ebitda. Demain il n’y aura plus que l’Ebitda.
Une multitude de fonds se sont précipités sur le marché. Ils ont levé beaucoup d'argent auprès de leurs souscripteurs, ce qui fait qu’il va y avoir beaucoup d'opérations dans les 3 à 5 ans qui viennent. La profession est très fragmentée. En dehors d'une dizaine ou d'une vingtaine de cabinets qui tiennent le marché, il y a 10 000 cabinets indépendants sur le marché. C'est énorme. Il est peut-être nécessaire de consolider.
Le garde-fou, c'est que les professionnels conservent leur indépendance. Le risque peut exister avec des montages très sophistiqués. Et on en a vu notamment dans les activités de droit intellectuel et de brevet.

Il y a nécessité de faire évoluer notre modèle. Il y a de beaux investissements à faire dans notre profession. 50% des experts-comptables ont plus de 50 ans. Il y a des problèmes de recrutement. Beaucoup de confrères arrêtent parce qu'ils n'arrivent plus à recruter. Mais les cabinets sont en train de complètement renouveler leur marque employeur, une notion qui n'était quand même pas très en vogue il y a quelques années. Donc le marché est en passe de se retourner. Les problèmes de recrutement sont peut-être derrière nous.
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