Fiscalité, paie, juridique... la relative libéralisation du commissaire aux comptes est opérationnelle

Fiscalité, paie, juridique... la relative libéralisation du commissaire aux comptes est opérationnelle

06.05.2020

Gestion d'entreprise

Il n'y a plus de services non audit que le commissaire aux comptes n'a absolument pas le droit de fournir lorsqu'il certifie les comptes d'une entité qui n'est pas d'intérêt public. Ce principe a été entériné dans un décret qui n'apporte toutefois pas de précisions sur les éventuelles mesures de sauvegarde nécessaires à l'indépendance du commissaire aux comptes.

La relative séparation de l'audit (légal des comptes) et du conseil est fortement ébranlée en France. Les services fiscaux, la production de bulletins de paie, le conseil juridique, le diagnostic informatique... Toutes ces prestations peuvent, sous conditions, être fournies par un commissaire aux comptes dans deux situations : 1) lorsque ce professionnel est chargé d'une mission de certification légale des comptes d'une entité qui n'est pas d'intérêt public, c'est à dire d'une entité qui est soit petite, soit moyenne soit grande 2) lorsque ce professionnel intervient auprès d'une entité dont il n'est pas chargé de certifier les comptes. Cette nouveauté provient de la loi de 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Avec ce texte, la liste noire de services non audit strictement interdits disparaît sauf lorsque le commissaire aux comptes est chargé de certifier les comptes d'une entité d'intérêt public (EIP), c’est à dire grosso modo soit d'une entité cotée sur un marché réglementé, soit d'une banque, soit d'une assurance soit, dans certains cas, d'une très grande société.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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3 conditions fondamentales à remplir

Trois conditions fondamentales sont à remplir pour qu'un commissaire aux comptes chargé d'auditer les comptes d'une entité qui n'est pas d'intérêt public ait le droit de délivrer un service non audit (lire notre article pour davantage d'explications) — situation sur laquelle nous nous focalisons dans cet article. Premièrement, ce professionnel ne doit pas s'immiscer dans la gestion de l'entité auditée (article L 823-10 du code de commerce). Les deux autres conditions concernent l'indépendance et l'absence de risque d'auto-révision qui sont désormais basées sur une analyse des risques et des mesures de sauvegarde. "Il est interdit au commissaire aux comptes d'accepter ou de poursuivre une mission de certification auprès d'une personne ou d'une entité qui n'est pas une entité d'intérêt public lorsqu'il existe un risque d'autorévision ou que son indépendance est compromise et que des mesures de sauvegarde appropriées ne peuvent être mises en œuvre", précise l'article L 822-11 du code de commerce.

C'est justement sur les situations à risque et les mesures de sauvegarde que le décret, publié fin mars, était attendu (voir le décret n° 2020-292). Mais ce texte n'apporte pratiquement aucune nouveauté dans ces domaines. Sur les risques, le nouvel article 5 du code de déontologie reprend grosso modo ce qui était prévu aux anciens articles 5 et 11, c'est à dire que "l'indépendance du commissaire aux comptes s'apprécie en réalité et en apparence. Elle se caractérise par l'exercice en toute objectivité des pouvoirs et des compétences qui sont conférés par la loi. Elle garantit qu'il émet des conclusions exemptes de tout parti pris, conflit d'intérêt, influence liée à des liens personnels, financiers ou professionnels directs ou indirects, y compris entre ses associés, salariés, les membres de son réseau et la personne ou l'entité à laquelle il fournit la mission ou la prestation.  Elle garantit également l'absence de risque d'autorévision conduisant le commissaire aux comptes à se prononcer ou à porter une appréciation sur des éléments résultant de missions ou de prestations fournies par lui-même, la société à laquelle il appartient, un membre de son réseau ou toute autre personne qui serait en mesure d'influer sur le résultat de la mission ou de la prestation". On remarque que le code de déontologie considère que l'indépendance englobe l'absence de risque d'auto-révision.

Quid des mesures de sauvegarde ?

Les mesures de sauvegarde applicables en cas de situations à risque ne sont pas davantage développées qu'auparavant, c'est à dire en l'occurence qu'aucune mesure précise n'est donnée en exemple. Pourtant, il est intéressant de relever que le H3C avait identifié, en 2011 — donc dans un cadre différent —, une bonne pratique professionnelle relative à l'absence de risque d'auto-révision. On y trouve notamnent une grille d'analyse consistant à apprécier l’importance des effets des prestations constitutives de la situation d’autorévision en vue de déterminer si elles engendrent un risque de perte d’indépendance du commissaire aux comptes. On y trouve aussi une liste indicative de mesures de sauvegarde susceptibles d'être pertinentes, par exemple en prévoyant que la mission de contrôle légal des comptes soit réalisée par une équipe et un (des) associé(s) différents de ceux qui ont effectué la prestation antérieure.

De même, comme nous l'avons évoqué à plusieurs reprises, il est intéressant d'avoir à l'esprit ce que préconise le code "international" d'éthique des comptables produit par Iesba (international ethics standard board for accountants). Car, même si ce code ne produit que du droit mou qui ne s'impose au commissaire aux comptes ni dans l'Union européenne ni en France, on sait que le droit de l'Union européenne comme le droit français s'en rapprochent chaque jour un peu plus. Or, ce code préconise par exemple, dans sa version actuelle (édition 2018), généralement, pour traiter la menace d'auto-révision, de réaliser le service non audit par une équipe différente de celle chargée de l'audit légal. C'est le cas prévu pour la préparation des enregistrements comptables — avec toutefois l'éventuel sujet supplémentaire de la prérogative d'exercice comptable à respecter pour une structure exerçant en France —, les travaux de paie ou encore le conseil fiscal. Cette solution est a priori accessible aux moyens et grands cabinets et/ou aux structures appartenant à un réseau. Avec le risque qu'elle ne développe les scandales comptables.

Ludovic Arbelet
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