Dans cette chronique, Christine Artus et Sarah Chihi, respectivement avocate associée et collaboratrice senior au sein du cabinet K&L Gates, rappellent les obligations qui pèsent sur l'employeur qui met en place un système de forfait annuel en jours. Trois arrêts de la Cour de cassation rendus en 2024 ont précisé ces obligations.
Depuis le début de l’année 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts précisant les obligations de l’employeur en matière de suivi de la charge de travail des salariés en forfait-jours.
Retour sur les points de vigilance issus de trois arrêts de ce premier trimestre 2024 (1)
Conformément aux dispositions du code du travail, les cadres dits "autonomes" peuvent bénéficier d’une convention annuelle de forfait-jours (2) de 218 jours maximum travaillés par an, sous réserve qu’un accord collectif le prévoie (3) et que le contrat de travail ait prévu cette modalité de temps de travail.
Le code du travail précise le contenu de cet accord (4).
À titre dérogatoire, et afin de sécuriser les accords devenus défaillants au gré des réformes, l’article L.3121-65 du code du travail admet qu’en pratique, une convention de forfait-jours peut-être valablement conclue si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :
- l'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées ;
- l'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
- l'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et sa rémunération (5).
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
C’est là tout l’enjeu pour les entreprises.
Au fil des années, la Cour de cassation a précisé que le suivi et le contrôle de la charge de travail des salariés doivent être effectifs.
Dans les arrêts des 10 janvier, 28 février et 27 mars 2024, la Cour de cassation rappelle que dès lors que l’employeur bascule dans le champ d’application de l’article L.3121-65 du code du travail, il a l’obligation de se conformer, strictement, à l’ensemble des obligations relatives au suivi de la charge de travail des salariés.
À défaut, la sanction est sévère : l’employeur ne peut se prévaloir du régime dérogatoire et la convention de forfait-jours est frappée de nullité.
Ces trois arrêts précisent qu’en pratique, l’employeur doit :
- s’assurer de la conformité du document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, sans pouvoir s’exonérer de sa responsabilité dans le cas où les documents seraient établis par le salarié et ne refléteraient pas la réalité des jours travaillés (6) ;
- organiser a minima un entretien annuel sur la charge de travail du salarié, pour autant que l’employeur soit en mesure de démontrer que l’ensemble des thèmes relatifs à la charge de travail du salarié aient été abordés au cours de cet entretien (7) ;
- instituer un suivi effectif et régulier de la charge de travail des salariés, la seule organisation d’un ou plusieurs entretiens étant insuffisante (8).
Une entreprise dont l’accord collectif serait devenu défaillant et qui ne se conformerait pas strictement à l’exigence de suivi de la charge de travail de ses salariés en forfait-jours est actuellement à risque. Les salariés pourraient en effet remettre en cause la validité de leur convention de forfait-jours et demander notamment un rappel de salaire pour les heures supplémentaires travaillées au-delà de la durée légale du travail ainsi que des dommages et intérêts divers.
En pratique, à l’aune de la jurisprudence qui se montre de plus en plus sévère, les employeurs sont invités à prévenir les risques. La première étape consiste à effectuer un audit de la situation. Au besoin, l’employeur devra retravailler et renégocier son accord temps de travail afin de le mettre en conformité avec le droit actuel. L’autre étape vise à renforcer le dispositif existant en matière de suivi de la charge de travail des salariés en forfait-jours. On sait désormais que l’envoi d’un simple document de suivi mensuel adressé au salarié et rempli par ce dernier et que l’organisation d’un entretien annuel général ne permettent pas de se conformer aux exigences du code et de la jurisprudence. L’employeur doit donc aller plus loin et s’assurer de l’effectivité des mesures mises en place.
(1) Arrêts du 10 janvier 2024, 28 février 2024, et 27 mars 2024.
(2) Article L.3121-58 du code du travail.
(3) Article L.3121-63 du code du travail.
(4) Article L.3121-64 du code du travail.
(5) Article L.3121-65 du code du travail.
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