France Stratégie publie ce jeudi une note sur l'avenir du travail et la manière dont le droit du travail doit appréhender les nouvelles formes de travail qui se développent au travers de l'économie collaborative. Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie, nous en dévoile les grandes lignes.
La note "Nouvelles forme de travail et protection des actifs" de Cécile Jolly, Emmanuelle Prouet et VanessaWisnia-Weill publiée ce jeudi prend place dans le projet 2017/2027 (www.francestrategie1727.fr ) à travers lequel France Stratégie souhaite éclairer le débat de la présidentielle autour de 12 thématiques. Un appel à contribution sur la note sera lancé au moment de la publication.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Dans votre note, vous relevez que "les formes émergentes sont aujourd'hui quantitativement insignifiantes". Pourtant, vous insistez sur leur prise en compte ?
Oui car il s'agit d'un modèle d’extension limitée, mais qui se développe très vite ; Uber compte 15 000 chauffeurs en France, ce qui reste peu, mais avec un million de chauffeurs dans le monde, elle est probablement l'entreprise qui a grandi le plus vite de l'histoire.
Certains déplorent que le gouvernement ait mis trop de temps à s'emparer du sujet
Lorsqu’un nouveau modèle d’affaire apparaît, il faut laisser du temps à l’observation et à l'expérimentation. L’arbitrage est délicat : il faut laisser se développer ces activités nouvelles pour voir si elles apportent quelque chose, mais sans leur accorder une souplesse trop longtemps sous peine de créer une situation irréversible, avec le risque de distorsions de concurrence. Les nouveaux entrants ont souvent choisi un modèle disruptif - bousculer le cadre législatif en espérant qu'il finisse par s'adapter à leurs demandes. Ils doivent comprendre qu’expérimentation n’est pas synonyme de laxisme réglementaire.
Vous envisagez trois scénarii bien distincts pour appréhender cette nouvelle réalité du travail
Oui, sans nous prononcer toutefois en faveur de l'un des trois ; nous essayons avant tout de définir des options. La première est de raisonner par assimilation au salariat et de continuer à adapter le cadre actuel aux transformations du travail, sans remettre en cause la distinction entre salariat et travail indépendant. La deuxième option vise à créer un statut intermédiaire entre salariat et travail indépendant traditionnel comme cela est proposé aux Etats-Unis par Alan Krueger et d’autres.
Le rapport de Pascal Terrasse et le gouvernement ne retiennent pourtant pas cette piste
Il ne faut pas définitivement l'écarter car la voie de l'assimilation au salariat peut être difficile pour des travailleurs autonomes qui décident pour qui ils travaillent, quand, où et pour combien de temps. Ce lien de para-subordination est bien différent du lien de subordination du salarié. Par exemple, comment appliquer les règles de durée du travail à des actifs qui travaillent simultanément pour trois employeurs ? En revanche, comment traiter comme de purs indépendants ceux qui tirent l’essentiel de leur revenu d’une activité unique normée par une plateforme donnée ?
Quelle est la troisième option ?
Il s'agirait de créer un statut de l'actif, un droit de l’activité professionnelle englobant les statuts existants qui serait à articuler avec le scénario d’un compte personnel d’activité a maxima. Dans cette option, on déconnecterait l’ensemble des droits sociaux du statut d’emploi, les attachant directement à la personne et à son activité professionnelle.
Le périmètre du CPA est justement en débat dans le cadre du projet de loi Travail. Que contiendrait ce CPA a maxima ?
Dans notre rapport sur le compte personnel d'activité, l'une des pistes est un CPA élargi qui intégrerait l'ensemble des droits sociaux, avec une fongibilité étendue ; il serait ainsi un instrument d'autonomie, de choix personnel et permettrait la conversion de droits. Il serait également un instrument d'information individualisé et pourrait être utilisé comme un véhicule pour de nouvelles politiques publiques. Nous raisonnons alors en situation individuelle et non en risques séparés.On pourrait en outre englober dans le CPA des activités socialement utiles mais qui ne donnent pas lieu à rémunération comme l'engagement civique. Il s'agit d'un débat important.
Le patronat est réfractaire à un CPA élargi car il en redoute le coût pour les entreprises, qu'en pensez-vous ?
Il y a effectivement des problèmes à résoudre ; l'entreprise qui embauche un salarié ne souhaite pas acquérir en même temps une sorte de dette. Il faut réfléchir à des formes de mutualisation ou de provisionnement ; il ne s'agit pas de transférer la charge de l'ensemble des droits au nouvel employeur.
Au-delà de ces trois scenarii, vous ne militez pas en faveur d'une réforme globale ?
Il est trop tôt pour choisir. Il est probable que le modèle de plate-forme ait le caractère d’une technologie générique susceptible de se développer dans tout un ensemble de domaines. Je crois qu’elle a un potentiel important, parce qu’elle résout un certain nombre de problèmes généraux de l'industrialisation des services. La plateforme, c’est peut-être une forme nouvelle de coordination alternative à l’entreprise au sein de laquelle les relations sont organisées sur une base hiérarchique, hors marché. Toutefois, il ne faut évidemment pas changer les principes fondamentaux de notre régulation du travail à la légère. C’est pour cela que nous disons qu’il faut, à ce stade, explorer les potentialités des trois scenarii.
La note insiste sur un point qui apparaît peu dans ce débat : la place de la négociation collective dans ces formes émergentes de travail
Historiquement, la négociation collective a répondu à des formes d'asymétrie entre employeurs et salariés. Avec l'économie collaborative, une situation de même type se présente, cette fois avec un intermédiaire qui est en position dominante, ce qui pose toute une série de questions sur les conditions de rémunération, d'exercice des services, etc. La représentation des indépendants précaires ou des salariés ayant de multiples employeurs sera sans doute un enjeu majeur à l’avenir. C’est un sujet nouveau, à peine effleuré par exemple dans le rapport Combrexelle.
Le recul du CDI occupe une place centrale dans les débats sur le projet de loi Travail. Est-ce encore la question principale dans le débat sur l'avenir du travail ?
Les CDD très courts et le travail au sein de l'��conomie collaborative forment une continuité. Le premier a fini par institutionnaliser l'intermittence et nous oblige à répondre au problème de la précarité. Les questions soulevées par l'économie collaborative sont à un horizon plus long ; il s'agit de réfléchir au travail de demain. Quel que soit le pays et sa législation du travail, nous partageons tous les mêmes interrogations.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.