Fusions transfrontalières : le droit fiscal français pose une restriction interdite à la liberté d'établissement

30.03.2017

Gestion d'entreprise

La CJUE juge qu'une disposition du code général des impôts qui soumet les fusions transfrontalières à un agrément spécial de l'administration fiscale non exigé pour les fusions internes est incompatible avec l'article 49 du TFUE.

La CJUE a été saisie par le Conseil d’État de la question de la conformité au droit de l’Union d’une règle du droit fiscal français applicable en cas de fusions transfrontalières. Cette règle, posée à l’article 210 C du code général des impôts (CGI), subordonne l’octroi de certains avantages fiscaux applicables aux fusions à un agrément lorsque l’opération a lieu au bénéfice d’une société étrangère.

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Une société de droit français avait fait l’objet d’une opération de dissolution sans liquidation de la part et au profit de son associé unique, une société de droit luxembourgeois. Cette opération emportant transfert universel de patrimoine, elle est assimilée à une fusion-absorption. C’est pourquoi, lors de sa déclaration de résultats en 2005, la société française avait pensé pouvoir opter pour le régime spécial des fusions prévu aux articles 210 A et suivants du CGI. Elle n’avait, par conséquent, pas soumis à l’impôt sur les sociétés les plus-values nettes et les profits dégagés sur les actifs dont elle avait fait apport à la structure luxembourgeoise.

Suite à un contrôle fiscal, l’administration a remis en cause le bénéfice du régime spécial des fusions, reprochant à la société de ne pas avoir sollicité l’agrément ministériel prévu à l’article 210 C du CGI. En outre, l’administration estimait que cet agrément n’aurait pas été accordé, l’opération n’ayant pas été justifiée par une raison économique, mais par un objectif de fraude ou d’évasion fiscales.

La société luxembourgeoise a porté le litige devant les juridictions administratives françaises qui, en première instance comme en appel, ont rejeté sa demande de décharge. C’est dans ce cadre que le Conseil d’État a interrogé la CJUE sur l’interprétation de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, relative aux fusions transfrontalières.

L’opération relevait en effet du champ d’application de cette directive dont l’objectif est de garantir que les opérations de restructuration de sociétés de différents États membres (telles que les fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions) ne soient entravées par des restrictions, désavantages ou distorsions particuliers découlant des dispositions fiscales des États membres.

Remarque : la directive 90/434/CEE, en vigueur au moment des faits en l’espèce, a été abrogée et remplacée par la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 qui porte sur le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions.

Mais l’article 11, § 1 de la directive 90/434/CEE offre la possibilité aux États de refuser d’appliquer tout ou partie de ses dispositions ou d’en retirer le bénéfice, lorsque l’opération de restructuration a pour objectif principal ou essentiel la fraude ou l’évasion fiscales, faculté que la France a utilisée.

La CJUE rappelle d’abord que, dans la mesure où la directive 90/434/CEE n’opère pas une harmonisation exhaustive, il lui appartient d’apprécier le texte du CGI au regard du droit primaire. Elle se prononce, par conséquent, au regard de l’article 49 du TFUE qui prohibe les restrictions à la liberté d’établissement. C’est dans ce cadre qu’elle juge que le droit français instaure une différence de régime entre les fusions internes et les fusions transfrontalières contraire au droit de l’Union. La liberté d’établissement s’oppose à ce qu’une législation nationale conditionne un report d’imposition en cas de fusion transfrontalière à une procédure d’agrément préalable et impose au contribuable de démontrer, pour obtenir cet agrément, que l’opération est justifiée par un motif économique, que son objectif principal ou essentiel n’est pas la fraude ou l’évasion fiscales et que ses modalités permettent d’assurer l’imposition future des plus-values mises en sursis d’imposition, alors que le report d’imposition n’est pas soumis à de telles exigences pour les fusions internes. L’article 210 C du CGI n’est donc pas conforme au droit de l’Union.

Myriam Roussille, Professeur agrégée des facultés de Droit, Université du Maine, IRJS-Sorbonne Finance
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