Future relation UE - Royaume-Uni : les sujets de désaccord

06.03.2020

Gestion d'entreprise

Le premier « round » de discussions sur la relation post-Brexit, qui s'est achevé le 5 mars, a cristallisé des divergences profondes entre les deux parties.

L’encre de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’UE n’a pas encore séché qu’une nouvelle négociation – portant cette fois sur la relation future entre les deux parties – a démarré à Bruxelles le 2 mars dernier. L’ordre du jour de ce premier cycle de discussions de 4 jours était chargé, tant l’objectif de parvenir à un accord d’ici fin décembre est ambitieux. Échanges  de marchandises, services, transport, énergie, pêche, conditions de concurrence équitables… L’ensemble de ces sujets ont été abordés en parallèle, l’UE veillant toutefois à avancer en priorité dans « les domaines où le risque de perturbations à la fin de la période de transition serait particulièrement élevé en cas d’absence d’accord ». Car, comme dans toute négociation, la menace d’un « no deal » n’est pas à exclure. Elle serait même plutôt réelle, le Royaume-Uni se disant prêt à se retirer des discussions dès juin en cas de progrès insuffisants. Et pour l’instant, les points de frictions ne manquent pas.
Échanges de marchandises et conditions de concurrence équitables
Concernant les échanges de biens entre le Royaume-Uni et l’Union, l’accord imaginé par la Commission européenne aurait beau être l’un des « meilleurs » accords de libre-échange, il diffère nécessairement du régime de libre circulation des marchandises rendu possible par l’union douanière et le marché unique de l’UE. Certes - et sur ce point les deux parties s’entendent -, il ne prévoirait « ni droits de douane ni contingents pour l’ensemble des marchandises ». Mais pour l’UE, cet accès privilégié serait subordonné à l’existence de dispositions assurant des « conditions équitables pour une concurrence ouverte et loyale » (« level playing field »). Plus précisément, l’accord devrait « maintenir les normes communes élevées […] en prenant les normes de l’Union pour point de référence ». Le Royaume-Uni serait ainsi tenu d’appliquer certaines règles européennes dans les domaines des aides d’État, de la concurrence, des entreprises publiques, des normes sociales et en matière d’emploi, de l’environnement et du changement climatique, ainsi qu’en ce qui concerne les questions fiscales pertinentes et d’autres mesures et pratiques réglementaires dans ces domaines. Qu’en pense le Royaume-Uni ? « Nous n’accepterons aucune obligation pour nos lois de s’aligner sur celles de l’UE », précise le mandat britannique. Difficile d’être plus clair.
Gouvernance et règlement des différends
Pour l’UE, le « partenariat envisagé devrait inclure des modalités appropriées pour le règlement des différends et le contrôle de l’application des règles, y compris des dispositions permettant une résolution rapide des problèmes ». Les parties seraient d’abord encouragées à résoudre tout désaccord à l’amiable, puis, en cas d’échec, elles pourraient soumettre leur différend à un groupe spécial d’arbitrage indépendant pour obtenir une décision contraignante. En revanche, ce groupe d’arbitrage ne pourra en aucun cas empiéter sur le rôle de la CJUE qui, seule, peut interpréter le droit de l’Union.
Là encore, les positions des négociateurs divergent : alors que l’Union souhaite inscrire la relation future avec le Royaume-Uni « dans un cadre global », l’objectif du gouvernement de Boris Johnson est de conclure une multitude d’accords sectoriels (échanges commerciaux, pêche, aviation…). Et, au lieu d’établir un système commun de règlement des différends pour tous ces accords, le gouvernement britannique veut un « dispositif de gouvernance approprié » pour chacun d’eux.
Coopération judiciaire et policière en matière pénale
Un autre point de désaccord concerne la coopération judiciaire et policière en matière pénale. Lutte contre le terrorisme, le crime organisé ou le blanchiment d’argent… Dans tous ces domaines, l’UE veut établir une « coopération ambitieuse » qui implique « des engagements, de part et d’autre, à l’égard des droits fondamentaux des personnes ». Or, le Royaume-Uni refuse de s’engager formellement à continuer d’appliquer la Convention européenne des droits de l’homme et ne veut pas non plus que la CJUE joue pleinement son rôle dans l’interprétation du droit de l’UE.
Pêche
Sur la pêche également, les parties affichent des positions diamétralement opposées. Le Royaume-Uni souhaite en effet négocier l’accès réciproque aux eaux sur une base annuelle et ne veut pas que l’accord de pêche fasse partie de l’accord global avec l’UE. Pour l’Union, non seulement « le partenariat envisagé devrait inclure, dans son volet économique, des dispositions en matière de pêche », mais son but serait d’« éviter tout bouleversement économique pour les pêcheurs de l’Union actifs dans les eaux du Royaume-Uni ».
Autres sujets
Outre ces quatre points de divergences soulignés par Michel Barnier lors de la conférence de presse du 5 mars, il en existe d’autres qui méritent l’attention.
Transports
En matière de transport routier, par exemple, les directives de négociation européennes sont claires : « En tant qu’opérateurs de pays tiers, les transporteurs routiers du Royaume-Uni ne devraient pas se voir accorder le même niveau de droits et d’avantages que celui dont jouissent les transporteurs routiers de l’Union » en ce qui concerne les opérations de cabotage. Outre les conditions équitables, le Royaume-Uni devrait également garantir le respect des normes communes dans le domaine de la protection sociale des conducteurs.
Pour le Royaume-Uni, en revanche, les transporteurs routiers britanniques et européens devraient être autorisés à fournir des services à destination, en provenance et à travers le territoire de l’autre partie « sans aucune restriction quantitative », à l’image de ce qui existe actuellement dans le cadre de certains accords bilatéraux entre États membres et pays tiers.
Dans le domaine du transport aérien, l’UE est tout aussi ferme : « Le partenariat envisagé devrait prévoir certains droits de trafic, sur une base réciproque, afin d’assurer la continuité de la connectivité. Cependant, le Royaume-Uni, en tant que pays non-membre de l’Union, ne saurait jouir des mêmes droits et avantages qu’un État membre ». De son côté, le Royaume-Uni souhaite conclure avec l’UE deux accords en matière de transports aériens (un global et un autre consacré à la sécurité), qui ne comporteraient « aucune restriction inutile ».
Services financiers
A la fin de la période de transition, les opérateurs financiers établis au Royaume-Uni perdront automatiquement le bénéfice du « passeport financier » européen. Bien que les deux parties souhaitent avant tout préserver la stabilité financière, l’intégrité du marché et la protection des investisseurs, les moyens envisagés diffèrent : alors que l’UE veut garder son autonomie en ce qui concerne les décisions d’équivalence, insistant sur leur caractère unilatéral, le Royaume-Uni souhaite que le retrait de ces décisions puisse être décidé à l’issue d’« une consultation appropriée et des processus structurés » afin d’assurer la confiance durable des investisseurs.
Remarque : pour rappel, les décisions d’équivalence permettent à la Commission de reconnaître l’équivalence du cadre réglementaire et de surveillance de certains pays tiers dans le secteur financier avec le cadre correspondant de l’UE.
Malgré toutes ces divergences, Michel Barnier « pense qu’un accord est possible – même s’il est difficile ».

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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