Gros plan sur le modèle coopératif (2°)

Gros plan sur le modèle coopératif (2°)

26.05.2020

Gestion d'entreprise

Pourquoi créer ou rejoindre une Scop ? Quelles sont les motivations des porteurs de projets ? Quels sont les avantages ? Les associés répondent … Voici le second volet de notre enquête : ces TPE qui choisissent ce modèle.

► Développer une philosophie entrepreneuriale

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Tous ont le désir d’entreprendre avec éthique, et de garder l'humain au cœur du dispositif. Benjamin Clouet et son associé, cofondateurs d’Ecosec, entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS), spécialisée dans les toilettes sèches, créée en 2005 à Montpellier, ont choisi la Scop par conviction. "Nous avions été salariés dans des entreprises et nous avions souffert du poids de hiérarchies trop verticales, de disparités de salaires trop importantes. Aussi lorsqu’il a été question de se lancer dans une activité innovante, nous avons opté pour le modèle coopératif", témoigne-t-il. Aujourd’hui Ecosec rassemble cinq associés, dont quatre sont salariés et perçoivent des rémunérations identiques. "Nous avons besoin de personnes hyper motivées pour défricher le marché de la toilette sèche, d’autant que notre objectif n’est pas de fonder un outil industriel, mais plutôt de se concentrer sur la R&D, de créer des prototypes et de commercialiser des concepts", ajoute-t-il. L’entreprise gère trois activités : la location et la vente de cabine et la recherche axée sur la valorisation de l’urine comme engrais.

 

► Mettre en place une gestion collective

Aliocha Iordanoff a fondé son entreprise spécialisée en accompagnement fin 2008 en SAS. En 2017, il décide de la transformer en Scop pour, dit-il, "mettre en cohérence les statuts avec nos pratiques et notamment la gouvernance horizontale — inspirée des méthodes agiles — qui nous permet de prendre des décisions au plus près du terrain". L’effet a été quasi immédiat. "En l’espace de quelques mois, les salariés ont adopté des postures plus matures et se sont comportés en véritables associés", indique-t-il. Aujourd’hui, la Scop Semawe (400 000 € de CA en 2019), gérée par les six associé.e.s – salarié.e.s, a décidé d’une gouvernance holacratique (système de gouvernance basée sur des règles du jeu précises, matérialisées par une constitution qui organise l’activité par l’affectation de rôles…). "Un choix émanticipateur, qui nous rend plus adaptable car nos rôles évoluent en fonction du contexte", confie Aliocha Iordanoff.

De son côté, Denis Marty, cofondateur, avec trois associés, du Ptit Labo (bar restaurant brasserie) à Grenoble, avance : "Nous visons une gestion collective, avec un président tournant tous les quatre ans, afin que chacun d’entre nous puisse se familiariser avec les tâches administratives, s’intéresse à la gestion de l’entreprise, développe un savoir-faire en comptabilité, en gestion des ressources humaines, etc.". Ici pas d’homme clé et une équipe motivée.

 

► Pérenniser l’entreprise

Un autre objectif est la pérennité de l’entreprise. "Il est facile d’entrer et de sortir d’une Scop, du coup si l’un des associés décide de partir — personne n’a envie de passer toute sa vie professionnelle dans une seule structure — cela ne pose pas de problème, la Scop apporte de la souplesse dans le fonctionnement et la pérennité de l’entreprise ne risque pas d’être remise en cause", affirme Denis Marty. Celui qui a conservé un certain leadership au sein de la Scop Semawe, Aliocha Iordanoff, ne cache pas son ambition de voir l’entreprise survivre à son fondateur : "Transmettre sans avoir à vendre fait partie des opportunités que proposent la Scop et fait sens à mes yeux".

 

► Rejoindre des réseaux et bénéficier de soutiens

Un des avantages de la Scop, selon Amandine Gondcaille, associée ex aequo, société coopérative d’interprétation français et langue des signes française (8 salariés dont 5 associées) est d’intégrer des réseaux. "L’Union régionale des Scop accompagne les fondateurs pendant la première année de création de la structure, mais aussi après. Par exemple pendant la crise sanitaire que nous traversons, le délégué nous appelle chaque semaine, il nous transmet l’information, décrypte les mesures gouvernementales. Une aide précieuse car nous sommes interprètes pas gestionnaires". Ex aequo fait partie d’un autre réseau, celui des entreprises d’interprétation, que fédère Trait d’Union, une société coopérative loi 47 (loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération). "Trait d’Union nous apporte également son soutien, des ressources documentaires, des échanges de pratiques, mais aussi des clients, car si nous cherchons à véhiculer des valeurs par notre activité, notre objectif est également de réaliser des bénéfices", déclare Amandine Gondcaille.

Au niveau financier, "la Scop bénéficie d’avantages fiscaux non négligeables, avec un IS réduit ainsi qu’un accès aux fonds dédiés à l’ESS", rapporte Benjamin Clouet. Revers de la médaille, "l’entreprise souffre d’une image négative auprès de certains interlocuteurs et a du mal à se financer que ce soit par l’emprunt bancaire — les banques ne voient pas le partage des risques d’un bon œil — ou par le recours à d’autres investisseurs". Ecosec a ainsi dû réorienter sa stratégie. "Faute de fonds pour investir dans la constitution d’un parc de toilettes sèches à louer, nous privilégions la vente", assure Benjamin Clouet. Et bien sûr la R&D (une grosse partie de ses revenus provient des subventions à l’ESS).

Lire aussi notre article Gros plan sur le modèle coopératif (1°)

Véronique Méot
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