Gros plan sur le modèle coopératif (3°)

Gros plan sur le modèle coopératif (3°)

27.05.2020

Gestion d'entreprise

Les sociétés coopératives peuvent avoir recours à des experts-comptables et à des commissaires aux comptes. Voici le 3e volet de notre enquête : ces cabinets comptables qui choisissent le modèle coopératif pour cible et comme modèle organisationnel.

Nous l’avions interviewé en 2016. Mathieu Castaings, expert-comptable, a fondé Finacoop, la première société coopérative d’intérêt collectif (Scic) d’expertise comptable. Son objectif ? "Développer l’économie sociale et solidaire (ESS) et donc un réseau de conseils adapté aux besoins de ses organisations". Quatre ans plus tard, Finacoop compte 70 sociétaires : salariés (90% sont associés), clients, mais aussi avocats, acteurs de la finance participative et solidaire, du conseil en gouvernance partagée. Son portefeuille clients s’est étoffé (Finacoop Paris suit plus de 400 comptes) et la Scic a réalisé un chiffre d’affaires de 870 000 euros en 2019, dont 30 % de conseil. "Le champ de l’ESS a énormément besoin d’accompagnement. Contrairement aux idées reçues, il s’agit d’une clientèle à forte valeur ajoutée, car elle est fréquemment contrôlée par des financeurs, gérée collectivement par des dirigeants, parfois bénévoles, qui ont besoin de se rassurer sur la responsabilité. Elle revêt des problématiques complexes (juridiques, fiscales, financières, ...) et s’appuie donc sur l’expertise comptable et le conseil", explique Mathieu Castaings. Finacoop facture ses services au taux horaire de 75 € HT pour la tenue de la comptabilité, 90 € HT pour le conseil, taux horaire décidés en assemblée générale.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Vers la constitution d’un réseau

Reconnu organisme de formation, Finacoop accompagne également d’autres experts-comptables pour qu’ils fondent eux-mêmes des coopératives et/ou ciblent une clientèle issue de l’ESS. Six sont déjà passés par ce process d’accompagnement ou d'incubation. A Bordeaux, Fabien Labeyrie, expert-comptable mémorialiste, a ainsi crée Finacoop Nouvelle Aquitaine en janvier 2020 après avoir passé 3 mois à Paris. La structure — une Scic — emploie 5 salariés. Les autres, lorsqu’ils ont créé leur cabinet, n’ont pas encore adopté le modèle coopératif. A Rezé, en Pays de Loire, Finagile a vu le jour sous la forme d’une entreprise individuelle dirigée par Jérôme Viguié. A Amiens, Valentin Dutote a créé l’ESS Expertise, SAS de l'ESS qui assure également du Cac, en mai 2018, (6 salariés). A Toulouse, Fabien Poujol dirige le cabinet AudiES (6 salariés) spécialisé dans les comités d’entreprise et l’ESS depuis 2016, et prévoit à court terme une transformation en Scop. Des projets sont en cours à La Rochelle et à Rennes. "Certains experts-comptables ont besoin de se rassurer sur la viabilité de leur cabinet et la bonne maîtrise des compétences et de l'écosystème de l'ESS avant de franchir le pas et de rejoindre le modèle coopératif. D’autres redoutent que le modèle ne soit pas assez capitalistique, car il n’est par exemple pas possible de patrimonialiser sa clientèle", estime Mathieu Castaings. L’initiative menée par Finacoop n'a toutefois pas terminé d'essaimer. Les demandes d'accompagnement de confrères et la clientèle affluent. "Nous refusons trois sollicitations sur quatre", précise cet expert-comptable qui envisage donc la création d’un réseau avec des coopératives et des sociétés commerciales de l'ESS d'expertise comptable avec des engagements forts, et la création d'une "freechise sociale" (franchise ESS sans droit d'entrée ni redevance de marque).

Commissariat aux comptes

Frédéric Moiroux, cofondateur de Tsarap à Lyon, a opté pour la Scop et propose à la fois des missions d’expertise comptable et de commissariat aux comptes à une clientèle issue de l’ESS. "La Scop a été fondée en 2016. Je travaillais précédemment dans un cabinet traditionnel. Je gérais une branche ESS et j’avais déjà une vision plus horizontale du management. J’estime en effet qu’il faut offrir des perspectives aux collaborateurs pour les fidéliser. Avec mon équipe nous avons décidé de franchir le pas car nous avions une bonne connaissance du secteur et du modèle". Résultat, en 2019, Tsarap réalise 710 000 € de CA, compte neuf salariés dont 5 associés et suit 280 dossiers (200 en expertise comptable, 80 en commissariat aux comptes). "Mon objectif c’est le bien-être des salariés, et il passe par le partage des missions de haut vol et par la répartition collective de la valeur ajoutée", martèle-t-il. En commissariat aux comptes, le cabinet Tsarap travaille pour des groupes coopératifs, des entités importantes comme la Scop LS Services (effectif plus de 700 personnes) ou encore Parcs et Sports (plus de 100 personnes). Le cabinet intervient également auprès du réseau Grap (groupement régional alimentaire de proximité), dans le secteur du spectacle vivant, auprès de coopératives d’activités et d’emploi (CAE), etc.

Lire aussi Gros plan sur le modèle coopératif (1°) et (2°)

Véronique Méot
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