Handicap : les directions juridiques peuvent mieux faire

Handicap : les directions juridiques peuvent mieux faire

20.11.2019

Gestion d'entreprise

Discrimination positive, sensibilisation des équipes, journées en binôme, etc. Quelles actions les entreprises peuvent-elles mettre en place pour mieux intégrer les juristes en situation de handicap ?

« Nous lançons le premier label d’engagement des professions du droit en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap », a annoncé hier Stéphane Baller, délégué général de l’association Droit comme un H !, à l’occasion de la Semaine européenne du handicap. L’objectif : encourager les cabinets d’avocats et les directions juridiques à accueillir des juristes en situation de handicap (voir encadré ci-dessous). Car des efforts restent à faire en la matière.

Alors que les entreprises d'au moins 20 salariés doivent employer des personnes en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l'effectif total, et que certaines « comme Orange et France Telecom sont entre 7 et 8 % », le taux atteint « en moyenne 3,6 % » dans les entreprises françaises, regrette Stéphane Baller. Et chez les avocats, le constat est identique. « 72 % des cabinets n’ont pas de processus spécifique et adapté de recrutement pour les personnes en situation de handicap », révèle ainsi l’enquête publiée en octobre par l’association. « Nous ne faisons pas assez vis-à-vis des étudiants et des collaborateurs. Les cabinets doivent se mobiliser », reconnaît Philippe Grousset, avocat associé au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats. 

Deux mondes qui ne se parlent pas

Alors que faire et comment ? Une première solution serait d’améliorer la communication entre « le monde du droit » et « le monde du handicap ».

« Il y a un travail à faire des deux côtés, ce sont deux mondes qui ne se parlent pas », constate Vincent Maurel, bâtonnier des Hauts-de-Seine. Dylan Chicano, étudiant au sein du DJCE Poitiers et élève-avocat « se reconnaît » dans ces propos. Ayant deux handicaps invisibles, « les gens ont tendance à oublier ». Lorsqu’il en parle, que ce soit au moment du recrutement ou après, « cela instaure toujours une gêne ».

Également atteinte d’un handicap invisible, Alexia Rigaut, avocate chez EY Société d’Avocats, conseille quand même « d’en parler dès le début, au moment de l’entretien ». Un avis partagé par Valentin Tonti Bernard, titulaire du DJCE Nancy et étudiant à HEC Paris. Avec un handicap visuel invisible, « 1/100e à chaque œil », le jeune homme a fait le choix de toujours en parler. « Je veux de la transparence avec les personnes avec lesquelles je travaille ».

L’étudiant prône « un mode partenariat » avec le recruteur : « lui expliquer ce que je peux faire avec ou sans lui et ce que je ne peux pas faire ». « Dites ce que vous pouvez accomplir ou non. On s’arrange ensuite pour gommer avec l’équipe les travaux que la personne ne peut pas faire », approuve Yannick Bouchilloux, directeur fiscal du groupe EDF.

Provoquer des confrontations

Du côté des entreprises, la communication peut passer par « l’organisation de séminaires de sensibilisation avec le personnel », suggère Stéphane Baller. Comment aller encore plus loin ? L’entreprise peut « provoquer des confrontations et des mises en situation ». L’avocat évoque notamment le principe des Duo days, qui consistent à travailler une journée en binôme avec une personne en situation de handicap. Une initiative jugée « extrêmement intéressante » par Sarah Leroy, directrice juridique du groupe Tereos et membre du conseil d’administration de l’AFJE. La « confrontation est nécessaire » selon elle.

Agir de manière individuelle 
Autre idée encouragée par la directrice juridique, « attribuer en priorité des postes de stagiaires et même plus expérimentés à des candidats en situation de handicap ». Yannick Bouchilloux y est aussi favorable. « Je suis complètement pour la discrimination positive ! Si vous n’agissez pas de manière individuelle, il ne se passera rien », prévient le juriste. Une action individuelle qui permet de voir ensuite « rayonner l’ensemble des collaborateurs, fiers d’avoir intégré une personne en situation de handicap », assure-t-il.
 

Un label pour encourager la progression des recruteurs

Deux labels sont proposés par l'association Droit comme un H ! :

  • l’un réservé aux entreprises (JuristeHentreprisE),
  • et l’autre, aux cabinets d’avocats (TousHanRobe).

Ces labels permettent aux candidats d’indiquer « en toute confiance leur handicap pour recevoir le meilleur accueil et un suivi personnalisé ».

Pour demander le label, les organisations peuvent contacter l’association Droit comme un H ! pour prendre rendez-vous. Un audit sur place sera réalisé et, à l'issue de celui-ci, un label (bronze, argent ou or) sera décerné en fonction du niveau d'engagement mis en place : achats éligibles aux dépenses AGEFIPH, sensibilisation des salariés, recrutement de stagiaires en situation de handicap, adaptation des indicateurs de mesure de la performance, etc.

L’audit a un coût forfaitaire fixé à 1000 € HT et se matérialise par des interviews et des vérifications sur pièces couvrant les phases de recrutement d’un candidat et son suivi.

 

Leslie Brassac

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