Comment créer un réelle dynamique en faveur de l'emploi des seniors ? Quels sont les enjeux de l'intelligence artificielle pour les entreprises ? Au coeur de ces deux sujets qui ont alimenté des débats organisés par le Groupe Alpha, jeudi 17 avril, celui des compétences à redéfinir.
Hasard du calendrier, le Groupe Alpha a organisé le 17 avril une conférence autour des transformations du travail à la Maison de l’Océan à Paris, soit deux jours après que François Bayrou ait livré un sombre diagnostic de l'économie française et appelé à augmenter le taux d'emploi, notamment celui des jeunes et des seniors. L'emploi des seniors fut justement l'un des thèmes qui a agité les débats, avec l’intelligence artificielle et les ordonnances Travail.
Tous les intervenants ont reconnu qu'un consensus tacite existe depuis des années sur l'emploi des seniors. "Les plans sociaux [ont d’abord été établis] sur des critères d’âge au cours des dernières périodes", constate Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha. "On a collectivement profité du système, salariés et employeurs, souligne pour sa part Amir Reza Tofighi, le président de la CPME. Il faut accompagner les fins de carrière", reconnaît-il. C'est donc à un changement total de paradigme qu'il faut procéder. Reste à savoir comment y arriver. "Il faut organiser une révolution culturelle de la représentation des seniors, défend Estelle Sauvat, directrice générale du Groupe Alpha. Si on avait voulu un vrai choc, on aurait su le faire comme pour l’égalité femmes hommes". Une distorsion de représentation également dénoncée par le président de la CFE-CGC, François Hommeril. "Les personnes de plus de 55 ans au chômage sont complètement démonétisées sur le marché de l’emploi, notamment les populations qu’on représente (cadres, ingénieurs etc). Ils donnent le maximum et retombent à zéro lorsqu’ils se retrouvent au chômage".
Or, pour l'heure, le seul levier activé est celui de l'âge de départ à la retraite. En France, "la seule façon de faire progresser le taux d’emploi des seniors est de décaler l’âge de la retraite, déplore Pierre Ferracci. Dans les pays scandinaves, comme en Finlande par exemple, on travaille sur les conditions réelles du travail des seniors pour les améliorer". Une mesure de bon sens pourtant selon Amir Reza Tofighi. "Quand on recule l’âge légal de départ à la retraite, le taux d’emploi des seniors augmente", citant le rapport de la Cour des comptes rendu le 10 avril 2025. "C'est l'effet horizon".
Certains ont défendu l'adoption de mesures coercitives. "Les quotas peuvent être utiles pour débloquer un système", défend Pierre Ferracci qui dresse un parallèle avec la situation des femmes sur le marché du travail. "La loi Copé-Zimmermann a porté ses fruits car il y a des obligations et des sanctions mais le problème est que cela ne concerne que les femmes dirigeantes".
Faire en sorte que les seniors restent en emploi, c'est aussi accepter de modifier leurs conditions de travail, estime François Hommeril. "Il faut une libération des temps et respecter le fait que, passé 55 ans, il est normal qu’on ait d’autres envies, d’autres projets sur le temps qu’il reste en bonne santé. Le désir de travailler se réorganise aussi dans la tête de la personne, le souhait d'être plus dans la transmission, le tutorat. La baisse du temps de travail doit être accompagnée d’une baisse bonifiée de la rémunération car la valeur du salarié est plus importante à ce moment-là".
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
La question du risque de déperdition de compétences était aussi au cœur du sujet de l’intelligence artificielle. Selon François Hommeril, il convient de traiter le sujet de deux façons. "C'est une technologie qui va détruire des emplois. Ce n’est pas la première fois", et en cela, "c'est un enjeu de dialogue social". Ensuite, se pose "la question des compétences que ça fait disparaitre. L’IA va changer fondamentalement des choses". Prenant l’exemple de la réalisation d’un rapport, le président de la CFE-CGC souligne que cela mobilise tout un ensemble de compétences. "Faire un rapport fait davantage progresser que de le lire ! Pour le collectif, l’IA va faire diminuer le niveau, la valeur des personnes, leurs compétences". Des propos nuancés par Estelle Sauvat. "Pour savoir prompter, il faut des compétences. Mais on n’en a pas encore pris conscience".
François Hommeril déplore par ailleurs que "les entreprises ne [soient] pas au niveau des enjeux, elles ne mettent pas le sujet sur la table", ouvrant de vifs échanges entre le président de la CPME et la secrétaire générale de la CGT. Selon Amir Reza Tofighi, l’IA n’est pas un sujet de dialogue social. "Est-ce qu'on s'est dit la même chose avec l’arrivée des ordinateurs ? Il faut sortir de cette croyance qu’il faut des instances pour parler de tout", faisant réagir immédiatement Sophie Binet. "Il est indispensable de négocier sur l’IA sinon la défiance va s’installer. Les IA ont des biais, les algorithmes ne sont pas neutres. On a besoin d’un débat démocratique à tous les niveaux".
Enfin, les intervenants sont revenus sur un sujet qu'ils n'estiment pas clos, celui des ordonnances Travail du 22 septembre 2017. "Les ordonnances ont détruit une bonne partie de ce qui faisait la force du dialogue social, déplore Pierre Ferracci. Les questions de QVT, de RPS, de burn-out, d’absentéisme ont progressé au cours des dernières périodes, or on a supprimé les CHSCT". Il faut selon lui "les revisiter". "La suppression des DP, la fusion des IRP, ça ne marche pas en qualité de dialogue social. L’affaissement des DP a affaibli les capteurs dont peuvent bénéficier [les représentants du personnel]". C'est également l'opinion d'Estelle Sauvat qui regrette la disparition des "sentinelles qu’étaient les DP". Elle constate que seulement "2 % des entreprises bénéficient de représentants de proximité". "On a embolisé les sujets dans les CSE avec des sujets non traités et un épuisement des RP avec moins de moyens".
Pour François Hommeril, "les ordonnances sont un fiasco absolu ! Des instances séparées permettaient une logique de spécialisation. On doit tout traiter dans un même ordre du jour. La fusion n’a pas de sens. On a introduit le rapport de force économique dans l’entreprise avec l’inversion de la hiérarchie des normes".
Même son de cloche du côté de la CGT. "Le bilan des ordonnances Travail est catastrophique : explosion des accidents du travail et des morts au travail, déserts syndicaux, baisse de la capacité de la négociation collective, principe de faveur remis en cause, modification des rapports de pouvoir au sein des entreprises", énumère Sophie Binet. Selon elle c'est aussi "la question de la représentation collective dans les entreprises de moins de 50 salariés" qui se pose.
Dernier regret : "le comité d’évaluation des ordonnances a été supprimé. Au lieu de suivre la fièvre, on casse le thermomètre. Il y a un vrai tabou sur les ordonnances", conclut-elle.
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