"Il faut tirer vers le haut le niveau des salaires européens"

"Il faut tirer vers le haut le niveau des salaires européens"

12.01.2022

Gestion du personnel

Alors que la France vient de prendre, le 1er janvier 2022, la présidence du Conseil de l’Union européenne, Audrey Richard, présidente de l’ANDRH et DRH du groupe Up, évoque les attentes des DRH pour la présidence française. Parmi les priorités, l’adoption de salaires minimaux "adéquats" et l’extension du service civique à l’Europe, sur le modèle d’Erasmus.

Quels sont les sujets que vous souhaitez voir traités au cours de cette présidence ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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 Le fait de travailler à distance fait peser un risque de suppression de postes en France

Deux sujets nous interpellent plus particulièrement. Le premier porte sur la convergence des salaires minimums. Nous soutenons la mise en place d’exigences minimales pour protéger les salaires dans l’Union européenne. C’est un enjeu crucial pour les entreprises. On veut rester compétitifs mais aussi responsables. Avec le télétravail, il y a risque de délocalisation des emplois, amplifié par les pénuries de compétences. Le phénomène n’est pas quantifié, nous n’avons encore que peu d’exemples concrets sur ce sujet mais il ne faut pas fermer les yeux : le fait de travailler à distance fait peser un risque de suppression de postes en France. C’est un sujet sur lequel nous allons nous pencher dans les prochains mois.

De fait, les salaires minimaux mensuels varient considérablement dans l’Union européenne : de 332 euros en Bulgarie à 2 200 euros au Luxembourg. A partir de ce moment, la compétitivité des entreprises ne s’appuie plus sur l’innovation, la qualité du travail, mais sur la capacité de proposer le coût du travail le plus bas. Cela pose donc un problème. Sans parler d’harmonisation, il faut tirer vers le haut le niveau des salaires européens pour atteindre un niveau "adéquat", tel que défini par Bruxelles, pour éviter ce dumping social. Les indicateurs proposés par l’Union européenne, à savoir 60 % du salaire brut médian et 50 % du salaire brut moyen, nous paraissent tout à fait en adéquation avec nos attentes et avec les standards français.

Quels autres dossiers souhaitez-vous voir aboutir ?

L'extension du service civique en Europe permettrait aux jeunes de développer des soft skills

Nous sommes favorables à l’extension du service civique pour les jeunes en Europe, sur le modèle d’Erasmus. Ce système, qui donne la possibilité d’effectuer une mission d'intérêt général dans plusieurs domaines (culture, éducation, environnement, solidarité, sport…) dans une association, une collectivité locale, une administration, est très formateur : il permet aux jeunes de développer des soft skills, très bénéfiques en début de carrière. Le fait d’acquérir une première expérience à l’étranger favorise l’ouverture d’esprit, l’intérêt pour la mobilité.

Nous espérons également que la France finalise les textes européens sur les quotas de représentation des femmes dans les instances dirigeantes comme nous l’avons fait en France avec la loi Copé-Zimmermann et, plus récemment, avec la loi Rixain. Nous serions également favorables à l’adoption de l’Index égalité professionnelle au niveau européen. Cet outil fonctionne et a permis de nombreuses avancées sur le plan de l’égalité professionnelle.

Le sujet des travailleurs des plateformes nous préoccupe aussi. Les enjeux RH concernent ici l’amélioration des conditions de travail, la présomption d’existence d’un contrat de travail. A cela s’ajoute le sujet des "micro-métiers" ou "micro-tâches" (*) que des plateformes dédiées confient à des prestataires, payés généralement à la pièce et de manière occasionnelle. Le plus souvent, ces tâches répétitives nécessitent une faible qualification pour une rémunération tout aussi faible, de l’ordre de quelques centimes. C’est un sujet qui va à l’encontre de la définition du "travail décent", tel que l’Organisation internationale du travail le définit, c’est-à-dire digne, correctement rémunéré et protégé.

Existe-t-il beaucoup d’accords européens ?

Le dialogue social européen existe, il s’est même fortement développé pendant la pandémie

Le phénomène est là encore difficile à quantifier car il n’existe pas de base de données publiques qui recense l’ensemble de ces accords. Mais le dialogue social européen existe, il s’est même fortement développé pendant la pandémie. Des entreprises mènent actuellement des négociations sur le télétravail pour donner un cadre commun à leurs salariés en Europe ; même si ce dialogue social européen nécessite du temps et des moyens, notamment la présence de traducteurs pour mener à bien les discussions.

Côté ANDRH, nous avons ré-adhéré à l’European Association for People Management (EAPM), l’association pour les professionnels des ressources humaines au niveau européen, pour échanger sur les pratiques. Il est important que nous soyons proactifs sur ces sujets ; beaucoup de DRH français ont des équipes à l’international et en Europe. Ces échanges permettent de trouver des solutions nouvelles à la crise en s'inspirant des meilleures pratiques européennes.

 

(*) Voir le rapport sur "Le Micro-Travail en France. Derrière l’automatisation, de nouvelles précarités au travail", de DiPLab, de mai 2019.

Le salaire minimum brut mensuel dans l'Union européenne en 2021

 

Note : absence de données pour l’Autriche, Chypre, le Danemark, la Finlande, l’Italie et la Suède. Lecture : en 2021, en France, le salaire minimum brut est de 1 555 euros par mois. Source : Euro stat (extraction du 22 avril 2021).

 

Anne Bariet
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