David Guillouet, avocat en droit social associé du cabinet Voltaire Avocats, revient sur l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur signé par l’ensemble des organisations patronales et syndicales, à l’exception de la CGT. Interview.
Que retenez-vous de l’ANI sur le partage de la valeur, finalisé le 10 février ? Quelle va être la portée du texte ?
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Le point le plus novateur concerne, selon moi, l’obligation pour les entreprises de 11 à 50 salariés de mettre en place, avant le 1er janvier 2025, un dispositif de partage de la valeur dès lors qu’elles réalisent un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives. Il s’agit là d’une vraie nouveauté, loin d’un dispositif poudre aux yeux. De nombreuses entreprises vont être concernées.
Mais le texte est multiple. D’autres sujets ne font pas les gros titres mais méritent une attention particulière de la part des services RH. L’ANI a, certes, une dimension politique ; les négociateurs ont voulu trouver un compromis pour ne pas laisser le sujet à la main du gouvernement. Et honnêtement l’épargne salariale fonctionnait plutôt correctement en France. On n’avait pas besoin d’un texte nouveau. Une entreprise de moins de 50 salariés pouvait d’ores et déjà verser un dispositif de partage de la valeur, à travers l’intéressement. Mais à travers cet accord, les négociateurs se sont attachés à moderniser un certain nombre de dispositions en matière d’épargne salariale. Ils ont très bien joué. L’ANI donne de vraies marges de manœuvre aux entreprises.
Comment justement les entreprises peuvent-elles s’approprier ce texte ?

Si on retire les effets d’annonce à destination du grand public (notamment la partie consacrée aux "superprofits"), il y a plein de choses intéressantes. On peut citer, par exemple, la prise en compte de la RSE dans les accords d’intéressement. Le texte encourage, en effet, l’introduction d’au moins un critère non financier dans ce type d’accords. C’est une demande de plus en plus forte de la part de nos clients. Ce sujet constitue également un bon thème de négociation pour les organisations syndicales en entreprise. On peut aussi citer le souhait qu’on puisse favoriser les bas salaires en matière d’intéressement.
L’autre point fort porte sur l’attribution d’actions gratuites (article 24). L’ANI prévoit une augmentation du plafond global d’attribution de ces actions. Lequel passe désormais à 40 % du total du capital de l’entreprise au lieu des 30 % actuellement en vigueur. Ce qui va permettre sans conteste à ce dispositif de trouver son public.
Soulignons également les nouvelles dispositions dans le cadre des LBO (acronyme anglo-saxon, signifiant "Leveraged Buy Out"). Une opération qui permet le rachat d’une entreprise par le biais d’une société holding, laquelle peut être créée par des salariés souhaitant acquérir leur entreprise sans disposer des fonds suffisants. L’article 27 ouvre droit à une neutralité fiscale totale pour les actions apportées par le salarié : celui-ci ne paiera des impôts qu’au moment de la cession des actions, où il bénéficiera de liquidités. Ce mécanisme constitue une réelle avancée.
Le gouvernement s’est engagé à retranscrire le texte à l’identique dans un futur projet de loi sur le plein emploi, au printemps. Quels sont toutefois les points perfectibles ?

L’article 9 sur les superprofits mérite qu’on s’y attarde un peu. À partir de quand le résultat de l’entreprise devient "exceptionnel" ? En l’état le texte laisse à l’employeur le soin de cette qualification. Ce qui laisse de la latitude aux entreprises. Mais le gouvernement n’aura-t-il pas envie d’aller plus loin ?
Les entreprises avaient d’ores et déjà la possibilité de verser un supplément d’intéressement ou une prime de partage de la valeur pour redistribuer du pouvoir d’achat quand ils avaient les moyens de le faire, indépendamment d’un résultat "exceptionnel". Pour attribuer un supplément d’intéressement, il suffisait juste de mettre en place au préalable un accord d’intéressement et, à ce titre, effectué un versement aux salariés.
De plus, le texte prévoit de nombreuses échappatoires. Car de nombreuses conditions sont posées. Selon l’article 9, en effet, cette obligation est réputée satisfaite si l’entreprise a mis en place un dispositif de participation prévoyant une formule dérogatoire conduisant à un résultat plus favorable que celui de la formule légale et/ou un accord de participation ou d’intéressement intégrant déjà une clause spécifique de prise en compte des résultats exceptionnel. Toutes ces conditions plutôt restrictives devront donc être réunies.
Que pensez-vous des nouvelles dispositions ouvrant l’intéressement de projet en aux prestataires extérieurs ?
Ce mécanisme existe depuis 2006, mais je ne l’ai jamais vu mis en place... Et pour tout avouer je n’ai pas bien compris la finalité de ce texte. S’agit-il de s’affranchir des exercices comptables d’une entreprise pour englober des prestataires ? J’avoue que je n’y crois pas trop.
Le nouveau dispositif d’actionnariat salarié proposé par l’ANI est-il une avancée ?

Ce mécanisme me semble complexe. Et je ne suis pas sûr que les petites entreprises qui sont ici visées s’emparent de ce dispositif. Il faudra attendre sa traduction concrète dans un projet de loi pour en mesurer sa portée. Faute de quoi il pourrait ne pas trouver son public. Ces plans de partage de la valorisation de l’entreprise me font penser aux dispositifs anglo-saxons sur les actions fantômes ou "phantom shares" couramment utilisées pour rémunérer les salariés d’une entreprise.
Ce terme phantom (fantôme en anglais) fait référence au fait qu'il s'agit d'actions théoriques ou fictives, mais qu'elles tiennent compte du partage du capital social. Le bénéficiaire perçoit un "montant indicatif "qui reflète la valorisation de l’entreprise mais il n’est pas propriétaire d’un titre, d’une action. À ce titre, il n’a pas droit de vote, il ne participe pas à la gouvernance de l’entreprise.
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