Impact de la réforme des sûretés sur le livre VI : caution et procédure collective

19.10.2021

Gestion d'entreprise

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 qui renforce l’efficacité du cautionnement s’imbrique dans les objectifs du droit des procédures collectives.

La plupart des modifications du droit du cautionnement opérées par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, dont l’objectif est d’améliorer l’efficacité de la garantie du point de vue du créancier, ne se trouvent aucunement perturbées par la procédure collective du débiteur principal. Néanmoins, le nouvel article 2298 du code civil (Ord. n° 2021-1192, art. 3), tient compte de la spécificité des objectifs poursuivis par le droit des entreprises en difficulté. Si ce texte ouvre en effet à la caution la possibilité d’opposer au créancier, non seulement les exceptions inhérentes à la dette, mais encore les exceptions purement personnelles au débiteur (sauf incapacité), excepté s’agissant des « mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance », il ajoute immédiatement « sauf disposition spéciale contraire ». A ce sujet, le rapport au Président éclaire cette réserve et indique que « le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement peuvent en effet prévoir des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs » (Rapp. au Président de la République, Ord. n° 2021-1192). Or, le droit des entreprises en difficulté contient déjà de telles dispositions, que la réforme du livre VI du code de commerce vient d’ailleurs enrichir.

Devoir de mise en garde : exclusion de l’action en responsabilité

S’agissant du devoir de mise en garde de la caution, consacré en son principe, mais modifié (C. civ., art. 2299, nouv. par Ord. n° 2021-1192, art. 3), il est intéressant d’en envisager l’application au regard de l’article L. 650-1 du code de commerce aux termes duquel, sauf exceptions, lorsqu’une procédure collective est ouverte « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis ». Cet article permet-il d’exclure que la caution puisse, alors que le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, mettre en cause la responsabilité de la banque pour défaut de mise en garde à son égard ?

La Cour de cassation a déjà répondu par la négative, jugeant que les dispositions de l’article L. 650-1 du code de commerce ne s’appliquent pas à l’action en responsabilité engagée par une caution contre une banque pour manquement à son devoir de mise en garde (Cass. com., 12 juill. 2017, n°16-10.793 ; Cass. com., 20 juin 2018, n° 16-27.693), mais cette jurisprudence pourrait-elle être remise en cause, ou du moins montrer ses limites, en raison des modifications apportées à la mise en garde de la caution par la réforme du droit des sûretés ? La question se pose au regard de la restriction apportée par le nouvel article 2299 du code civil aux modalités d’appréciation du caractère excessif du crédit, sans lequel la mise en garde n’a pas lieu d’être.

Appréciation du caractère excessif

Alors que jusqu’à présent le caractère excessif du crédit pouvait être apprécié, soit au regard des capacités financières du débiteur, soit au regard de celles de la caution, l’article 2299 prévoit désormais qu’il ne sera plus apprécié qu’en considération des capacités du débiteur. Or, l’on pourrait concevoir que lorsque l’endettement est excessif au regard de la situation de la caution, l’article L. 650-1 du code de commerce ne puisse pas jouer son rôle de bouclier dans la mesure où est alors en cause, non pas un préjudice subi par la caution « du fait des concours consentis », mais du fait du cautionnement consenti.

En sens inverse, lorsque l’endettement excessif justifiant la mise en garde de la caution l’a été au regard de la situation du débiteur, il s’agirait effectivement d’un préjudice subi par la caution, mais « du fait des concours consentis » au débiteur. La distinction conduirait à ce que, au regard de la rédaction de l’article 2299, le bouclier fonctionne désormais toujours au profit du créancier, lorsque la caution lui oppose le défaut de mise en garde, apportant là une amélioration de l’efficacité du cautionnement dans un contexte de procédure collective.

Nous ne sommes cependant pas convaincue de la pertinence d’une telle évolution et ce pour plusieurs raisons. L’une, tient à la modification de la sanction du défaut de mise en garde, qui ne se joue plus sur le terrain de la responsabilité civile, mais sur celui de la déchéance du créancier de son droit de recours contre la caution. Or, l’article L. 650-1 du code de commerce ne devrait jouer que sur le strict terrain de la responsabilité. L’autre, tient à ce qu’il est très incertain que la Cour de cassation ait été prête à nuancer la solution retenue en 2017 selon les modalités d’appréciation du caractère excessif de l’endettement. Lorsqu’on lit la solution qui, pour rejeter l’application du principe de non responsabilité, précise que « cette action [fondée sur le défaut de mise en garde de la caution] tend (ant) à obtenir, non la réparation d’un préjudice subi du fait du prêt consenti, mais celle d’un préjudice de perte de chance de ne pas souscrire ledit cautionnement », la perte de chance évoquée vaut en effet que le crédit ait été jugé excessif pour le débiteur principal ou pour la caution elle-même.

Disparition du recours avant paiement neutralisé dans le code de commerce

Le seul apport de la réforme du cautionnement qui aurait pu, de manière significative, avoir un impact spécifique, est neutralisé par la réforme du livre VI du code de commerce.

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 relative aux sûretés supprime, en effet, le recours avant paiement de la caution prévu jusqu’alors à l’ancien article 2309 du code civil. Or, comme le précise le rapport au président, « l’ancien article 2309 était par ailleurs utilisé pour justifier la possibilité pour la caution de déclarer sa créance à la procédure collective du débiteur principal, alors même qu’elle n’aurait pas encore payé le créancier ».

Afin de ne pas priver la caution de cette possibilité de déclaration au passif du débiteur, l’ordonnance n° 2021-1193 insère dans le code de commerce un nouvel article (C. com., art. L. 622-34, nouv.) aux termes duquel « même avant paiement, les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent procéder à la déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel ».

Recours subrogatoire de la caution

Le nouvel article 2309 nouveau du code civil réaffirme la subrogation de la caution dans les droits du créancier, dès lors qu’elle a payé « tout ou partie de la dette », ce dont le rapport au Président de la République tire, conformément au droit commun de la subrogation personnelle (C. civ., art. 1346 et s.) que « si la caution ne réalise qu’un paiement partiel la subrogation ne sera également que partielle ».

Dans le cas où la caution a effectué ce paiement partiel avant l’ouverture de la procédure collective ou postérieurement à celle-ci, mais avant l’expiration du délai accordé aux créanciers pour déclarer leur créance, la caution devra procéder elle-même à cette déclaration sans attendre (dans le second cas, elle ne prendra ce soin que si le créancier n’y a pas procédé lui-même entre l’ouverture de la procédure et le paiement par la caution). Une fois qu’elle a payé, elle est en effet seule habilitée à procéder à la déclaration évoquée. Certes, la même prudence est requise que le paiement par la caution soit total ou partiel, mais sans doute le risque de non déclaration par la caution est-il plus grand en cas de paiement seulement partiel.

Perte du recours de la caution contre le débiteur

Le nouvel article 2311 du code civil reprend la règle de la perte du recours de la caution contre le débiteur dans le cas où elle aurait payé le créancier sans en avertir le débiteur, alors qu’il s’en était déjà acquitté ou avait, au moment du paiement, des moyens de la faire déclarer éteinte. L’obligation d’information qui pèse sur la caution s’est élargie par rapport au droit antérieur puisqu’elle ne s’impose plus seulement lorsque la caution a payé sans être poursuivie, mais dans tous les cas. Or, en matière de procédure collective, une vigilance particulière sera de mise quant à l’identification du destinataire de l’information.

Spécialement en liquidation judiciaire la procédure emporte dessaisissement du débiteur et l’information devrait logiquement être transmise au liquidateur et non au débiteur lui-même. Au regard de la sévérité de la sanction, qui s’applique de manière plus étendue qu’auparavant, la caution devra observer, là encore, une grande prudence.

Florence Reille, auteur

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