Inapplication du code de conduite prévoyant une durée de conservation des données supérieure à celle fixée par la loi

Inapplication du code de conduite prévoyant une durée de conservation des données supérieure à celle fixée par la loi

17.01.2024

Gestion d'entreprise

Dans une décision du 7 décembre 2023 relative à des données d'insolvabilité, la CJUE fait primer une disposition nationale sur un code de conduite qui, pourtant, avait été approuvé par l'autorité de contrôle. Retour sur cette décision importante avec Jessica Eynard, maître de conférences HDR en droit à l’Université de Toulouse Capitole.

L’affaire sous commentaire est portée par deux personnes ayant bénéficié de décisions judiciaires de libération anticipée de reliquat de dette. Selon la loi nationale allemande, l’information d’une libération doit être supprimée au bout de six mois du registre public d’insolvabilité. Pourtant, la société privée SCHUFA, dont l’activité est de fournir à des tiers des informations commerciales sur d’éventuels partenaires contractuels, enregistre les données provenant dudit registre dans ses propres bases et les conserve pendant une durée de trois ans, conformément au code de conduite élaboré par l’association regroupant les sociétés fournissant des informations commerciales et approuvé par l’autorité de contrôle compétente. La question se pose de savoir s’il est possible pour ce type de société privée de conserver, dans ses propres bases de données, des informations provenant d’un registre public et de les supprimer au terme d’une période de trois ans, alors que la durée de conservation prévue dans le cadre du registre public est de six mois.

Gestion d'entreprise

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Trois conditions requises pour que la base légale soit valablement utilisée

Pour y répondre, la Cour s’intéresse d’abord à la base légale du traitement. Celle-ci ne peut être fondée que sur la poursuite d’intérêts légitimes par le responsable du traitement ou un tiers (RGPD, art. 6 § 1, f) ). Suivant une jurisprudence établie, elle analyse les trois conditions requises pour que la base légale soit valablement utilisée. Il faut :

  • premièrement, la poursuite d’un intérêt légitime par le responsable du traitement ou par un tiers,
  • deuxièmement, la nécessité du traitement des données à caractère personnel pour la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi et,
  • troisièmement, la condition que les intérêts ou les libertés et les droits fondamentaux de la personne concernée par la protection des données ne prévalent pas (point 75).

Les juges considèrent que le traitement envisagé sert non seulement les intérêts économiques de SCHUFA, mais aussi à poursuivre l’intérêt légitime de ses partenaires contractuels(point 83). Il participe au surplus à assurer les intérêts du secteur de crédit sur un plan socio-économique (point 83). Nul doute dès lors qu’un intérêt légitime soit poursuivi en l’espèce.

Encore faut-il que le traitement de données soit nécessaire à la réalisation des intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers et que ces intérêts ne prévalent pas sur les droits des personnes concernées (point 87). A défaut, le traitement doit être considéré comme illicite. Sur ce point, la Cour renvoie aux juges nationaux le soin de s’assurer que la conservation des données par la société SCHUFA est limitée au strict nécessaire (point 88). La juridiction de renvoi avait relevé que les données conservées ne sont pas limitées à des cas concrets pour lesquels une demande de renseignements aurait été formulée et que les données sont accessibles largement dans le registre public (point 91).

Des motifs légitimes impérieux

Sur la question plus spécifique de la durée de conservation des données en cause, le législateur allemand la fixe à six mois car il considère que, après l’expiration de ce délai, « les droits et les intérêts de la personne concernée prévalent sur ceux du public à disposer des informations » (point 97). Passé cette période, la personne doit pouvoir « participer de nouveau à la vie économique » (point 98).Les intérêts du secteur de crédit à disposer des informations sur une libération de reliquat de dette ne sauraient prévaloir sur cet intérêt des personnes concernées (point 99). Il n’est ainsi pas possible pour un code de conduite de prévoir une durée de conservation supérieure à celle fixée par la loi.

De ce fait, le traitement de données mis en œuvre au-delà de la période de six mois est illicite. La personne concernée peut exercer ses droits et, notamment, demander que les informations traitées illégalement soient effacées, sauf à ce que le responsable du traitement prouve qu’il existe des motifs légitimes impérieux de nature à justifier, à titre exceptionnel, le traitement en cause (point 113). Sans cette preuve, le responsable est tenu d’effacer les données faisant l’objet du traitement illicite (point 113).

 

 
Jessica EYNARD
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