Inaptitude : les arrêts du mois de novembre rendus par la Cour de cassation

06.12.2021

Gestion du personnel

Plusieurs arrêts récents de la Cour de cassation viennent préciser et illustrer la procédure d'inaptitude au travail.

Le tableau ci-après présente  une synthèse de la jurisprudence en matière d'inaptitude, rendue au mois de novembre, concernant les obligations d'organiser la visite de reprise, de rechercher un reclassement et de reprendre le paiement du salaire en cas d'inaction dans le délai d'un mois ainsi que la prise en compte de la souffrance au travail pour invalider un licenciement pour inaptitude. 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Thème

Contexte

Faits de l'espèce

Solution

Convocation à la visite de reprise

Obligation d'organiser la visite de reprise

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié (C. trav., art. R. 4624- 23)

Un salarié, placé en arrêt de travail entre le 18 juillet 2013 et le 1er mai 2015, a été mis en demeure, le15 juin 2015, de justifier de son absence à partir de la fin de cette période d'arrêt. En l'absence de réponse, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave, le 30 juin 2015

Lorsque le salarié n'a pas transmis à l'employeur d'arrêt de travail postérieurement à la fin de son arrêt de travail et n'a pas répondu à la lettre  le mettant en demeure de justifier de son absence,  l'employeur, laissé dans l'ignorance de la situation du salarié, n'est pas tenu d'organiser l'examen médical de reprise. Le licenciement pour faute grave pour absence injustifiée est licite (Cass. soc., 4 nov. 2021, n° 20-11. 400).

Il s'agit d'une confirmation de jurisprudence (Cass. soc., 22 juin 2016, n° 14-29.720;  Cass. soc., 17 janv. 2018, n° 16-26.560).

 Absence de convocation à la visite de reprise : incidence

Lorsqu’à l’issue de la suspension du contrat de plus de 30 jours pour accident, l’employeur ne convoque pas le salarié à une visite de reprise, le contrat de travail est considéré comme suspendu, y compris si le salarié reprend ses fonctions. Le licenciement qui intervient pendant cette période de suspension (« artificielle») , suite à un arrêt de travail d’origine professionnelle, doit respecter les régles protectrices contre le licenciement dont bénéficie les salariés victimes d’accident du travail; A défaut, le licenciement est frappé de nullité (Cass. soc., 30 nov. 2010, n° 09-40.160).

Les règles protectrices contre le licenciement des salariés vicitimes d'accident de travail ou de maladie professionnelle s'appliquent lorsque la suspension du contrat de travail a pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle et si l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement

Un salarié, victime d’un accident de la circulation,  a été en arrêt de travail du 19 juin au 15 août 2014. Il a repris ses fonctions sans avoir été convoqué à une visite de reprise. Licencié le 4 décembre 2014 pour des erreurs commises dans l’exécution de son travail et un manque d’implication, il demande la nullité du licenciement au motif que les règles protectrices applicables aux victimes d'accident du travail n'ont pas été respectées. 

Lorsque l'employeur a laissé un salarié, à la suite d’un arrêt de travail d’une durée supérieure à trente jours, reprendre le travail à l'issue de cette période sans organiser la visite médicale de reprise obligatoire par la médecine du travail dans les huit jours à compter de cette reprise du travail, et l'a licencié alors que son contrat de travail se trouvait suspendu en raison de sa situation médicale, la nullité du licenciement pour non respect des règles protectrices contre le licenciement applicables au salarié victime d'un accident de travail ne peut être prononcé par les juges que s'ils constatent l'origine professionnelle de l'arrêt de travail du salarié et la connaissance par l'employeur de cette origine (Cass. soc., 4 nov. 2021, n°20-17. 834,),.

Recherche d'un poste de reclassement

 incidence de l'inaction de l'employeur

En cas de refus du poste de reclassement proposé  au salarié déclaré inapte, il appartient à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié, soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l'intéressé aux motifs de l'impossibilité de reclassement  (Cass. soc., 18 avr. 2000, n° 98-40.314).  La reprise par l'employeur du paiement des salaires, à laquelle il est tenu en application de l'article L. 1226-4 du même code, ne le dispense pas de l'obligation qui lui est faite par l'article L. 1226-2  de proposer un poste de reclassement  (Cass. soc., 8 sept. 2021, n° 19-24.448). Que devient le contrat si le salarié dont le salaire est maintenu n'est ni licencié ni reclassé ?

Le médecin du travail avait déclaré un salarié « inapte au poste actuel, inapte à tout autre poste dans l'entreprise, apte à un poste assimilé dans un environnement compatible avec sa santé ». L’employeur a alors proposé au  salarié, plusieurs fois, à titre de reclassement, le poste en télétravail à hauteur de 20 heures, 15 heures ou 12 heures hebdomadaires selon les propositions du médecin du travail. Suite au refus opposé par le salarié, l'employeur a maintenu le salarié dans le statu quo. La salariée a demandé la résiliation de son contrat aux torts de l'employeur.

 

L'employeur commet  une faute de nature à justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts en maintenant délibérément le salarié déclaré inapte dans une situation d'inactivité forcée au sein de l'entreprise et sans aucune évolution possible. Il n'aurait pas dû s'abstenir, postérieurement à sa dernière proposition de reclassement, d'effectuer de nouvelles recherches de reclassement ou de procéder au licenciement de l'intéressé aux motifs de l'impossibilité de reclassement. Ce comportement consistant à suspendre abusivement le contrat de travail constitue un manquement suffisamment grave justifiant que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée aux torts de l'employeur (Cass. soc., 4 nov. 2021, n° 19-18.908)..

Etendue de la recherche de reclassement

La recherche de reclassement du salarié réclaré inapte s’effectue dans les entreprises du groupe, situées sur en France, dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10) :

Suite à son licenciement pour inaptitude pour impossibilité de reclassement, une salariée conteste la régularité de ce licenciement au motif que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée. Elle estime que les postes de reclassement auraient dû être recherchés dans l'ensemble des agences de l'entreprise. Or, les juges du fond ont estimé qu'il n'y avait pas d'élément permettant de retenir qu’il existerait un groupe de reclassement entre les différentes  agences de l'entreprise. 

Il ne suffit pas que la salariée soutienne que le reclassement aurait dû être recherché « au sein des autres agences » de l'entreprise. Les  juges du fond, appréciant les éléments qui leur sont soumis tant par l’employeur que par la salariée peuvent la débouter après avoir constaté que l’existence d’une permutabilité du personnel n'est pas établie (Cass. soc., 4 nov. 2021,  4 nov. 2021, n° 20-12.350).

Reprise du paiement du salaire 

Conditions

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de la visite médicale de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (C. trav., art. L. 1226-11).

Ne dispense pas l'employeur de reprendre le paiement du salaire, le fait de ne pas se tenir à sa disposition (Cass. soc., 30 avr. 2014, n°12-27.181)

Un salarié a été déclaré inapte le 30 novembre 2015. Il a accepté un poste de reclassement le 17 février 2016 mais ne s'est pas présenté à son poste et  s'est rétracté le 22 février 2016. Suite à son licenciement pour faute grave le 22 février 2016, il a réclamé, notamment, un rappel de salaire au titre de l'obligation de l'employeur de reprendre le paiement de salaires s'il n'a ni licencié ni reclassé dans le délai d'un mois après le constat d'inaptitude. Les juges du fond déboutent  le salarié de sa demande de rappel de salaires à compter du 31 décembre 2015, au motif qu'il n'a pas travaillé et ne s'est pas tenu à la disposition de son employeur. Il ne peut donc pas prétendre au paiement des salaires réclamés. La Cour de cassation n'est pas de cet avis.

L'inaptitude du salarié ayant été constatée par le médecin du travail le 30 novembre 2015, l'employeur aurait dû reprendre le paiement du salaire à compter du 31 décembre 2015, peu important que le salarié n'ait pas travaillé en raison de la délivrance d'un arrêt de travail et ne se soit pas tenu à la disposition de l'employeur (Cass. soc., 17 nov. 2021, n°20-14.503).

Point de départ

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (C. trav., art. L. 1226-11).

Le délai d'un mois commence à courir à compter de l'examen médical de reprise (Cass. soc., 10 févr; 2016, n°14-14.519; Cass. soc., 8 mars 2006, n°04-44.585).

Suite au constat d'inaptitude par le médecin du travail lors de la visite médicale de reprise du 29 octobre, l'avis d'inaptitude a été notifié à l'employeur par courrier du médecin du travail du 2 novembre 2015. L'employeur n'a ni reclassé ni licencié la salariée dans le mois qui a suivi la visite médicale de reprise du 29 octobre 2015. Pour la cour d'appel, l'employeur avait l'obligation de reprendre le paiement du salaire à compter du  2 décembre 2015. la Cour de cassation n'est pas de cet avis.

Le point de départ du délai d'un mois à l'expiration duquel l'employeur doit reprendre le paiement des salaires est la date de l'examen médical de reprise et non la date de réception par l'employeur de l'avis d'inaptitude(Cass. soc., 1er dec. 2021, n°19-20.139).

Il s'agit d'une interprétation littérale de l'article L. 1226-11 du code du travail.

Inaptitude liée à la souffrance au travail : preuve et incidence 

Inaptitude liée à la souffrance au travail : preuve

Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée (Cass. soc., 28 mai 2014, n°13-12.485).

Une salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Elle conteste la validité de son licenciement au motif que l'inaptitude a été provoquée par un manquement de l'employeur. La cour d'appel lui fait droit après avoir constaté que certes  l'employeur n'est pas resté inactif face au mal être de la salariée mais il n'a pas pris ni toutes les mesures de prévention utiles ni celles permettant de faire cesser la situation de crise (absence de mise en place du document unique d'évaluation, absence d'entretien annuel, manque de clarté sur les  rôles des instances de gouvernance en matière de sécurité, incompréhension mutuelle...)  L'employeur forme un pourvoi au motif qu'il n'est pas démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qu'il a provoqué.

Le licenciement pour inaptitude est abusif lorsque la dégradation de l'état de santé du salarié ayant conduit à l'avis d'inaptitude du médecin du travail  est, au moins pour partie, la conséquence de la souffrance au travail dont il a été victime, et que l'employeur, qui avait connaissance du conflit l'opposant à d'autres salariées, n'a pas pris toutes les mesures de prévention nécessaires, ni les mesures propres à le faire cesser (Cass. soc., 1er déc. 2021, n°19-25.107)

Les juges du fond doivent rechercher, s'ils y sont invités, si l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable à son obligation de sécurité (Cass. soc., 21 oct. 2020, n°19-15.376)

Une salariée, licenciée pour inaptitude demande des dommages intérêts pour licenciement abusif au motif que son inaptitude est consécutive à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Elle invoque le fait d'avoir alerté sa hiérarchie de la dégradation de son état santé qu'elle attribue à ses conditions de travail. Elle fait état du certificat médical d'un médecin psychiatre révélant « un état d'épuisement psychologique et de dépression important en lien avec son activité professionnelle » et du contenu de son dossier médical en santé au travail qui mentionnait ses plaintes quant au manque d'effectif, à la pression et au stress créé par sa charge de travail et des contraintes psychiques, temporelles, relationnelles, de résistance au stress et de pression des objectifs

La Cour d'appel la déboute après avoir relevé que  l'employeur a licencié la salariée dans le respect de ses obligations légales quant au reclassement.

Lorsque le salarié demande des dommages intérêts pour licenciement abusif en invoquant que son inaptitude avait été provoquée par un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, les juges du fond doivent rechercher si tel est le cas. Ils ne peuvent pas se contenter de relever que l'employeur a rempli son obligation de reclassement (Cass. soc., 17 nov. 2021, n°20-14.072).

Nathalie LEBRETON
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