Incidences de la loi Elan sur le recouvrement des loyers d'habitation

03.12.2018

Gestion d'entreprise

La loi Elan clarifie le contenu du commandement de payer, supprime la mention manuscrite dans l'acte de cautionnement, libère de la solidarité le locataire victime de violences et prévoit de mieux coordonner surendettement et expulsion au 1er mars 2019.

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Elan », a été promulguée le 23 novembre 2018 (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018 : JO, 24 nov.). Elle vise notamment à améliorer les relations entre locataires et bailleurs, favoriser la mixité sociale et la mobilité dans le parc privé. Parmi les mesures intéressant le recouvrement des loyers et charges de copropriété, il faut souligner la clarification du contenu du commandement de payer des loyers et charges impayés, la suppression de la mention manuscrite dans l’acte de cautionnement, la fin de la solidarité du locataire victime de violences, la création du bail mobilité et le rétablissement de l’encadrement des loyers. De nouvelles dispositions prévues pour mieux coordonner surendettement et expulsion entreront en vigueur le 1er mars 2019. Les décrets d’application sont annoncés dans un délai de 6 mois après la promulgation de la loi.

Clarification du contenu du commandement de payer des loyers et charges

Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que 2 mois après un commandement de payer demeuré infructueux (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 24, I, al. 1er). Avant la loi Elan, le commandement de payer devait reproduire, à peine de nullité, les douze alinéas de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et les trois premiers alinéas de l’article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant la mise en œuvre du droit au logement et mentionner la faculté pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement, dont l’adresse de saisine devait être précisée.

Dans un souci de clarification et de simplification, la loi Elan modifie les mentions obligatoires du commandement de payer, lequel doit, depuis le 25 novembre 2018, comporter à peine de nullité (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 24, I, al. 2, mod. par L., art. 137) :

– la mention que le locataire dispose d’un délai de 2 mois pour payer sa dette ; le montant mensuel du loyer et des charges ;

– le décompte de la dette ;

– l’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d’expulsion ;

– la mention de la faculté pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l’adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ;

– la mention de la faculté pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil.

Articulation entre surendettement et expulsion au 1er mars 2019

Dès le 1er mars 2019, de nouvelles dispositions s’appliqueront afin d’améliorer la prévention des expulsions locatives et de mieux coordonner le traitement des situations de surendettement et la procédure en résiliation du bail et expulsion. Elles visent à permettre de maintenir dans son logement le locataire de bonne foi ayant repris le paiement de son loyer et s’acquittant du remboursement de sa dette locative. Si le locataire se libère de sa dette locative dans les délais et selon les modalités fixées, la clause de résiliation de plein droit sera réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprendra son plein effet (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 24, VI à VIII et C. consom., art. L. 714-1 créés par L., art. 118).

Suppression de la mention manuscrite dans l’acte de cautionnement

Depuis le 25 novembre 2018, aux termes de l’article 22-1 de la loi de 1989 modifié par l’article 134 de la loi Elan, la personne physique qui se porte caution signe l’acte de cautionnement, lequel doit faire apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels que prévus dans le contrat de location, ainsi que la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance que la caution a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte, ainsi que la reproduction de l’avant-dernier alinéa de l’article 22-1 de la loi de 1989 relatif aux modalités et effets de la résiliation (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 22-1, dernier al., mod. par L., art. 134).

Si l’information de la caution est maintenue, en ce que les informations relatives à l’étendue de son engagement continuent à être communiquées et indiquées dans le contrat et à être requises, le formalisme des mentions manuscrites a été supprimé. Cette exigence n’était pas sans poser des difficultés régulières aux administrateurs de biens, en ce qu’elle empêchait, notamment, de recourir au bail numérique intégral. De plus, le respect du formalisme était délicat à réaliser à chaque fois que la caution physique n’était pas présente sur le même territoire que le locataire. En supprimant ce formalisme, les démarches administratives pour la caution et le bailleur sont simplifiées et l’accès au logement du candidat locataire facilité.

Fin de la solidarité pour le locataire victime de violences

L’article 136 de la loi Elan libère le conjoint du locataire, son partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin notoire, lui-même locataire ou caution, de la solidarité aux dettes liées aux loyers et charges, dès lors qu’il quitte le logement en raison de violences conjugales ou domestiques et qu’il en informe le bailleur, par lettre recommandée avec avis de réception, accompagnée de la copie d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales ou d’une condamnation pénale du locataire pour faits de violences commises à son encontre ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui. La solidarité prend fin le lendemain du jour de la première présentation du courrier au domicile du bailleur (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 8-2, créé par L., art. 136). Si le mécanisme est intéressant au plan patrimonial, il n’en demeure pas moins intrusif.

Création du bail mobilité

Pour tenir compte du développement des mobilités professionnelles, la loi Elan a créé un cadre de location d’une durée réduite et souple.

La durée réduite de ce bail portant sur un logement meublé, d’un mois à 10 mois non reconductible, doit être justifiée, par un document, montrant que le locataire est à la date de la remise des clés, en formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage, en engagement volontaire dans le cadre d’un service civique, en mutation professionnelle ou en mission temporaire dans le cadre de son activité professionnelle.

Ce bail est régi par un régime propre comportant notamment les caractéristiques suivantes :

– aucun dépôt de garantie n’est exigé pour favoriser la mobilité, ce qui peut susciter une certaine frilosité des bailleurs ;

– le loyer est fixé librement, mais en zone tendue, dans le respect de l’encadrement du loyer à la relocation, et dans les villes concernées, du plafonnement du loyer ;

– aucune solidarité n’existe entre les locataires, en cas de colocation, ou entre les cautions, s’il est recouru à un cautionnement ;

– les charges locatives accessoires au loyer principal sont récupérées par le bailleur sous la forme d’un forfait versé simultanément au loyer, dont le montant et la périodicité de versement sont définis dans le contrat et pouvant donner lieu à complément ou régularisation ultérieure ;

– le locataire peut donner congé à tout moment, sans motivation, avec un préavis d’un mois (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-12 et s., créés par L., art. 107).

Rétablissement de l’encadrement des loyers

L’article 140 de la loi Elan réintroduit l’expérimentation de l’encadrement des loyers initiée par la loi Alur, et menée à Lille et Paris. Les arrêtés préfectoraux imposant un encadrement des loyers, soit un plafonnement des loyers, depuis le 1er août 2015 sur la commune de Paris et, depuis le 1er février 2017, sur la commune de Lille, ont en effet été annulés (T. adm. Lille, 17 oct. 2017, n° 1504219 ; T. adm Paris, 28 nov. 2017, n° 1511828). L’encadrement du niveau des loyers n’était donc plus effectif. En cause, le fait que l’encadrement ne pouvait être mis en place que sur une commune, alors que celle-ci est comprise dans une agglomération, conformément au texte de la loi Alur. L’expérimentation reprend pour 5 ans avec les adaptations nécessaires dans le cadre de la loi Elan, dans tout ou partie des zones tendues mentionnées à l’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

L’encadrement des loyers peut, depuis le 24 novembre 2018, s’appliquer dans une ou plusieurs villes, voire dans un ou plusieurs quartiers uniquement, puisque la loi nouvelle n’impose plus, contrairement à la loi Alur, que la totalité d’une agglomération y soit soumise.

Par ailleurs, au regard de l’expérimentation même courte menée, un écart entre les pratiques et la loi avait été dénoncé. Pour y remédier, des sanctions sont à nouveau prévues en cas de non-respect du plafonnement des loyers. Le préfet pourra en effet exiger du bailleur la diminution du loyer et le remboursement au locataire du trop-perçu. En cas de refus du bailleur de s’y soumettre, il s’expose à une amende administrative dont le montant ne peut excéder 5 000 euros pour un particulier et 15 000 euros pour une personne morale. Le locataire pourra également exercer une action en diminution de loyer.

Le dispositif d’encadrement annuel de l’évolution des loyers est maintenu dans les zones tendues, et ce depuis 2012. Lors d’un changement de locataire, le loyer est fixé en fonction du loyer appliqué à l’ancien locataire. Il continuera à s’appliquer y compris dans les zones qui seront soumises à un encadrement des loyers.

Béatrice Balivet, Maître de conférences-HDR

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