Incompatibilité d'une aide publique avec les règles européennes de concurrence
01.10.2019
Gestion d'entreprise

Le préjudice causé par la mise en oeuvre d'une aide d'État illégale n'est pas réparable.
La Cour de cassation rappelle et applique les règles européennes de concurrence en matière d’aides publiques aux activités économiques dans un arrêt révélateur d’une certaine méconnaissance de ces règles par les services de l’État et les collectivités territoriales.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
En l’espèce, une société et sa filiale avaient voulu vendre leur électricité d’origine photovoltaïque à la société EDF, conformément aux dispositions d’un arrêté du 12 janvier 2010 qui mettaient en exécution l’obligation de cette dernière d’acheter cette électricité à un prix supérieur au prix du marché moyennant compensation par une aide d’État. Ces deux sociétés prétendaient qu’EDF avait commis une faute en ne traitant pas leur demande dans les délais requis, ce qui les avait empêchées de vendre leur électricité à un tarif supérieur à celui qu’elles avaient dû accepter après l’expiration de ces délais. Elles demandaient en conséquence à EDF réparation du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier du tarif supérieur. La société EDF contestait cette prétention en soutenant que l’obligation d’achat qui lui était imposée était compensée par une aide d’État illégale au regard des règles européennes de concurrence.
Aux termes de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, constituent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Dans l’affaire examinée, les surcoûts générés par l’obligation imposée à EDF d’acheter l’électricité d’origine photovoltaïque à un prix supérieur au prix du marché, étaient intégralement compensés au moyen d’un financement supporté par tous les consommateurs finals d’électricité sur le territoire national.
Dans ces conditions, la Cour de cassation observe :
- qu’un tel mécanisme, issu de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifié par la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006, constitue une intervention au moyen de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE ;
- que l’arrêté du 12 janvier 2010 ayant pour effet d’obliger la société EDF à acquérir l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans le cadre de référence du marché libéralisé de l’électricité au sein de l’Union européenne, favorisait, de manière sélective, les producteurs de l’électricité ayant cette origine ;
- que l’électricité de source photovoltaïque ayant vocation à se substituer à l’électricité produite par d’autres moyens technologiques et le marché de l’électricité ayant été libéralisé, ce régime d’aide était de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser la concurrence au détriment d’autres entreprises productrices d’électricité.
La Haute juridiction en conclut "que le mécanisme d‘obligation d’achat par la société EDF, de l’électricité photovoltaïque à un prix supérieur au prix du marché mis en exécution par l’arrêté du 12 janvier 2010, constituait une aide d’État".
Dès lors, cette aide tombait sous le coup du principe d’interdiction édicté par l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.
Le dispositif mis en place en l’espèce ne peut se prévaloir d’une exception au principe d’interdiction de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, faute d’avoir été notifié à la Commission européenne et exempté d’interdiction par celle-ci. En effet, l'article 108, paragraphe 3 du TFUE prévoit que toute aide d’État doit être notifiée à la Commission et approuvée par elle avant d’être octroyée. Ce dispositif ne peut davantage bénéficier des règlements qui dispensent de notification certaines aides d’État, tels que le règlement n° 800/2008, du 6 août 2008, ou règlement (UE) n° 651/2014, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur, ou le règlement n° 1998/2006 devenu règlement (UE) n° 1407/2013, du 18 décembre 2013 sur les aides de minimis.
Or, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu’une mesure d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 3, du TFUE, mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l’article 108, paragraphe 3, du TFUE est illégale. Il ressort également de cette jurisprudence qu’une décision de la Commission européenne déclarant une aide d'État non notifiée compatible avec le marché intérieur ne peut régulariser, a posteriori, les actes d’exécution, qui sont invalides du fait qu’ils ont été pris en méconnaissance de l’interdiction visée à l’article 108, paragraphe 3, du TFUE (CJCE, 21 novembre 1991, C-354/90 ; CJCE, 5 octobre 2006, C-368/04 ; CJUE, 23 janvier 2019, C-387/17).
La Cour de cassation relève que les juridictions nationales doivent d’une part sauvegarder les droits que les particuliers tirent de l’effet direct de l’article 108, paragraphe 3, du Traité, en examinant si les projets tendant à instituer ou à modifier des aides d’État n’auraient pas dû être notifiés à la Commission avant d’être mis à exécution, et d’autre part tirer toutes les conséquences de la méconnaissance par les autorités nationales de cette obligation de notification qui affecte la légalité de ces mesures d’aides.
Il s’en suit que les demandeurs ne sont pas fondés à invoquer un préjudice constitué de la perte de la chance de bénéficier d’un tarif procédant d’une aide illégale, un tel préjudice n’étant pas réparable.
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