Indemnisation de l'agent commercial en cas de rupture pendant la période d'essai

05.02.2019

Gestion d'entreprise

La rupture du contrat d'agent commercial pendant la période d'essai, n'empêche pas le versement d'une indemnité compensatrice, nonobstant toute clause contraire.

La résiliation du contrat d’agent commercial ouvre droit au profit du mandataire, nonobstant toute clause contraire, à une indemnité compensatrice du préjudice subi, même si la rupture intervient pendant la période d’essai. C’est ce que vient de juger la Cour de cassation dans un arrêt du 23 janvier 2019 rendu au visa de l’article L. 134-12 du code de commerce, tel qu’interprété à la lumière de l’article 17 de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants.

On sait que l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi, en cas de cessation de ses relations avec le mandant mais qu’il perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits (C. com., art. L. 134-12).

Moins de certitude en revanche sur la légitimité du versement de cette indemnité en cas de cessation du contrat durant la période d’essai.

Une rupture du contrat d’agence pendant la période d’essai

En l’occurrence, une société avait passé un contrat avec un agent commercial et avait rompu le contrat pendant la période d’essai pour non réalisation des objectifs. Se fondant sur une disposition contractuelle qui prévoyait une période d’essai de douze mois à l’issue de laquelle le contrat était réputé à durée indéterminée, avec faculté pour chaque partie de le résilier au cours de cette période, avec préavis, elle considérait que l’indemnité compensatrice n’était pas due.

L’agent qui ne l’entendait pas ainsi, demandait le paiement d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice résultant de la cessation des relations et des dommages-intérêts pour rupture abusive. Débouté en appel, le pourvoi de l’agent a conduit la Cour de cassation à s’interroger sur sa jurisprudence qui prive l’agent commercial d’indemnité lorsque la rupture intervient pendant la période d’essai.

Un arrêt de la CJUE du 19 avril 2018 à rebours de la jurisprudence de la Cour de cassation

Par un arrêt du 6 décembre 2016, la Cour de cassation (Cass. com., 6 déc. 2016, n° 15-14.212) a donc saisi la CJUE d'une question préjudicielle portant sur l'application de l'article 17 de la directive précitée, relatif à l’indemnité due à l’agent après cessation du contrat, lorsque la cessation du contrat intervient au cours de la période d'essai.

Dans son arrêt du 19 avril 2018, la CJUE a dit pour droit "que l'article 17 doit être interprété en ce sens que les régimes d'indemnisation et de réparation que cet article prévoit, respectivement à ses paragraphes 2 et 3, en cas de cessation du contrat d'agence commerciale, sont applicables lorsque cette cessation intervient au cours de la période d'essai que ce contrat stipule" (CJUE, 19 avr. 2018, aff. C-645/16). Les conclusions de l’avocat général indiquaient en effet qu’aux termes de l'article 17, paragraphe 1 et 3 de la directive 86/653, le droit à indemnité ou à réparation de l'agent commercial est subordonné à la cessation de sa relation contractuelle avec le commettant et que cette relation existe à partir du moment où a été conclu un contrat, indépendamment de la question de savoir si ce contrat est assorti d'une période d'essai. Pour la Cour de cassation au contraire, l'agent commercial ne bénéficiait d'aucun droit à indemnité lorsque la rupture du contrat d'agence commerciale intervenait pendant la période d'essai, puisque, au cours de cette période, le contrat d'agence commerciale n’était pas encore définitivement conclu.

Quant à l’indemnité, l'Avocat général indiquait qu'elle est due notamment si l'agent commercial a apporté de nouveaux clients au commettant ou a développé sensiblement les opérations avec les clients existants, et si le commettant profite encore d'avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients. En réalité, "les régimes d'indemnisation et de réparation visent non pas à sanctionner la rupture du contrat, mais à dédommager l'agent commercial pour ses prestations passées dont le commettant continue à bénéficier au-delà de la cessation des relations contractuelles ou pour les frais et dépenses qu'il a exposés aux fins de ces prestations. Par conséquent, cet agent ne saurait être privé de l'indemnité ou de la réparation au seul motif que la cessation du contrat d'agence commerciale est intervenue pendant la période d'essai, si les conditions énoncées à cet article 17, paragraphes 2 et 3, sont satisfaites".

La raison d'être des périodes d'essai des contrats d'agence commerciale après l'alignement de la Cour de cassation sur la CJUE

Ainsi, même affecté d’une période d’essai, le contrat d’agence commerciale est en vigueur depuis le premier jour. L’indemnité de cessation de contrat (C. com., art. L. 134-12) ne sanctionne pas la rupture du contrat mais est fondée sur la performance de l’agent commercial dans le concours apporté aux affaires du mandant, performances accomplies aux frais et aux risques de l’agent pendant la période d’exécution du contrat.

En retenant "que cette indemnité n'est pas due lorsque la cessation du contrat intervient pendant la période d'essai dès lors que le statut des agents commerciaux, qui suppose pour son application que la convention soit définitivement conclue, n'interdit pas la stipulation par les parties d'une période d'essai," la cour d’appel a donc violé l’article L. 134-12 du code de commerce.

Se pose dès lors la question de la raison d'être de la période d'essai dans les contrats d'agence commerciale, puisque la période d'essai ne semble plus avoir d'influence sur le droit à indemnité de l'agent.

 

 

Cécile Thiercelin, Dictionnaire permanent Droit des affaires

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