Si la démarche fait l’unanimité, quelques réserves subsistent dans la mise en œuvre de l’index destiné à mesurer les inégalités salariales. Les points de vue de quatre experts, Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC, Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT, Isabelle Ayache-Revah, avocate associée au cabinet Raphaël Avocats et Denis Lesigne, directeur capital humain chez Deloitte.
"Avancée notable", "mesures fortes", "méthode pragmatique"… Les partenaires sociaux ont accueilli favorablement l’index de l’égalité salariale, présenté, le 22 novembre, par Muriel Pénicaud, la ministre du travail, et Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
"Le principe d’une obligation de résultat en matière d’égalité de rémunération est un point très positif, souligne Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT. Si jusqu’ici les entreprises mettaient en œuvre des accords ou des plans d’action, elles n’étaient pas responsables des conséquences des actions engagées". D’où une certaine "inefficacité". "Les mesures pour l’égalité ont évolué positivement, renchérit Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC. Par exemple, à notre demande, la pénalité de 1 % restera versée au fonds de solidarité vieillesse, les inégalités ayant de fortes répercussions sur la retraite des femmes".
Côté patronal, on se réjouit également des ajustements de dernière minute (voir courrier ci-dessous). A leur demande, l'exécutif a instauré un dispositif allégé pour les entreprises de 50 à 250 salariés, en fusionnant les critères liés aux promotions et aux augmentations. "La méthodologie retenue prend en compte la diversité des situations des entreprises", s’est aussitôt félicité Geoffroy Roux de Bézieux, le leader du Medef.

Reste à passer aux travaux pratiques. Les entreprises devront publier la note globale de l’index femmes-hommes sur leur site internet, selon un timing très précis : dès le 1er mars 2019 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés ; dès le 1er septembre de la même année pour les entreprises de 250 à 1 000 salariés et enfin, le 1er mars 2020 pour les sociétés de plus de 50 salariés. Comment s’y préparer ? "En attendant la publication du décret d’application, les entreprises ont tout intérêt à simuler la méthodologie sur les données actuelles afin de ne pas être surprises des résultats qu’il faudra rendre publics", conseille Denis Lesigne, directeur capital humain chez Deloitte, un cabinet conseil en RH. "On est tous sur la même ligne droite, ajoute Isabelle Ayache-Revah, avocate associée au sein du cabinet Raphaël avocats. On a trois ans pour corriger. Mais pour certaines la distance sera moins longue car elles ont déjà anticipé via des accords d’entreprise et des plans d’action".
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Quelques réserves subsistent toutefois. "Comme toutes les méthodologies de mesure, celle proposée par le gouvernement comporte des biais et des effets de bords qui ne permettent pas à une entreprise de garantir qu’elle sera dans les clous de la réglementation dans les trois années à venir", indique Denis Lesigne, directeur capital humain chez Deloitte.
De fait, pour calculer les écarts de salaire, l’entreprise peut utiliser la classification de branche ou une classification agréée par le ministère pour définir les postes comparables. "Mais dans certaines classifications conventionnelles les niveaux sont larges et regroupent des postes non nécessairement comparables".
"Les entreprises vont devoir consentir à des efforts financiers pour satisfaire aux critères notamment pour les entreprises qui se retrouvent en queue de peloton. Cet investissement ne risque-t-il pas de pénaliser les entreprises qui ont recruté plus de femmes, s’interroge Isabelle Ayache-Revah. Voire servir de repoussoir ?".

Des points de vigilance apparaissent aussi pour les RH. "Les entretiens d’évaluation vont nécessiter une feuille de route beaucoup plus détaillée, poursuit l’avocate. Le manager devra, de fait, justifier objectivement l’octroi d’une augmentation ou non". D’où des entretiens plus "procéduriers". Au risque sinon de favoriser les contentieux pour discrimination.
De son côté, le Medef veillera en particulier "à la faisabilité technique du calcul des indicateurs via les logiciels de paie et de ressources humaines". Pascale Coton souhaite que "les partenaires sociaux puisent bénéficier d’expertises financées par l’employeur pour se familiariser avec cet outil", notamment dans le cadre de la consultation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Un guide ad hoc devrait les y aider. Il devrait être publié par le ministère du travail en septembre 2019.

Enfin, les experts pointent quelques regrets. "Le critère sur les promotions n’est pas un critère phare, note Isabelle Ayache-Revah. Il n’est doté que de 15 points. Il est dommage que l’exécutif n’ait pas retenu un indice plus consistant, plus épais pour favoriser les promotions".
De son côté, Denis Lesigne remarque l’absence de critère portant spécifiquement sur la politique de recrutement. "C’est un élément occulté. Or, les recrutements externes souvent accompagnés d’une revalorisation salariale, peuvent être une source génératrice d’inégalités s’ils ne sont pas à parité de genre".

La CGT regrette, quant elle, que les simulations réalisées sur l’impact de la mise en place de l’index n’aient pas été rendu publiques et que la piste du logiciel national, envisagé au départ, ait été écartée, notamment par le Medef en raison de son coût financier. La CFTC reste, elle, circonspecte sur le critère visant à prendre en compte le pourcentage de femmes augmentées après un congé maternité. "Cette obligation date de 2006. Les entreprises auront-elles des points parce qu’elles appliquent la loi ? N’aurait-il pas été préférable de soustraite des points plutôt que d’en octroyer en cas de non-respect?".
Au-delà, une interrogation demeure : cette dynamique s’étendra-t-elle à l’égalité professionnelle. Pour le cabinet Raphaël Avocats, cette démarche ne doit pas faire oublier d’autres enjeux. "L’égalité dans l’évolution de carrière entre les femmes et les hommes nécessite également de prendre en compte différemment la parentalité, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, l’accès aux promotions… " Un premier pas, en quelque sorte.
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