Installations photovoltaïques sur des bâtiments agricoles : quelle base d'imposition à la CFE ?

17.12.2020

Gestion d'entreprise

La valeur des bâtiments agricoles doit être prise en compte uniquement pour la partie de la toiture supportant les panneaux solaires.

La cour administrative de Bordeaux vient de préciser les modalités selon lesquelles les bâtiments agricoles supportant des centrales photovoltaïques devaient être pris en compte pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises (CFE) due par le producteur d’énergie.

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Saisie par une société dont la base d’imposition avait été élargie par l’administration pour englober l’ensemble des bâtiments agricoles, elle ordonne la réduction de cette base à la valeur locative des toitures sur lesquelles sont installés les équipements solaires.

Le CGI vise comme base d’imposition à retenir « la valeur locative des biens passibles de taxe foncière dont le redevable a disposé pour son activité professionnelle » (CGI, art. 1467 et 1447, I). Il en exclut toutefois trois des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties par l’article 1382 du CGI, dont notamment les immobilisations destinées à la production d’électricité d’origine photovoltaïque visées au 12° (CGI, art. 1382, 12°).

Ce dispositif n’était contesté ni par la société ni par l’administration qui avait bien exclu de la base imposable les matériels et panneaux photovoltaïques, conformément aux dispositions combinées de l’article 1467 et du 12° de l’article 1382 du CGI. Le litige portait en revanche sur l’inclusion dans cette base d’imposition de la valeur locative des bâtiments agricoles sur le toit desquels la société avait installé les panneaux.

La société faisait en premier lieu valoir que les bâtiments agricoles sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) (CGI, art. 1382, 6°), tout comme les installations photovoltaïques (CGI, art. 1382, 12°). Ce statut exonératoire permettant aux panneaux d’échapper à la CFE (CGI, art. 1467), elle en déduisait que la CFE n’est pas non plus due pour les bâtiments qui les supportent car ils étaient eux aussi exonérés de TFPB.

La cour ne souscrit pas à cette interprétation. Elle rappelle que l’article 1382, 6°, du CGI exonère certes les bâtiments agricoles de TFPB mais que ceux-ci sont au nombre des biens passibles de taxe foncière et doivent ainsi être retenus pour la détermination de la base de la CFE.

Elle pose toutefois une limite de taille à l’intégration de ces biens dans la base imposable. Ne doivent en effet être retenus que les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu’il effectue.

La cour fonde son raisonnement sur une décision rendue il y a presque 20 ans par le Conseil d’Etat à propos de la soumission à la taxe professionnelle de mobilier urbain supportant des panneaux publicitaires (CE, 8 mars 2002, n°225434). Les Hauts magistrats avaient à l’époque posé ce double critère des biens contrôlés et utilisés matériellement par le redevable pour son activité. Ils avaient en conséquence retenu la seule partie du mobilier urbain affectée à un usage publicitaire comme base d’imposition à la taxe professionnelle.

L’analogie faite par le juge d’appel avec le présent litige est justifiée tant sur la forme que sur le fond.

D’une part, les dispositifs n’ont que peu évolué en 20 ans. La CFE, tout comme la taxe professionnelle à laquelle elle a succédé, demeure régie par l’article 1467 du CGI. Quelle que soit la taxe, l’article a toujours fait référence aux biens « dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence ». L’interprétation qui en avait été faite par le Conseil d’Etat en 2002 n’est donc pas obsolète en 2020.

Sur le fond d’autre part, panneaux publicitaires et photovoltaïques présentent les mêmes caractéristiques. Ils sont tous deux apposés sur des supports que l’administration souhaite intégrer dans la base d’imposition de la CFE, au même titre que les panneaux constituant l’activité principale des sociétés redevables.

La cour considère donc que, à l’instar du mobilier urbain, les bâtiments agricoles sur lesquels sont installés les panneaux solaires ne peuvent être regardés comme utilisés matériellement par elle que pour la partie de ces bâtiments affectée à la production d’énergie électrique.

Cette grille de lecture s’applique que les panneaux soient installés par voie de bail à construction ou mis à sa disposition par bail emphytéotique.

Dans le cadre de baux à construction, la société a en effet édifié des bâtiments dont elle est propriétaire et qu’elle met à disposition d’exploitants agricoles, tout en gardant la jouissance de la toiture équipée d’une centrale photovoltaïque et d’une partie de la surface au sol affectée aux locaux techniques. Le preneur dispose quant à lui du pouvoir de céder, louer ou mettre à disposition le bâtiment, hors local technique. Pour la cour, seuls la toiture et le local technique doivent donc entrer dans le calcul de la CFE, les autres surfaces étant mises à la disposition du preneur qui les utilise pour les besoins de son activité agricole. La cour précise à ce sujet que l’inscription au bilan de la société d’autres parties des constructions n’est pas susceptible de faire entrer ces biens dans le champ de la CFE.

La société a par ailleurs équipé de centrales photovoltaïques les toitures de bâtiments agricoles louées par voie de bail emphytéotique. Y est donnée à bail « une partie du bâtiment en nature de toiture… sur une propriété agricole », sur laquelle la société exerce son droit de jouissance. Dans cette situation, la cour estime là encore que la société n’exerce un contrôle que sur cette partie de toiture qu’elle utilise pour son activité, ce qui justifie son inclusion dans l’assiette de la CFE.

Dans les deux hypothèses, le fait que les bâtiments, incluant la toiture, abritent par ailleurs une activité agricole ne suffit pas à exclure ces mêmes toitures du champ de la CFE due par la société au titre de ses propres activités.

Ayant ainsi circonscrit les biens entrant dans la base d’imposition, la cour évalue leur valeur locative. Pour ce faire, elle se penche en premier lieu sur l’évaluation administrative du montant des matériels et panneaux photovoltaiques. Confrontée à des factures globales ne détaillant pas la partie « matériel photovoltaïque » des autres prestations telle la charpente métallique de soutien, l’administration a déduit un montant forfaitaire de 61 % au titre du matériel photovoltaïque. Elle s’est fondée sur des factures détaillées provenant d’un unique site et a extrapolé en l’appliquant aux autres sites, méthode que la cour juge appropriée à défaut d’une meilleure solution.

La cour valide ensuite l’appréciation administrative de la valeur locative des bâtiments sous bail emphytéotique fondée sur les éléments de comptabilité détaillés fournis par la société. L’évaluation des bâtiments édifiés dans le cadre de baux à construction est en revanche censurée, l’administration ayant repris la totalité des immobilisations inscrites en comptabilité par la société au titre de ces constructions, et non les seuls toiture et local technique. En l’absence de données fournies par les parties permettant de déterminer la valeur de ces éléments, la cour la fixe forfaitairement à un tiers des sommes retenues par l’administration.

Anne Debailleul, Dictionnaire permanent Entreprise agricole
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