Intérêt général et confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation

22.02.2019

Gestion d'entreprise

Le retrait des données chiffrées confidentielles est justifié dès lors qu'elles n'étaient pas de nature à nourrir un débat d'intérêt général mais à satisfaire les intérêts des abonnés du site spécialisé dans l'endettement des entreprises.

On se souvient que par un arrêt du 15 décembre 2015, Cour de cassation a jugé que le caractère confidentiel des procédures de conciliation et de mandat ad hoc, imposé par l’article L. 611-15 du code de commerce, fait obstacle à leur diffusion par voie de presse, à moins qu’elle ne contribue à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général (Cass. com., 15 déc. 2015, n° 14-11.500, n° 1076 P+B,  voir; "La liberté de la presse à l'épreuve de la confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation", VP, 05 janv. 2015), la . L’arrêt de la cour d’appel de Paris, cour de renvoi après cassation, qui avait confirmé les demandes de retrait de l’ensemble des informations confidentielles fait l’objet d’un nouveau pourvoi dans cette affaire. Ce second arrêt de la Cour de cassation apporte de précieux renseignements sur l’appréciation de l'intérêt général justifiant d’écarter la confidentialité.

Le pourvoi est rejeté par la chambre commerciale dans un arrêt dont on retiendra les éléments essentiels. En l’espèce, les articles litigieux comportaient des informations précises et chiffrées sur le déroulement d’un mandat ad hoc et d’une conciliation subséquente ouverte à l’encontre d’un groupe important, mais aussi sur les négociations ayant lieu dans ce cadre. En outre, ces informations avaient été publiés au fur et à mesure du déroulement des procédures par un site de presse. Or, pour les juges du fond, il n’était pas justifié en quoi il pouvait être conforme à l’intérêt général et à la défense de l’emploi et de l’économie, de rendre public, ou à tout le moins de porter à la connaissance de ses abonnés, un compte rendu en temps réel du déroulement et du contenu des négociations de la procédure amiable. Ils ajoutent que le public concerné était celui des abonnés du site de presse en cause, spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises, alors que les articles diffusés par d’autres sites ou organes de presse s’étaient bornés à faire état des difficultés avant l’ouverture du mandat ad hoc et l’existence de nouvelles difficultés par la suite.

Certes, la procédure s’est terminée par une conciliation mais cette circonstance est jugée sans incidence puisqu’elle n’exclut pas que le contenu de la conciliation soit plus défavorable aux sociétés du groupe que ce qu’il aurait pu être si la confidentialité avait été respectée et que les relations des sociétés du groupe avec leurs partenaires se soient dégradées de manière significative.

Partant, les articles publiés qui ont divulgué des données chiffrées confidentielles sur les difficultés des sociétés du groupe et les détails des négociations en cours menées pour restructurer leurs dettes dans le cadre de la procédure de conciliation couverte par la confidentialité prévue par l’article L. 611-15 du code de commerce n’étaient pas de nature à nourrir un débat d’intérêt général sur les difficultés d’un grand groupe industriel et ses répercussions sur l’emploi et l’économie nationale. Ils tendaient principalement à satisfaire les intérêts des abonnés du site de presse, public spécialisé dans l’endettement des entreprises. En outre, ces publications risquaient de causer un préjudice considérable aux sociétés du groupe et aux parties appelées à la procédure de prévention mais aussi de compromettre gravement son déroulement et son issue. Et la Cour de cassation d’en déduire que les juges du fond ont fait une juste application de l’article 10 de la CESDH sur la liberté d’expression.

Pour être complet on signalera que dans cette même affaire, la cour d'appel de Versailles a condamné le site de presse à payer des dommages et intérêts pour un montant avoisinant les 350 000 € (CA Versailles., 14 sept. 2017, n° 15/08941).
Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique

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