L'interopérabilité des réseaux privés entre professionnels s'applique dans la limite de leur mandat de justice.
La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle qui est définitivement adoptée à la suite de la décision du Conseil constitutionnel organise l’interopérabilité des réseaux entre les professions du droit et du chiffre avec leurs clients afin de faciliter les échanges. En particulier, l’article 3 de la loi du 18 novembre 2016 prévoit que plusieurs professions du droit et du chiffre proposent à leur clientèle une relation numérique dans un format garantissant l’interopérabilité de l’ensemble des échanges.Cet article introduit à la suite d’un amendement du Gouvernement en première lecture à l’Assemblée nationale avait été supprimé par le Sénat qui estimait notamment que cette mesure par son imprécision serait difficilement applicable. Il figure cependant dans le texte définitif, validé par le Conseil constitutionnel.
Multitude de réseaux numériques professionnels
Le premier alinéa de l’article 3 résulte d’un état des lieux en matière de réseaux numériques d’échanges. Actuellement toutes les professions du droit que sont les huissiers de justice, les notaires, les commissaires-priseurs judiciaires, les avocats, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ainsi que les professionnels du chiffre que sont les commissaires aux comptes et les experts-comptables ont mis en place des systèmes d’identification de leurs membres et parfois des réseaux privés virtuels, en ce qui concerne notamment les avocats, les huissiers de justice et les notaires qui leur permettent de communiquer entre eux. Ces professions disposent de systèmes de communication mis à la disposition de leurs membres en vue d’échanges sécurisés de documents avec leurs clients. Ces systèmes prévoient également l’identification sécurisée des membres.
Mais chaque système est indépendant et repose sur des normes techniques spécifiques qui ne permettent pas des échanges numériques entre professionnels eux-mêmes ou entre les clients et les autres professionnels ou avec les juridictions.
Relation numérique proposée à la clientèle de ces professionnels
Les dispositions de l’article 3, I imposent à ces professions de mettre en place des systèmes de communication garantissant les échanges numériques entre tous grâce à leur interopérabilité. L’objectif est de créer des chaînes juridiques totalement numériques grâce à des réseaux interopérables.En effet de plus en plus d’opérateurs investissent les domaines du service juridique via le numérique et proposent une relation numérique à l’attention de leur clientèle. Les legal tech se positionnent à la fois sur le fond du droit en proposant une prestation à moindre coût grâce aux nouvelles technologies et le développement du marché juridique. Mais elles investissent également les relations interprofessionnelles. Il est intéressant de noter que ce même article 3 autorise les professionnels mentionnés au I à recourir à la sollicitation personnalisée notamment par voie numérique ainsi qu’à proposer des services en ligne.
Cependant ces opérateurs ne sont pas ou peu des professionnels du droit. L’intention du législateur est que ces derniers puissent investir massivement le domaine numérique, raison pour laquelle la loi du 18 novembre rend obligatoire la relation numérique à l’égard de la clientèle et l’interopérabilité des échanges numériques.
Le Sénat avait pointé le fait que la relation numérique n’ayant pas de définition, la mise en œuvre de la mesure serait difficile. Le Gouvernement dans ses observations sur les recours devant le Conseil constitutionnel estime au contraire qu’elle est dénuée de toute ambiguïté dans la mesure où elle couvre la communication et l’échange d’informations et de documents par voie électronique et dématérialisée, ce que confirme la décision du Conseil constitutionnel.
Cas particuliers : les administrateurs et mandataires judiciaires
Les administrateurs et mandataires judiciaires font l’objet d’un paragraphe spécifique en raison des missions particulières qu’ils exercent. En effet, l’exercice de leur profession relève de mandats de justice qui leur sont confiés par les tribunaux de commerce. De ce fait, ils n’ont pas de clientèle à l’instar des autres professions visées par la loi du 18 novembre 2016.
L’article 3, IV prévoit qu’ils proposent une relation numérique avec interopérabilité des échanges dans les limites de ce que leur permet leur mandat de justice et pour les besoins de ce mandat aux personnes intéressées. Il s’agit en pratique des créanciers pour lesquels un portail numérique a été mis en place pour déclarer les créances aux procédures collectives mais le terme utilisé autoriserait d’autres personnes de par leur intérêt à y accéder.
Notion d’interopérabilité
Le Gouvernement dans ses observations devant le Conseil constitutionnel précise que la notion d’interopérabilité des systèmes d’information fait l’objet de plusieurs textes. En particulier, l’article L. 112-9 du code des relations entre le public et l’administration prévoit des règles d’interopérabilité pour les téléservices mis en place par l’administration. Et, en application de ces dispositions, un référentiel général d’interopérabilité (RGI) est défini par un arrêté du 20 avril 2016 (♦ Arr. 20 avr. 2016, NOR : PRMJ1526716A : JO, 22 avr.) et consultable sur le site references.modernisation.gouv.fr. Le RGI est un cadre de recommandations référençant des normes et standards qui favorisent l’interopérabilité au sein des systèmes d’information de l’administration. Ces recommandations permettent aux acteurs cherchant à interagir et donc à favoriser l’interopérabilité de leur système d’information, d’aller au-delà de simples arrangements bilatéraux.
Le RGI est défini dans l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. Dans l’article 11 de cette ordonnance, le « RGI fixe les règles techniques permettant d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information. Il détermine notamment les répertoires de données, les normes et les standards qui doivent être utilisés par les autorités administratives. Les conditions d’élaboration, d’approbation, de modification et de publications de ce référentiel sont fixées par décret ».
Accessibilité des données
Ces mêmes professions doivent en outre rendre librement accessibles les données figurant dans leurs annuaires et tables nationales de manière à garantir l’interopérabilité. Ces dispositions étaient également contestées par les sénateurs. Le Conseil constitutionnel juge que concernant les personnes ayant accès aux données, la loi du 18 novembre 2016 est suffisamment précise dans la mesure où elle indique qu’il s’agit de toute personne figurant dans les annuaires et tables nationales des professions mentionnées au I de l’article 3.
L’article 3, II précise que l’accessibilité s’effectue, notamment, au moyen d’un standard ouvert et réutilisable, exploitable par un traitement automatisé.
Autres professionnels visés par l’interopérabilité
Pour conclure, d’autres professionnels étaient également concernés par le projet de réforme. En effet, les greffiers des tribunaux de commerce et les experts étaient cités parmi les professions qui ont mis en place des systèmes de communication entre leurs membres. Ils ne sont pas visés par la loi du 18 novembre 2016.
Voir le zoom sur l’ensemble de la réforme « La loi Justice du XXIe siècle et le droit des entreprises en difficultés », Bulletin n° 386, page 1.
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
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