Introduction en 2022 dans le code civil de la cession de créance à titre de garantie

05.11.2021

Gestion d'entreprise

Au 1er janvier 2022, la propriété d'une créance pourra être cédée à titre de garantie d'une obligation par l'effet d'un contrat. Dans tous les cas, le transfert de la créance s'opérera entre les parties et sera opposable aux tiers à la date de l'acte.

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés, particulièrement innovante en matière de propriété-sûreté, instaure, à compter du 1er janvier 2022, la possibilité pour les parties de céder la propriété d’une créance à titre de garantie d’une obligation par l’effet d’un contrat conclu en application des articles 1321 à 1326 du code civil (C. civ., art. 2373, nouv. ; Ord., art. 37, I).

Cette modification du code civil est justifiée par « un souci d’attractivité internationale de la loi française » qui doit, aux côtés de la fiducie-sûreté, autoriser la cession de créance à titre de garantie sans en réserver le profit aux seuls établissements bancaires et assimilés. En outre, il convenait de mettre un terme à la jurisprudence de la Cour de cassation qui, en l’absence de texte, « a toujours refusé de reconnaître cette sûreté et a requalifié l’opération en nantissement de créance » (Rapp. au Président de la République, p. 10).

L’ordonnance du 15 septembre 2021 modifie la section II (« De la propriété cédée à titre de garantie ») du chapitre IV (De la propriété retenue ou cédée à titre de garantie) du titre II (des sûretés réelles) du livre IV (Des sûretés) du code civil pour accueillir une nouvelle sous-section 2 intitulée « De la cession de créance à titre de garantie » comportant quatre articles (C. civ., art. 2373 à 2373-3).

L’article 2373 du code civil dispose que « la propriété d’une créance peut être cédée à titre de garantie d’une obligation par l’effet d’un contrat conclu en application des articles 1321 à 1326 ». La cession de créance à titre de garantie relève donc du droit commun de la cession de créance, lequel reste inchangé à une importante exception près. En effet, le troisième alinéa de l’article 1323 du code civil, selon lequel « le transfert d’une créance future n’a lieu qu’au jour de sa naissance, tant entre les parties que vis-à-vis des tiers », est abrogé (Ord., art. 26, 2°, b). A compter du 1er janvier 2022, dans tous les cas, le transfert de la créance s’opère entre les parties à la date de l’acte et est opposable aux tiers dès ce moment (C. civ., art. 1323, nouv.). Sur ce point, le régime juridique de la cession de créance de droit commun est aligné sur celui de la cession de créances professionnelles (C. mon. fin., art. L. 313-27, al. 1er) et permet de tenir compte de l’abrogation de l’article 2357 relatif au nantissement de créance future (Ord., art. 9, II).

Les articles 2373-1 à 2373-3 détaillent ensuite les modalités particulières de la constitution de la garantie et son régime juridique. L’article 2373-1, alinéa 1er prévoit que « les créances garanties et les créances cédées sont désignées dans l’acte ». L’opération doit donc respecter le principe de spécialité, quant à l’assiette de la sûreté (créances cédées) et quant aux créances garanties. Si les créances « sont futures, l’acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s’il y a lieu, leur échéance » (C. civ., art. 2373-1, al. 2, nouv.). Cet alinéa reprend les mêmes éléments d’identification que ceux prévus pour le nantissement de créance (C. civ., art. 2356) ou pour la cession de créances professionnelles (C. mon. fin., art. L. 313-23), « cette liste n’étant toutefois qu’indicative » (Rapp., p. 10).

L’article 2373-2 du code civil règle le sort des sommes d’argent versées au cessionnaire par le débiteur. Ces sommes « s’imputent sur la créance garantie lorsqu’elle est échue » comme en matière de nantissement de créance (C. civ., art. 2364, al. 1er). Si la créance garantie n’est pas échue, « le cessionnaire les conserve dans les conditions prévues aux articles 2374-3 à 2374-6 » (C. civ., art. 2373-2, al. 2, nouv.). En l’occurrence, certaines des nouvelles règles relatives à « la cession de somme d’argent à titre de garantie » ou « gage-espèces » s’appliquent. Le Rapport souligne que dans une telle hypothèse, « le droit de propriété dont était titulaire le cessionnaire sur la créance se reporte sur la somme d’argent versée en paiement de celle-ci ; sa sûreté-propriété sur la créance se transforme en sûreté-propriété sur la somme d’argent, ce qui conduit à lui appliquer le régime prévu pour cette sûreté » (Rapp., p. 10).

En dernier lieu, l’article 2373-3 du code civil dispose que « lorsque la créance garantie est intégralement payée avant que la créance cédée ne le soit, le cédant recouvre de plein droit la propriété de celle-ci ». Le cédant n’a donc aucune formalité particulière à accomplir pour retrouver la propriété de la créance cédée. L’ordonnance reprend ici la solution dégagée par la jurisprudence en matière de cession de créances professionnelles (Cass. 1re civ., 19 sept. 2007, n° 04-18.372) et se conforme à la logique des sûretés-propriétés : le transfert de propriété n’y est que temporaire (Rapp., p. 10).

Philippe SOUSTELLE

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