Isabelle Tremblay, DRH de Eidos-Montréal

Isabelle Tremblay, DRH de Eidos-Montréal

24.07.2018

Gestion du personnel

En quoi consiste le métier de DRH au Canada ? Quelles sont ses spécificités ? Isabelle Tremblay, DRH de Eidos-Montréal, un studio de Square Enix, spécialisé dans les jeux vidéo, décrypte sa feuille de route. Parmi ses priorités, la fidélisation des salariés, la formation et l’implication de l’entreprise dans les projets sociétaux.

Ce vendredi 20 juillet ne déroge pas à la règle : les salariés se voient offrir une bière pour fêter le week-end. Nous sommes au Québec chez Eidos-Montréal, un studio du groupe japonais Square Enix, spécialisé dans les jeux vidéo qui a notamment conçu Deus Ex et Tomb Raider, vendus à plus de 15 millions d’exemplaires. 500 personnes s’y affairent, scénaristes, animateurs 3D, storyboarders, spécialistes des effets spéciaux, directeurs techniques, programmateurs, pour créer ces pépites attendues par les "gamers" du monde entier. Là, dans ce prestigieux studio, se côtoient techniques de haut vol et créativité. Plus d'une vingtaine de nationalités collaborent dont de nombreux Français, tous en contrat à durée indéterminée. La moyenne d’âge y est de 38 ans.

"Montréal est une plaque tournante pour les jeux vidéo", insiste Isabelle Tremblay, chef ressources humaines d’Eidos-Montréal depuis juin 2013. Elle est en charge des RH pour les États-Unis, une partie de l’Europe et Montréal qui compte deux studios et un service d'assurance qualité opérant pour tous les titres du groupe (près de 1 000 employés, 4 000 avec le Japon).

Pas de préavis pour les salariés

Le dynamisme de ce secteur est tel que les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour pérenniser leurs équipes. Aussi Eidos-Montréal multiplie les attentions à l’égard des collaborateurs : petits déjeuners tous les matins, café gratuit, cafeteria ouverte toute la journée, moments conviviaux après le travail de 17 à 19 heures… "On se doit de créer une communauté de travail, en organisant des activités sociales", explique Isabelle Tremblay, diplômée d’un Bachelor en relations industrielles de l’Université de Montréal. D’autant que "les salariés n’ont aucun délai pour donner leur préavis, ils peuvent partir du jour au lendemain". L’accent est également mis sur le télétravail, les horaires flexibles et la conciliation des temps de vie.

Des stratégies payantes puisque le turn-over se stabilise autour de 4 % en fonction des projets. Certains salariés n’hésitent pas à donner leur démission pour postuler à nouveau quelques mois ou quelques années plus tard pour travailler sur de nouveaux challenges. D’où la nécessité de "développer un esprit de famille". A fortiori dans un pays où le taux de chômage est au plus bas, à 4,9 %.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Obligation légale pour la formation

Le recrutement et la fidélisation ne sont pas pour autant les seuls dossiers prioritaires du DRH. Car au quotidien, Isabelle Tremblay consacre une large part de son agenda à l’organisation des programmes de formation. 1 % de la masse salariale y est consacré.  Il s’agit ici d’une obligation légale. Trois axes sont privilégiés, la technologie, le technique et le management. Ce dernier domaine est aussi un trait caractéristique de la politique RH. L’organisation est matricielle, pour rompre avec les silos, et surtout moins hiérarchisée. "Le manager doit ici diriger en recherchant le consensus ; l’expression des salariés est encouragée". De fait, "le travail est organisé par projets et se déroule dans des espaces collaboratifs. Très peu de salariés ont un bureau individuel". Le temps de travail est de 40 heures par semaine et les salariés ont droit à 10 jours de congé par an.

Un rôle tridimensionnel

Particularité de la fonction RH canadienne ? "Etre DRH dans une entreprise canadienne signifie être un partenaire d’affaires stratégique et tactique, insiste Isabelle Tremblay. En sus de notre rôle d’opérationnels RH en charge de la réglementation et de l’administration des RH, notre rôle consiste à accompagner les responsables des différentes divisions (production, marketing...) dans leur gestion des RH. Soit un rôle tridimensionnel, à la fois stratégique, de management et de planification des RH". Isabelle Tremblay gère une équipe de sept personnes au sein d’un centre de services partagés, qui centralise sur un même lieu les différentes activités de ressources humaines, hormis la paie transférée au service financier.

Isabelle Tremblay adhère également à l’ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), créé voilà 20 ans. Elle est soumise, à l’instar de ses confrères, à un code de déontologie qui liste les droits et les devoirs de la profession : éthique, probité, indépendance professionnelle, objectivité, confidentialité… "Je ne trouve pas le code contraignant. Nous souhaitons être reconnus comme partenaires d’affaires. Aussi ce code permet-il de crédibiliser la profession. Il donne un cadre à nos pratiques". Contrairement aux médecins ou aux avocats, cette adhésion est toutefois facultative pour les professionnels RH.

Gestion des "benefits"

Autre dossier de taille : la gestion des "benefits" ou avantages sociaux. C’est une spécialité de l’Amérique du Nord. L’entreprise propose des assurances médicales privées, un plan d’épargne retraite complémentaire abondé par l’employeur, des dispositifs liés à la prévoyance, le remboursement de la carte de transports de Montréal… Au total, Eidos-Montréal débourse quelques 17 % de sa masse salariale à ses différents services.

En revanche, dans l’agenda du DRH, les relations avec les organisations syndicales n’existent pas, aucune organisation syndicale n’étant présente dans l’entreprise. Eidos-Montréal cherche, en revanche, à s’impliquer dans les projets sociétaux : défense des LGBT lors de la Gay Pride, soutien au programme de formation informatique dans les lycées, relations écoles-entreprises… Une façon d’être "en phase avec les attentes des salariés". Et notamment des "Millenials" férus de ce type d’événements.

Anne Bariet
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