Alors que les ordonnances sont présentées demain en Conseil des ministres, les DRH précisent leur position dans une enquête dévoilée hier par l’ANDRH. Si la plupart semblent satisfaits des mesures annoncées, ils pointent quelques ambiguïtés et doutes. Et expriment un regret : la trop faible représentation des salariés dans les conseils d’administration.
Rupture ou continuité ? A cette question, l’ANDRH penche sans hésiter pour la seconde option. "On parle de révolution copernicienne, de casse sociale. Mais sur le fond ce n’est pas ça", insiste Jean-Paul Charlez, président de l’association. Il présentait hier l’avis des professionnels RH, recueilli du 14 au 19 septembre dans la deuxième enquête flash "Réformes du droit du travail, les DRH prennent la parole !". "Ces dispositions s’inscrivent dans la lignée des différentes lois votées depuis 2004 par des gouvernements de droite et de gauche. Ce sont des mesures pragmatiques qui vont dans le bon sens". En clair, "les lignes bougent sur des points en débat depuis longtemps".
Dans le détail, 74% des 312 répondants approuvent le choix du gouvernement de plafonner les dommages-intérêts octroyés par les juges en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 68% se prononcent pour des modèles de lettres de licenciement visant à sécuriser les relations du travail et 53% accueillent positivement la "rupture conventionnelle collective", présentée ici comme une "opportunité intéressante". Quant à la primauté de l’accord d’entreprise majoritaire au-delà des congés et de la durée du travail, 79% y sont favorables. "Dans une entreprise, on peut faire du sur-mesure, poursuit Jean-Paul Charlez. On peut traiter les problèmes au bon niveau, là où ils se posent. L’arbitraire, le dogmatisme n’ont souvent pas cours au plus près du terrain". D’autant que "la négociation au niveau de l’entreprise n’est pas un blanc-seing, elle va de pair avec un accord majoritaire".
Mais les résultats ne seront pas immédiats. "Il faut laisser le temps aux entreprises de s’approprier ces nouveautés et de faire confiance aux acteurs". D’ailleurs, les ordonnances ne vont pas bousculer les pratiques des DRH. Ils sont même indifférents à plusieurs mesures. La généralisation des accords majoritaires dès le 1er mai 2018 au lieu du 1er septembre 2019 ne constitue pas un changement majeur pour 72% des répondants. De même, le co-financement (à hauteur de 20%) des expertises à l’exception de celles ordonnées pour les PSE ou en cas de risque grave fait figure de mesure "symbolique".
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Reste toutefois quelques doutes à lever pour mettre en application ces réformes, notamment sur la fusion des IRP. "L’instance unique obligatoire est toujours plébiscitée dans le principe mais ses modalités sont encore imprécises, pointe l’ANDRH. On ne perçoit pas de consensus sur l’opportunité de mettre en place un "conseil d’entreprise" dans ce contexte". De fait, les professionnels RH mettent en garde contre une juxtaposition des instances antérieures. "La fusion des instances doit permettre d’améliorer l’efficacité du dialogue social en limitant le nombre de réunions obligatoires", insiste Jean-Paul Charlez qui a présidé "plus de 1 500 comités d’entreprise" au cours de sa carrière. Or, sur ce point, le mystère demeure. Tout reste à faire en attendant les décrets ad hoc.
De même, "les branches parviendront-elles à négocier des accords pour changer les règles des CDD (renouvellement, durée...), s'interroge Bénédice Ravache, secrétaire générale de l'association. Pourront-elles fixer les conditions de recours au CDI de chantier pour permettre aux entreprises de leur secteur de s'en emparer ? Dans le BTP, un chantier c'est facile à définir. Un projet, beaucoup moins !". Les compromis seront difficiles à trouver, "le CDD étant souvent assimilé au sous-emploi, à la précarité", prévient Jean-Paul Charlez.
Un autre point suscite des incompréhensions. Il porte sur l'articulation entre les accords d'entreprise et de branche. Certes, les professionnels RH estiment que l’équilibre est "satisfaisant" ; "la branche devant jouer un rôle essentiel pour garantir un socle minimum à toutes les entreprises". Mais l’ANDRH relève ici une certaine ambiguïté dans l’architecture. Car si un certain nombre de sujets sont réservés à la branche (11 thèmes), sur certains d’entre eux le projet d’ordonnance prévoit que l’accord d’entreprise peut prévaloir si celui-ci offre des "garanties au moins équivalentes". Reste à savoir comment sera apprécié l’équivalence : amélioration, ajout ou substitution d’un avantage précis à un avantage analogue ?
Surtout, 77% des professionnels RH s’opposent à la possibilité pour une organisation syndicale représentative de nommer un délégué syndical si celui-ci ne s’était pas porté candidat aux élections professionnelles. Cette mesure ne figure pas en tant que telle dans les projets d’ordonnance mais dans le dossier de presse accompagnant la présentation de réforme. Il s’agirait ici de permettre à une organisation syndicale ayant obtenu au moins 10% des voix aux élections de désigner comme délégué syndical un salarié qui ne figurait pas sur la liste des candidats aux élections professionnelles. Cette possibilité n’existerait qu’à la condition que l’ensemble des élus ayant franchi ce cap renoncent par écrit à leur droit d’être nommés délégués syndicaux. Or, pour Jean-Paul Charlez, "il est plus légitime de négocier avec quelqu’un d’élu que de désigné". D’où un certain scepticisme.
Enfin, l’ANDRH exprime un regret, celui de ne pas voir associer plus de représentants du personnel aux conseils d’administration afin de faire évoluer la gouvernance à la française. Il s’agissait d’ailleurs d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Mais restée, pour l’heure, lettre morte. Une position également défendue par la CFDT et la CFE-CGC.
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