Par choix ou par nécessité, de nombreux sportifs de haut niveau cumulent emploi et préparation olympique. Ils ne seront pas tous qualifiés pour les JO de Paris 2024 mais d’ores et déjà la pression monte. Employer ces athlètes nécessite toutefois une certaine flexibilité pour les RH qui doivent gérer des emplois du temps morcelés. Mais à un an de l’événement, l’esprit sportif prime.
Ils sont consultants, conducteurs de travaux, chargés de prévention, électriciens, chargés d’étude, chefs de projets, conseillers clientèle… Mais à côté de leur vie classique de salariés, ils ont un objectif précis et ambitieux : se qualifier pour les épreuves olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Pour mener cette double vie, 219 sportifs bénéficiaient, en 2022, d’une convention d’insertion professionnelle (CIP), un dispositif lancé par le ministère des sports puis repris par l’Agence nationale du sport, en partenariat avec les fédérations sportives, destiné à garantir aux athlètes éligibles, un niveau de ressource décent, pour se préparer aux Jeux. Avec ce CPI, l’athlète décroche un CDI et travaille à mi-temps en fonction du calendrier des compétitions. "Au total, 170 entreprises accompagnent ces sportifs", détaille Odile Pellegrino, conseillère à l’Agence nationale du sport, en charge du suivi socio-professionnel des sportifs de haut niveau.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Photo de groupe de des salariés-athlètes de la SNCF présents aux Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo (@BertrandJacquot). De gauche à droite, Laura Tarantola, Kevin Peponnet, Vincent Milou, Orlann Ombissa-Dzangue, Cédric Nankin, Romain Noble, Steven Da Costa, Alexandre Iddir, Trésor Makunda, Sarah Léonie Cysique
Pionnière en la matière, la SNCF compte une trentaine de sportifs dans ses effectifs, au sein de son dispositif "Athlètes SNCF", créé en 1982, destinés à accompagner ces sportifs de haut-niveau.
C’est aussi cette année-là que la Régie autonome des transports publics lance des "conventions Athlètes de haut niveau", aujourd’hui baptisées "Ratp Athlètes de haut niveau" qui accueillent en permanence 10 athlètes.
A EDF, la "team" regroupe 34 sportifs tandis que chez EDF deux salariés tenteront de se qualifier. Idem pour Enedis.
Des entreprises privées, Allianz, Randstad, le groupe Bouygues soutiennent également ces champions ou des associations comme l’Afnor.
"En pratique, deux contrats se superposent : le contrat de travail classique et le CIP, précise Laurent Guillemette, en charge du dispositif "Athlètes SNCF", lui-même bénéficiaire de ce programme en tant qu’ancien champion de voile. L’objectif de ce contrat complémentaire est d’organiser le temps de travail de ces sportifs en fonction de leurs obligations sportives que ce soient pour les entraînements ou leur participation aux compétitions européennes et internationales".
Ces conventions sont renouvelées chaque année. Et sur le plan juridique "le CIP permet de justifier de l’absence du salarié. Quand il est en compétition, il est sous la responsabilité de sa fédération", ajoute Laurent Guillemette.
Petite exception : si une discipline disparaît des JO, les athlètes restent tout de même dans le dispositif "Athlètes SNCF". C’est le cas du champion olympique, Steven Da Costa, en dépit de l'absence du karaté aux Jeux de Paris 2024. "C’est un engagement RH de le garder", insiste Laurent Guillemette.
En contrepartie de cet accompagnement, l’Agence nationale du sport verse aux entreprises une aide forfaitaire ou nominative. Elle s’élève à 5 000 euros par salarié-athlète pour la SNCF (pour un an) ; à 9 000 euros chez Bouygues Bâtiment Grand Ouest qui perçoit aussi un coup de pouce du même montant de la Fédération française de triathlon pour son soutien à Alexis Hanquinquant, champion du monde de paratriathlon.
Reste que cet accompagnement nécessite une certaine flexibilité pour les RH qui doivent gérer des emplois du temps morcelés en raison du temps dévolu à leur entraînement ou leurs compétitions. Notamment à quelques mois des JO.
"L’emploi du temps est déterminé entre l’employeur et la fédération sportive, à travers la convention d‘insertion. Mais en pratique, on se plie aux demandes de la fédération, explique Karine Rousseille, DRH de Bouygues Bâtiment Grand Ouest, une filiale du groupe Bouygues. Globalement, le temps de travail est scindé en deux, 25 % dans l’entreprise, 75 % à la disposition de la fédération". A quelques mois des JO, cet accord vole toutefois en éclats, car les absences sont plus nombreuses et les sportifs désertent bureaux et chantiers. Alexis Hanquinquant travaillera deux jours par mois… lissés sur l’année. "Il doit également se préparer aux compétitions intermédiaires, que ce soient les championnats du monde, d’Europe… En pratique, il n’est quasiment plus avec nous".
Idem à la SNCF. Un rendez-vous annuel est fixé entre l’athlète, l’entraîneur, la fédération, l’Agence nationale du sport et la SNCF afin de définir un calendrier de présence cohérent.
"L’athlète doit faire a minima 50 jours de travail à nos côtés, dans l’année, assure Laurent Guillemette. Mais un an des JO, il peut être mis à la disposition de sa fédération à hauteur de 80 % voire à 100 %".
En revanche, il est rémunéré sur la base d’un temps plein. Un vrai filet de sécurité. Cette solution doit, en effet, lui éviter de tomber dans la précarité. Car si certains sportifs de haut niveau parviennent à très bien gagner leur vie, beaucoup peinent à concilier une vie professionnelle traditionnelle avec le rythme des entraînements.
Mais attention, n’est pas éligible qui veut : "Pour avoir droit aux conventions d’insertion professionnelle, ces athlètes doivent être inscrits sur les listes de sportifs de haut niveau gérées par l’Agence nationale du sport et être sur un projet sportif olympique ou paralympique". Ils doivent ensuite franchir le cap de la sélection.
Mais tous les DRH l’affirment : aucun passe-droit n’existe : "Le salarié-athlète est en premier lieu un collaborateur. Il appartient à un collectif de 150 000 collaborateurs, relève Laurent Guillemette. Ils sont recrutés au même titre que les autres salariés, en fonction de leurs compétences et de leurs niveaux scolaires et de leur appétence".
A quelques nuances près : "Il faut ensuite réussir à les intégrer sur des postes qui soient plutôt en autonomie car leurs absences ne doivent pas mettre en péril le reste du travail de l'équipe", indique Karine Rousseille. Au risque sinon pour cette dernière de récupérer la charge de travail supplémentaire.
Alexis Hanquinquant, recruté voilà six ans dans le groupe de BTP, est ainsi passé de chef d’équipe bardage, travaillant sur les chantiers à un poste de chargé de prévention au sein de l’équipe prévention, santé et sécurité de la filiale. "Comme Alexis performait de plus en plus sur le plan sportif, il était devenu compliqué de le maintenir au sein d’une équipe chantier. Nous avons estimé qu’il était plus judicieux de l’intégrer à cette dernière équipe. Il peut ainsi mieux gérer ses missions, en fonction de son emploi du temps".
Son job consiste désormais à épauler le service, mais aussi à intervenir sur des formations santé-sécurité ou à témoigner de son parcours, lui-même ayant été victime d’un accident du travail dans un emploi précédent.
Alexis Hanquinquant, chargé de prévention au sein de l’équipe prévention, santé et sécurité de la filiale Bouygues Bâtiment Grand Ouest (Triathlon) à Yokohama, Jeux Paralympiques de Tokyo, 2021 (@World triathlon). Au sein de Bouygues Construction, deux autres athlètes vont chercher à se qualifier : il s’agit d’Alberic Cormerais, acheteur, qui pratique l’aviron et de Delphine Racinet-Reau, comptabilité, qui pratique le tir.
Des exceptions existent toutefois : au sein du groupe Randstad depuis 2006, Sandrine Cauderon-Paulin (paratennis), consultante senior chez Randstad Search, à Lyon, une filiale spécialisée dans le recrutement de cadres, ne bénéficie pas de CPI. Ce sont ses collègues qui l’ont encouragée à se préparer aux Jeux. "On a démarré en 2022 une organisation à mi-temps puis au vu de ses performances sportives, nous avons décidé de la détacher à 100 % pour lui permettre de relever le challenge Paris 2024", témoigne Frédéric Sarabia, RRH chez Randstad. Avec en amont de la compétition sportive, l’objectif "d’intégrer le top 4 français et le top 20 mondial des meilleurs athlètes de paratennis".
Sandrine Cauderon-Paulin, consultante senior chez Randstad Search (paratennis)
Pas de pression, toutefois, de la part des entreprises concernant les résultats sportifs. "C’est leur fédération qui endosse ce rôle", assure Laurent Guillemette.
Quels sont toutefois les avantages des entreprises à accompagner ces champions ? "Ces athlètes sont inspirants pour leurs collègues et pour leurs managers, assure Frédéric Sarabia. Ça crée une émulation, il y aussi un sentiment de fierté chez les collaborateurs et notamment au sein des équipes de la région de Sandrine. Sandrine est un exemple de résilience : malgré les difficultés elle se hisse au plus niveau".
Karine Rousseille apprécie également les qualités sportives des salariés-athlètes. "Les sportifs ont une capacité d’anticipation des situations de stress beaucoup plus importantes. Leur détermination, leur goût de l’effort, leur persévérance sont aussi des qualités très positives qui peuvent être transférables au monde de l’entreprise. C’est extrêmement porteur pour le collectif". De plus, "le parcours d’Alexis donne corps à nos politiques de diversité et de handicap".
"La participation à un tel évènement créé une dynamique RSE. Elle permet de faire entrer le sport dans l’entreprise qui sait valoriser ce type de compétences", complète Odile Pellegrino qui note une augmentation du nombre de CPI conclues par les entreprises entre 2021 et 2022, passant de 198 contrats à 219.
Forcément, l’échec aura des répercussions sur le travail de ces salariés tout au moins à court terme tant les enjeux sont importants. Tous ne reviendront pas au top de leur forme. Mais leur capacité de résilience est importante. Quel que soit le résultat des qualifications, ces emplois permettent de revenir à temps plein dans leur entreprise, voire même d’envisager une reconversion après avoir raccroché de la compétition.
L’Agence nationale du sport accompagne également les reconversions, en partenariat avec l’Apec et Pôle emploi. Selon Laurent Guillemette, le "champ des possibles est large, la SNCF compte plus de 150 familles de métiers". "En 40 ans, il y a 250 personnes qui sont passé par le dispositif et 70 % sont restés dans l’entreprise. Il y a une offre post vie sportive".
Il en est d’ailleurs le parfait exemple : après avoir occupé des postes en tant que responsable commercial, chef des services, directeur d’unités opérationnelles ou encore d’établissements, il a été nommé, en 2018, directeur de projets pour les grands événements sportifs. Un poste sur-mesure pour cet ancien membre de l’équipe de France olympique de voile pour les Olympiades de Sidney et d’Athènes.
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