L'acheteur bénéficie de l'indemnité d'assurance de l'immeuble sinistré entre la promesse et l'acte de vente

18.03.2019

Immobilier

En cas de sinistre survenu après la conclusion de la promesse de vente, sauf clause contraire, l'acquéreur de l'immeuble assuré a qualité à agir en paiement des indemnités d'assurance contre l'assureur du vendeur, même pour les dommages nés antérieurement au transfert de propriété.

La Cour de cassation considère, dans un arrêt du 7 mars 2019, qu’en cas de sinistre survenu après une promesse de vente portant sur un bien immobilier assuré, il y a transmission à l’acheteur de l’ensemble des droits nés du contrat d’assurance.
 
L’information des parties sur le sort du contrat d’assurance lors de la vente de l’immeuble est classiquement assurée par une disposition particulière de l’acte authentique de vente. La clause rappelle généralement que le code des assurances prévoit que la police initialement souscrite par le vendeur pour son bien immobilier se transmet automatiquement à l’acquéreur lors de la vente (C. assur., art. L. 121-10, al. 1er). Néanmoins, après le transfert de propriété, l’acheteur dispose d’un droit de résiliation du contrat transmis et il en va de même pour l’assureur (C. assur., art. L. 121-10, al. 2).
 
Mais le principe de la transmission automatique du contrat à l’acquéreur est une chose, la question de la transmission de l’indemnité d’assurance due au titre des garanties stipulées dans ce contrat en est une autre. C’est à cette question complexe en jurisprudence en cas de transfert de la propriété du bien postérieur au sinistre, que l’arrêt du 7 mars 2019 apporte sa pierre à l’édifice.
Une jurisprudence fluctuante sur le bénéficiaire de l’indemnité d’assurance
La jurisprudence de la Cour de cassation s’est montrée hésitante s’agissant du droit à l’indemnité d’assurance relative aux sinistres survenus avant le transfert de propriété. Deux critères se sont dégagés de ses décisions expliquant le choix du bénéficiaire.
 
Dans un premier temps, les Hauts magistrats ont retenu que seul le propriétaire au moment du dommage était bénéficiaire de l’indemnité. Les solutions ont cependant pu se complexifier quant à la détermination du moment où est constitué le sinistre, notamment en matière de catastrophe naturelle. Les juges écartent fréquemment la date de parution au Journal officiel de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle au profit de celle du sinistre lui-même. Les trois chambres civiles ont le plus souvent refusé l’indemnisation à l’acquéreur (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n° 89-12.534, n° 1431 P ; Cass. 2e civ., 7 avr. 2011, n° 10-17.426, n° 697 D ; Cass. 3e civ., 12 févr. 2013, n° 12-11.964, n° 178 D), précisant que le bénéficiaire de l’indemnité d’assurance devait être le « propriétaire de l’immeuble au moment du sinistre », la transmission de plein droit de l’assurance au profit de l’acquéreur n’ayant d’effet que pour les sinistres postérieurs à la vente (Cass. 1re civ., 18 juill. 2000, n° 98-12.272, n° 1322 P). C’est l’époque de la survenance du dommage qui conduit à juger que seul le vendeur a qualité à requérir l’allocation de l’indemnité d’assurance, comme seul propriétaire du bien au moment du sinistre.
 
Mais, depuis une dizaine d’années, la Haute juridiction a régulièrement battu en brèche le critère de la propriété au moment du sinistre, considérant que, sauf clause contraire et même pour les dommages nés antérieurement à la vente, soit les acquéreurs « successifs » de l’immeuble ont qualité à agir (Cass. 3e civ., 23 sept. 2009, n° 08-13.470, n° 1058 P +  B ; Cass. 3e civ., 10 juill. 2013, n° 12-21.910, n° 848 P + B + R), soit l’acquéreur a « seul » qualité pour agir en paiement des indemnités d’assurance contre l’assureur des vendeurs (Cass. 3e civ., 7 mai 2014, n° 13-16.400, n° 596 P + B). Ce sont les acquéreurs successifs du bien qui ont qualité à agir lorsque sont en jeu des assurances construction obligatoires (assurance dommages-ouvrage, assurance de responsabilité décennale). En effet, ces polices étant souscrites pour bénéficier aux différents propriétaires de l’ouvrage pendant une durée légale, elles accompagnent l’immeuble en tant qu’accessoires, à travers ses éventuelles mutations de propriété. Pour les autres contrats d’assurance, c’est l’acquéreur de l’époque du sinistre qui a seul qualité à agir.
 
Ainsi, sauf clause contraire, l’acquéreur de l’immeuble a seul qualité à agir en paiement des indemnités d’assurance contre l’assureur garantissant les dommages à l’ouvrage, même si la déclaration de sinistre a été effectuée avant la vente (Cass. 3e civ., 15 sept. 2016, n° 15-21.630, n° 933 P + B). L’indemnité est en effet attachée à la propriété de l’immeuble et un tiers peut même intervenir lors d’une instance en révision et percevoir les indemnisations allouées au titre des désordres s’il est constaté qu’il est bien le nouveau propriétaire de l’immeuble lors de la décision (Cass. 3e civ., 10 nov. 2016, n° 14-25.318, n° 1227 P + B).
Cette solution est justifiée au regard de la notion d’intérêt à l’assurance dont ne dispose plus le vendeur concernant le paiement de l’indemnité, même lorsque l’indemnité est relative à un sinistre survenu antérieurement à la vente.
Une limite à ce recours est cependant reconnue dans l’hypothèse où le vendeur peut invoquer « un préjudice personnel lui conférant un intérêt direct et certain à agir ». Dans ce cas, la recevabilité de l’action en paiement des indemnités d’assurance revient au vendeur (Cass 3e civ., 23 sept. 2009, n° 08-13.470, n° 1058 P + B).
 
L’arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2019 poursuit cette évolution de la jurisprudence.
La promesse valant vente l’emporte sur le transfert de propriété
La décision du 7 mars 2019 casse l’arrêt d’appel refusant l’indemnisation de l’acquéreur et sa subrogation dans les droits des venderesses à l’égard de leur assureur, tout en apportant une précision nouvelle.
 
Dans cette affaire, l’immeuble vendu a été dégradé par des actes de vandalisme entre la signature de la promesse synallagmatique de vente et celle de l’acte authentique définitif. Pour écarter la subrogation de l’acquéreur dans les droits des propriétaires à l’indemnité d’assurance, la cour d’appel a estimé que c’est au jour du sinistre que doit être appréciée la qualité de propriétaire des biens assurés qui, seule, donne vocation au bénéfice de l’assurance. La juridiction du second degré retient ainsi le critère ancien de la propriété au moment où est survenu le dommage. La Cour de cassation censure cette décision conformément à sa jurisprudence plus récente précitée, selon laquelle l’acquéreur a seul qualité pour agir en paiement des indemnités contre l’assureur de l’immeuble.
 
Mais elle souligne surtout que le sinistre est survenu après la conclusion de la promesse de vente valant vente et qu’ainsi, sauf clause contraire, l’acquéreur du bien assuré se voit transmettre l’ensemble des droits nés du contrat d’assurance souscrit par le cédant. Il peut en conséquence réclamer le versement entre ses mains de l’indemnité due au titre du sinistre, alors même que celui-ci serait antérieur au transfert de propriété.
Autrement dit, dès lors que le sinistre survient après la conclusion de la promesse de vente, l’acheteur se voit transmettre l’ensemble des droits nés du contrat d’assurance, avant même le transfert de propriété par la signature de l’acte authentique définitif. Cette solution se veut pragmatique. Une fois que le propriétaire a promis de vendre l’immeuble assuré, les droits nés de cette assurance passent dans leur globalité au cessionnaire. Peu importe qu’il n’y ait pas encore eu transfert de propriété dès lors que la promesse de vente a opéré l’aliénation de  l’immeuble. La notion d’aliénation apparaît ainsi détachée de celle du transfert de propriété et primer ici sur elle.
REMARQUE : il convient toutefois de réserver le cas d’une stipulation contractuelle contraire, comme le précise l’arrêt. Rien ne s’oppose en effet à ce qu’un assureur réserve l’indemnisation au propriétaire désigné à la date du sinistre.
En  l’espèce, la Haute juridiction en conclut que la cour d’appel a violé l’article L. 121-10 du code des assurances, et l’arrêt d’appel est ainsi cassé en ce qu’il rejette la demande de subrogation de la SARL acquéreur dans les droits des sociétés venderesses.

 

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La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

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