Le gouvernement a largement étendu le dispositif de chômage partiel pour aider les entreprises confrontées à la crise économique liée au covid-19. Certains considèrent que c'est une bouée de sauvetage essentielle, d'autres au contraire pointent des abus.
"Le chômage partiel n'est pas un open bar. Pourtant, les boulangeries autour de chez moi sont quasiment toutes fermées. Cela me laisse pantois car je ne vois pas pourquoi elles seraient en activité partielle", regrette un observateur. "Il y a des commerces qui se sont organisés pour mettre en place les consignes sanitaires. J'ai vu une boulangerie qui a déplacé son comptoir à l'extérieur pour que plus aucun client ne rentre dans la boutique. Cela montre que certaines entreprises se creusent la cervelle et d'autres non", ajoute-t-il. Voilà un témoignage qui met le doigt sur un aspect polémique de l'activité partielle, ce dispositif dont le gouvernement a largement renforcé l'attractivité pour faire face à la crise économique actuelle liée au covid-19.
Le cas des entreprises dont la fermeture complète s'impose — c'est à dire qui ne peuvent ni travailler sur place ni travailler à distance — ne fait pas l'objet de discussions. Mais pour les autres, il y a débat sur la justification du chômage partiel. Certains considèrent le dispositif laxiste. D'autres le jugent au contraire restrictif. Et il y en a qui pointent son caractère incertain au plan juridique. "Les difficultés vont se poser quand l’employeur estime qu’il ne pouvait pas assurer la sécurité de ses salariés, nous livrait jeudi dernier Bruno Geeraert, président d’Exco France, un réseau de cabinets comptables. Ce sujet se manifeste aussi pour nos cabinets. Dans le mien, j’ai mis toutes les équipes en télétravail. Mais certains salariés ne peuvent pas exercer de chez eux. C’est le cas des secrétaires par exemple. Elles n’ont plus de clients à accueillir et plus de courrier à rédiger. Je ne sais pas si ce service aura droit au chômage partiel car les textes ne sont pas suffisamment clairs", estimait-t-il avant que le ministère du travail ne publie certaines fiches pratiques sectorielles destinées à assurer la protection des salariés.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Le 25 mars dernier, la délégation des entreprises du Sénat alertait le gouvernement "sur le désarroi des commerçants et entrepreneurs pour accéder au dispositif de chômage partiel". Elle demandait "l'élargissement de l'éligibilité à ce dispositif aux entreprises qui tout en ayant l'autorisation d'exercer leur activité ne réalisent pas ou peu de chiffre d'affaires. Nombre d'entre elles se voient refuser l'éligibilité au chômage partiel, alors même que la forte diminution ou l'absence de recettes ne leur permet pas de rémunérer leurs salariés", affirmait cette émanation de la chambre haute.
Le même jour, la confédération des PME pointait "un décalage entre les discours et la réalité. A la suite de l'allocution du Premier ministre, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, a réaffirmé la volonté du gouvernement de faciliter la mise en place du chômage partiel pour «éviter des vagues de licenciements». Pourtant, dans la pratique, de plus en plus d'entreprises sont aujourd'hui confrontées à des refus de chômage partiel au motif que leur secteur n'est pas concerné ou que leur entreprise est en capacité — théorique — de poursuivre son activité", avançait la confédération présidée par François Asselin.
Quelques jours plus tôt, le conseil national des barreaux (CNB) avait écrit à Muriel Pénicaud. "Certains avocats ont été contraints de cesser leur activité professionnelle de manière radicale du fait de la fermeture des juridictions, sauf contentieux essentiels. Ces confrères ont en conséquence entamé les démarches conseillées par les consignes gouvernementales afin de bénéficier pour leurs salariés des mesures de chômage partiel. Or, il semblerait que le recours par les cabinets d'avocats au chômage partiel soit remis en cause par la Direccte au motif non justifié que le cabinet ne serait pas un établissement recevant du public, la règle étant la poursuite des activités économiques", a écrit le 20 mars Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB. Un sujet que le CNB a abordé à nouveau hier avec une autre ministre, celle de la justice.
Murel Pénicaud a répondu à ces critiques d'ensemble. "Je tiens à saluer et à remercier les agents du ministère du travail pour leur engagement remarquable et sans faille depuis le début de la crise. Grâce à eux et au dispositif du chômage partiel, nous évitons les défaillances d'entreprises et les licenciements", répondait-t-elle le 25 mars. Au passage, son ministère précisait qu'à cette date, "près de 100 000 entreprises ont fait une demande d'activité partielle et 1,2 million de salariés sont concernés, pour un montant total de près de 4 milliards d'euros. Depuis le début de la crise, seules 28 demandes de chômage partiel ont été refusées par les Direccte sur tout le territoire et ce, de façon justifiée", a-t-il ajouté.
"Il y a eu des refus d'activité partielle au début du confinement. Je ne sais pas s'ils sont nombreux mais je sais que c'est assez légitime car ils n'étaient pas argumentés", résume Charles-René Tandé, président du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables (CSOEC). Un sujet sur lequel Alice Fages, directrice d'infodoc-experts, le service de consultation téléphonique du CSOEC, est très sollicité. "L’activité partielle représente environ les 3 quarts des questions posées à la hotline", livre-t-elle. Et elle rappelle qu'il y a deux cas de figure. "L'autorisation d'activité partielle est automatique pour les entreprises contraintes à une fermeture totale. Pour les autres, il faut expliquer. Et parfois cela va être compliqué de justifier pourquoi on ne peut pas mettre en place les gestes barrière. Mais il y a énormément d'entreprises qui peuvent les appliquer", analyse-t-elle.
Cette attractivité pour l'activité partielle a fait naître un autre sujet, celui du risque d'explosion du travail illégal. Avant-hier, le ministère du travail a mis en garde contre l'interdiction de télétravailler lorsqu'on est en chômage partiel. Et rappelé les sanctions encourues (lire cet article). Le coût de l'activité partielle pour les finances publiques — hors effet indirect sur les impôts et cotisations sociales ? — est budgété à un montant de 8,5 milliards d'euros — dont 5,5 milliards d'euros pris en charge par l'Etat. L'engouement pour ce dispositif et l'incertitude qui entoure la crise du covid-19 pourraient faire exploser l'ardoise... De façon jusitifiée ?
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