Offre complémentaire pour l’apprentissage, augmentation du nombre de contrats de professionnalisation, renforcement des compétences régionales… François Hollande a détaillé, hier, de nouvelles mesures en faveur de l'alternance. Les experts restent plutôt nuancés.
Un ultime plan de relance pour l’apprentissage ? Après le dispositif "zéro charges" de juillet dernier, la nouvelle répartition de la taxe d’apprentissage en 2014 et l’assouplissement de la législation concernant les travaux dangereux en avril 2015, François Hollande a annoncé une nouvelle série de mesures pour convaincre les récalcitrants. Cette fois, l’exécutif cible l’offre de formation, en proposant d’ouvrir aux apprentis l’accès aux titres professionnels délivrés par le ministère du travail. Jusqu’ici ces 800 heures en moyenne n’étaient accessibles que via un contrat de professionnalisation, une prescription Pôle emploi ou la validation des acquis de l’expérience (VAE).
Point fort de ce dispositif : ces formations sont accessibles toute l’année et non uniquement à la rentrée scolaire. Elles permettent donc aux entreprises d’accueillir des apprentis en continu, notamment les décrocheurs qui n’ont plus à attendre l’année suivante pour s’inscrire dans une nouvelle filière. Ces formations sont aussi plus courtes et favorisent une insertion plus rapide que les diplômes de l’Education nationale. Surtout, les titres professionnels, élaborés par les branches professionnelles, peuvent être créés et réactualisés plus vite. Ils permettent ainsi d’ajuster l’offre de formation aux besoins des entreprises.
Le ministère définira la liste avec les branches professionnelles, en ciblant les métiers en tension et ceux d’avenir : le numérique, la transition énergétique mais aussi l'aéronautique, le bâtiment, la sécurité, le tourisme, les services à la personne…
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Cette offre complémentaire était vivement souhaitée par le Medef qui a d’ores et déjà lancé une expérimentation sur la co-élaboration des diplômes avec 8 branches professionnelles (métallurgie, chimie, plasturgie, assurances…).
Reste que plusieurs experts sont réservés. Pour Jean-Patrick Gille, député d’Indre-et-Loire et spécialiste des questions de formation professionnelle et d'emploi des jeunes, "le contrat d’apprentissage permet d’acquérir via la formation théorique une culture générale plus importante, indispensable pour poursuivre des études ou se reconvertir en cas de transition professionnelle". Soit un bagage non négligeable pour favoriser l’employabilité du futur salarié. L’existence de deux voies d’alternance bien distinctes est, à ses yeux, nécessaire. En outre, Bernard Masingue, directeur d’études au sein de l’association Entreprise & Personnel, met en garde contre l’attentisme de certaines branches professionnelles. "Toutes ne sont pas proactives en matière de prospective. Elles ne pourront donc pas lister l’ensemble des métier en tension ou d’avenir". Le nombre d’apprentis stagne actuellement à 400 000 contre 500 000 initialement prévus.
Parallèlement, les contrats de professionnalisation pourraient se recentrer davantage sur les adultes, un point noir du système. "Ce dispositif est ouvert, depuis loi sur la formation du 24 novembre 2009, aux plus de 26 ans notamment aux bénéficiaires des minima sociaux", rappelle Jean-Patrick Gille. Mais pour l'heure, le compte n'y est pas. Cette catégorie ne représente que 26% des bénéficiaires, selon l'une des dernières études de la Dares. C'est pourquoi, François Hollande a annoncé une augmentation de 50 000 contrats de "pro" adultes (8 000 actuellement). Pour lever les réticences, l''Etat apportera un coup de pouce. Soit "un soutien financier" calqué sur "le modèle des contrats aidés" qui reste, toutefois, à préciser. Une mesure saluée par Jean-Patrick Gille. Selon la Dares, la durée de ces contrats est en moyenne de 13,5 mois mais tend à diminuer. 1 000 postes de formateurs seront affectés à ces formations d'ici à la fin du mandat présidentiel.
Le gouvernement est également favorable à un élargissement des compétences des régions en matière de formation et d’apprentissage. Quitte à "modifier la loi si nécessaire". Cette idée figure, d'ailleurs, dans le rapport "Décentralisation : sortons de la confusion", publié le 12 janvier par l’Institut Montaigne. Bertrand Martinot, l’un de ses contributeurs et ancien Délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (*), préconise ainsi de "transférer la totalité du financement de la formation des jeunes aux régions, c’est-à-dire de rassembler sous une même bannière lycées professionnels et CFA pour former un bloc de compétences cohérent". Avec, comme principal avantage, "une harmonisation des sources de financements". Bernard Masingue reconnaît toutefois que les nouveaux exécutifs régionaux ne disposent pas de toutes les compétences nécessaires pour adapter les cartes de la formation. Il plaide à la place pour une décentralisation des politiques de formation vers les bassins d’emploi. "C’est le niveau le plus approprié pour repérer les gisements d’activités et mettre à disposition des salariés en reconversion", poursuit l’expert, co-auteur du rapport du think tank, "Un travail des contrats ? Pour une diversification heureuse des contrats de travail".
D’autres mesures sont à préciser. François Hollande a ainsi encouragé les entreprises et les branches professionnelles à ouvrir leur propre école de formation. Or, le dispositif existe déjà. Plusieurs branches, à l’instar de la métallurgie (CFAI) ou du bâtiment, disposent de leurs propres centres d’apprentissage. Seule précision : "ces entreprises verront leurs dépenses reconnues en matière de taxe d’apprentissage". "Jusqu’ici l’Opcaim, l’Opca de la métallurgie, puisait dans les fonds de la formation professionnelle, dédiés aux périodes de professionnalisation, pour financer ces filières, indique Bertrand Martinot. Or, depuis la loi du 5 mars 2013, les Opca sont habilités à collecter la taxe d'apprentissage. Les fonds recueillis pourraient donc être fléchés plus aisément vers les centres d'apprentissage de la branche". Autre annonce à clarifier : la publication des taux d'insertion par filière et des taux de réussite des apprentis aux examens, afin de "mieux orienter les jeunes en les informant en toute transparence des débouchés des différentes formations". Un dispositif d’ores et déjà mis en place au sein de l’Education nationale, selon plusieurs experts. Mais qui, diffusé par chaque établissement, permettrait, selon l'exécutif, de renforcer utilement l'adéquation entre formation et emploi.
(*) Economiste et auteur de "Pour en finir avec le chômage" (Fayard-Pluriel)
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