L'assurance emprunteur n'est pas résiliable annuellement

09.06.2017

Gestion d'entreprise

Selon la Cour de cassation, la faculté de résiliation annuelle de l'article L. 113-12 du code des assurances ne s'applique pas au contrat d'assurance emprunteur, ce contrat étant souscrit pour la durée de l'emprunt et ne comportant pas d'échéance annuelle.

Alors que plusieurs décisions d’appel avaient admis l’application de l’article L. 113-12 du code des assurances au contrat d’assurance emprunteur (CA Bordeaux, 23 mars 2015, n° 13/07023 ; CA Douai, 17 septembre 2015, n° 14/01655), la Cour de cassation, dont la décision était très attendue, avait décidé le contraire (Cass. 1re civ., 9 mars 2016, n°s 15-18.899 et 15-19.652, n° 269 P + B + I ; v. Résiliation annuelle de l’assurance emprunteur : la banque remporte le duel). Rendu sur une motivation pour le moins surprenante (en application du principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales, la Cour de cassation a fait prévaloir les dispositions spécifiques du code de la consommation aux dispositions générales du code des assurances), l’arrêt en question n’a pas convaincu les juges du fond qui ont fait preuve de résistance en réaffirmant le droit de résiliation annuelle (CA Douai, 4 mai 2016, n° 14/03003 ; v. Résiliation annuelle de l'assurance emprunteur : résistance des juges du fond).
Dès lors, se posait la question de savoir si la Cour de cassation allait maintenir sa position ou fléchir, une décision étant attendue à la suite du pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 17 septembre 2015 précité. La réponse est enfin apportée par un arrêt rendu le 24 mai 2017 (Cass. 1re civ., 24 mai 2017, n°s 15-27.127 et 15-27.839, n° 637 P + B + I).
Une nouvelle motivation
Bien que se fondant sur une tout autre motivation, la Cour de cassation réaffirme sa position du 9 mars 2016 et démontre sa volonté de clore définitivement le débat.
Pour rappel, l’affaire concerne un emprunteur ayant, en mars 2007 et en décembre 2010, conclu deux contrats de prêt immobilier garantis par le contrat d’assurance de groupe souscrit par sa banque. Il souhaite, en janvier 2012, substituer ce contrat d’assurance de groupe par un autre, substitution à laquelle la banque s’oppose. Face à ce refus, l’emprunteur assigne la banque pour obtenir la résiliation de son contrat d’assurance, résiliation admise par la cour d’appel mais non par la Cour de cassation qui motive de manière détaillée sa décision.
L’arrêt est rendu au visa des articles L. 113-12 du code des assurances et L. 312-9 du code de la consommation, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et dans celle issue de cette loi, applicables en la cause.
Remarque : l’application de l’article L. 312-9 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et dans celle issue de cette loi se justifie par la conclusion, en l'espèce, de deux contrats de prêt (mars 2007 et décembre 2010). Les dispositions de l'ancien article L. 312-9 du code de la consommation sont désormais codifiées aux articles L. 313-29 à L. 313-33.
Pour mémoire, la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, dite loi « Lagarde » a interdit aux banques d’imposer au souscripteur d’un crédit immobilier d’adhérer à leur contrat d’assurance emprunteur. L’emprunteur est donc libre, à la signature du prêt, de choisir son assurance emprunteur à condition que cette dernière présente un niveau de garantie équivalent à celui proposé par la banque (C. consom., art. L. 312-9, al. 5, créé par L. n° 2010-737, 1er juill. 2010, art. 21, II, 2° : JO, 2 juill.). Mais faute de définition de la notion de niveau de garantie équivalent, cette mesure a eu peine à s’appliquer. Il a fallu attendre janvier 2015 pour que le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) parvienne à un accord sur la définition d’une liste de place permettant d’apprécier l’équivalence du niveau de garantie entre contrats d’assurance emprunteur.
La Cour commence par rappeler que l’article L. 113-12 du code des assurances prévoit, au profit tant de l’assuré que de l’assureur, le droit de résilier le contrat d’assurance au moins 2 mois avant la date d’échéance annuelle mais explique qu’en vertu de l’article L. 312-9 du code de la consommation, ce droit ne leur est pas ouvert dans le cas d’un contrat d’assurance de groupe garantissant le remboursement total ou partiel du montant d’un prêt immobilier restant dû, ce contrat étant souscrit pour la durée de l’emprunt et ne comportant pas d’échéance annuelle. Développant davantage sa motivation, la Cour énonce qu’en l’état de ces textes, « la reconnaissance, au bénéfice de l’emprunteur, d’une faculté de résiliation annuelle du contrat d’assurance conduirait, à défaut de l’accord du prêteur sur le nouveau contrat d’assurance offert en garantie, à la résiliation du contrat de prêt consenti sous la condition de l’octroi et du maintien d’une assurance agréée par le prêteur, une telle résiliation pouvant imposer à l’emprunteur de vendre l’immeuble financé afin de désintéresser le créancier » et « qu’à supposer même le maintien du contrat de prêt, sa nécessaire modification serait rendue incertaine en raison de l’absence de dispositions légales applicables au litige, régissant les effets d’une résiliation par l’emprunteur de son adhésion au contrat d’assurance de groupe ».
Sous couvert de la protection des intérêts de l’emprunteur, qui pourrait se retrouver contraint de vendre son bien, la Cour de cassation signe donc la fin de cet épisode judiciaire mouvementé.
Une décision qui va dans le sens de la nouvelle législation
Lors de l’examen du projet de loi de ratification de l’ordonnance sur la partie législative du code de la consommation du 14 mars 2016 et celle sur les biens immobiliers à usage d’habitation du 25 mars 2016, sénateurs et députés s’accordaient sur la nécessité d’une clarification législative pour dire si l’assurance emprunteur relève ou non du champ du code des assurances et répondre ainsi à la demande implicite de la Cour de cassation dans son arrêt du 9 mars 2016 (Cass. 2e civ., 9 mars 2016, n° 15-18.899 et 15-19.652, n° 269 P + B + I). La loi n° 2017-203 du 21 février 2017 ratifiant ces ordonnances « consommation », a depuis lors admis que la résiliation du contrat d’assurance emprunteur à l’échéance est un droit, mais elle en a rendu l’application progressive : immédiatement pour les offres de prêts émises à compter de la date de publication de la loi mais seulement à compter du 1er janvier 2018 pour les contrats d’assurance en cours d’exécution (L. n° 2017-203, 21 févr. 2017, art. 10, IV et V ; v. La résiliation annuelle de l’assurance emprunteur est légalement reconnue). Avant cette date donc, la faculté de résiliation à l’échéance annuelle pour les contrats en cours n’est pas ouverte. On peut supposer que la Cour de cassation avec sa décision du 24 mai a souhaité éviter de chambouler cet équilibre trouvé par le législateur. Jusqu’au 1er janvier 2018, il n’y aura donc pas de résiliation possible et à compter de cette date, la situation est légalement clarifiée, ce qui répond en quelque sorte aux propos de la Cour de cassation quant à « l’absence de dispositions légales applicables au litige ».
Il n’en demeure pas moins qu’admettre l’application de l’article L. 113-12 d’un côté et la rejeter de l’autre laisse un sentiment d’incohérence, notamment au vu de la motivation de la Cour de cassation estimant que le contrat emprunteur est souscrit pour la durée de l’emprunt et ne comporte pas d’échéance annuelle…
On rappellera par ailleurs, que l’un des arguments de la cour d'appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 23 mars 2015, n° 13/07023) pour motiver l’application de l’article L. 113-12 du code des assurances, était que cet article, « d’ordre public, ne peut être modifié par convention conformément aux dispositions de l’article L. 111-2 du même code ; les appelants ne peuvent donc valablement invoquer les conditions générales du contrat de prêt, soumettant la résiliation de l’adhésion par l’emprunteur à l’accord du créancier, pour légitimer le refus de résiliation ». Un argument plus que pertinent.
Remarque : un second arrêt a été rendu le même jour (Cass. 1re civ., 24 mai 2017, n°s 16-14.098 et 16-25.501, n° 638 D).
Afaf Zaroui, Dictionnaire permanent Assurances

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