L'article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois en cas de licenciement injustifié pour les salariés qui ont plus de deux ans d'ancienneté ou qui appartiennent à une entreprise d'au moins 11 salariés. Mais cette règle est-elle bien constitutionnelle ? Les Sages vont statuer cette semaine.
L'actualité récente a mis sur le devant de la scène la question des plafonds et des planchers en matière d'indemnisation des licenciements injustifiés. La loi Macron d'abord, dont le barème d'indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse a été censuré par le Conseil constitutionnel. Le projet de loi Travail, ensuite, qui avait entrepris de reprendre ce barème, mais également de modifier certains planchers de licenciement, avant de faire marche arrière.
Le Conseil constitutionnel est de nouveau saisi de la question par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ; le 13 juillet dernier, la Cour de cassation lui a ainsi transmis la question suivante : "L’article L. 1235-3, alinéa 2, du code du travail visant à octroyer au salarié, licencié pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, lorsque le licenciement est opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, porte-t-il atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe d’égalité devant la loi et à la liberté d’entreprendre ?". La Cour de cassation a estimé que "la question posée présente un caractère sérieux, en ce que le traitement différencié des entreprises selon leur taille pour l’indemnisation du préjudice subi par leurs salariés, qui résulte de l’article L. 1235-3 du code du travail, est susceptible de méconnaître le principe d’égalité devant la loi".
Autant dire que l'audience qui s'est déroulée le 4 octobre au Conseil constitutionnel revêt une importance certaine car si les Sages venaient à annuler cette disposition, il ferait vaciller un certain nombre de dispositions prévues par le code du travail.
Ce que met en cause l'avocat de la société Goodyear Dunlop Tires France, Joël Grangé (Flichy Grangé Avocats), à l'origine de cette question prioritaire de constitutionnalité, est l'articulation entre les articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail. Le premier de ces textes pose le principe général d'une indemnité minimum de 6 mois de salaire en cas de licenciement injustifié, principe que le second écarte pour les salariés qui ont moins de deux ans d'ancienneté et pour ceux qui appartiennent à une entreprise de moins de 11 salariés.
Pour l'avocat, l'article critiqué soulève la même question que le barème Macron retoqué pour avoir pris en compte - parmi les deux critères retenus - la taille de l'entreprise. "C'est exactement la même question pour le plancher ; il n'y pas de raison de traiter de façon différente le plancher et le plafond", soutient-il. "Le plancher, comme le plafond, n'a pas de lien avec la taille de l'entreprise et la réalité du préjudice subi".
Xavier Pottier, le représentant du Premier ministre récuse ce parallèle entre le barème Macron et l'article L.1235-3 du code du travail. "Dans la décision du 5 août 2016 invoquée, les dispositions prévoyaient des minimas et des maximas". En l'espèce, constate-t-il, il ne s'agit pas d'un plafond mais d'un plancher. Ce qui change tout selon lui, car alors "les salariés voient la réparation intégrale de leur préjudice assurée".
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
D'autres arguments ont été présentés devant le Conseil constitutionnel. Pour Joël Grangé, prévoir ce minimum pour les entreprises de 11 salariés et plus c'est méconnaître la réalité des entreprises. "C'est la situation financière propre de l'entreprise qui permet de définir sa capacité contributive et non sa taille ; la taille n'est pas un critère pertinent", soutient-il.
Fiodor Rilov, l'avocat des salarié de Gooyear, défend lui le maintien de cette disposition dans le code du travail au regard du droit à l'emploi. Ce texte se justifie car il pose un "système de sanctions de tout licenciement sans justification". Il s'agit de faire en sorte que "la violation de la loi soit sanctionnée".
Reste à savoir si le Conseil constitutionnel doit bien se pencher sur cette question alors qu'il a déjà été saisi de la loi du 13 juillet 1973 qui institue cette indemnité minimale. Or, l'une des conditions pour déposer une QPC est que le Conseil constitutionnel ne se soit pas déjà prononcé sur le texte en cause.
Le représentant du gouvernement estime ainsi qu'un "non lieu" pourrait être rendu car la loi du 13 juillet 1973 a "déjà été déclarée conforme". Ce à quoi a rétorqué Joël Grangé, lors de l'audience, d'une part que le Conseil constitutionnel, "dans sa décision du 17 janvier 2008, s'était prononcé à l'époque sur une question de codification et non sur le contenu de la disposition". Et, d'autre part, que "la décision du 5 août 2015 sur la loi Macron constitue une circonstance nouvelle", permettant de rouvrir le sujet.
Autre obstacle procédural quu pourrait mettre à mal la stratégie de l'avocat de Goodyear : ce qui est soumis au Conseil constitutionnel, c'est la règle générale d'une indemnité minimum de 6 mois, prévue à l'article L.1235-3, et non l'exclusion pour les entreprises de moins de 11 salariés qui, elle, est prévue à l'article L.1235-5 et n'est pas soumise en tant que telle aux Sages. Pour Joël Grangé, il s'agit toutefois "d'un choix légistique qui ne doit pas empêcher l'examen du corpus juridique qui porte atteinte à l'égalité de traitement".
Le suspens va durer jusqu'au 14 octobre, date à laquelle le Conseil constitutionnel rendra sa décision très attendue.
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