La classification des emplois, clé de voute de la transparence des rémunérations

La classification des emplois, clé de voute de la transparence des rémunérations

04.06.2025

Gestion du personnel

Dans cette chronique Sandra Bac, Sarah Rachidian et Lyna Haouas, respectivement Engagement Director HR & Transformation, Consultante senior HR & Transformation et Consultante HR & Transformation au sein du cabinet Sia Partners, soulignent l'importance de s'intéresser aux classifications dans l'entreprise dans la perspective de l'entrée en vigueur des nouvelles obligations relatives à la transparence salariale.

La nouvelle directive européenne sur la transparence des rémunérations, adoptée en 2023 par le Conseil de l’Union Européenne et qui sera transposée à la rentrée dans le droit français, marque un tournant majeur pour toutes les entreprises. Concrètement, elle vise à réduire les écarts de salaire entre les femmes et les hommes en imposant notamment que chaque organisation soit en mesure de démontrer, de façon objective et vérifiable, que deux salariés occupant des emplois de valeur équivalente bénéficient d’une rémunération comparable. Son impact touche l’ensemble des managers, des collaborateurs et les représentants du personnel, et place la transparence et l’équité au cœur des enjeux de performance, d’attractivité et de cohésion interne. Bien plus qu’une évolution technique réservée aux experts RH, elle impose à chaque organisation de repenser en profondeur ses pratiques de gestion salariale, de dialogue social mais aussi, on le mesure moins, de classification des emplois.

Et pour cause ! La classification des emplois prend en effet tout son sens pour déterminer si deux emplois ont une valeur équivalente. Mieux, elle est le socle indispensable sur lequel bâtir une politique de rémunération juste, traçable et soutenable.

La conséquence pour les entreprises comme pour les branches professionnelles est immédiate : il ne s’agira plus seulement de respecter le principe légal "à travail égal, salaire égal", mais de le démontrer concrètement avec des systèmes de cotation robustes, des critères non discriminants, et une capacité à produire des comparaisons argumentées.

La classification, fondement de l’équité salariale

La classification des emplois va bien au-delà d’une simple organisation des emplois. Elle constitue un véritable levier de structuration et de valorisation des compétences au sein de l’entreprise. C’est également un mécanisme garantissant la justice au sein de l’organisation. Autrement dit, deux emplois présentant une valeur équivalente au sein de l’entreprise doivent bénéficier d’un traitement équitable en matière de rémunération. Cela repose sur l’analyse factuelle et neutre des contenus des emplois, de la technicité requise, des responsabilités exercées et de l’impact attendu pour l’organisation.

La directive exige que les critères utilisés pour déterminer les salaires soient objectifs et neutres, c’est-à-dire débarrassés de tout biais lié au genre, à la perception historique des métiers, ou à leur position hiérarchique. Dans cette optique, les systèmes de classification qui s’appuient sur des méthodes à critères classants (comme celle de la métallurgie ou celle de la fédération de la haute couture et de la mode) s’avèrent particulièrement adaptés. Ces méthodes évaluent les emplois selon des dimensions comparables, avec une pondération explicite, permettant de comparer des fonctions très différentes sur une base équitable.

Dans la métallurgie, la refonte complète de la convention collective a permis de réactualiser l’ensemble de la classification selon une méthode de cotation harmonisée. La nouvelle grille d’évaluation, entrée en vigueur en janvier 2024, introduit des critères comme la technicité, la complexité, l’autonomie ou l’environnement relationnel, qui permettent une lecture fine de la valeur des emplois. Cette approche constitue un exemple pertinent de modernisation, répondant à la fois aux obligations règlementaires européennes et aux enjeux opérationnels des entreprises industrielles.

Au-delà de la seule exigence réglementaire, les branches qui modernisent leur classification prennent ainsi une longueur d’avance en posant les bases d’un système RH plus agile, plus transparent, et mieux aligné avec les enjeux sociaux contemporains.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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 Un levier de conformité et de pilotage RH

En structurant l’analyse des emplois, la classification fournit aux entreprises un véritable outil de conformité et permet ainsi de répondre en grande partie aux exigences de la directive de manière rigoureuse : identifier les écarts injustifiés, produire des reportings fiables, analyser les données finement et documenter les écarts éventuels avec des arguments fondés.

Une classification des emplois claire et bien partagée devient également un outil de gouvernance RH. Elle permet de structurer les fourchettes de rémunération, d’accompagner les évolutions de carrière, de rendre lisibles les passerelles entre métiers et de construire des plans de succession. Elle donne aussi aux managers des repères fiables pour positionner les emplois tout en permettant à l’entreprise de s’appuyer sur des leviers concrets pour renforcer l’attractivité et l’engagement collaborateur, en rendant visibles et en reconnaissant les compétences attendues à chaque niveau. Par exemple, la mise en place d’une grille de classification intégrant des passerelles entre les métiers techniques et les fonctions managériales permet aux collaborateurs de mieux se projeter dans l’évolution de leur carrière, tout en valorisant les compétences acquises sur le terrain.

Une démarche stratégique et collective

La mise en place ou la refonte d’un système de classification suppose une démarche structurée, certes chronophage, avec une implication forte des parties prenantes, notamment de la direction générale, et une stratégie claire de déploiement. Il est essentiel d’impliquer la fonction RH, les représentants du personnel et les managers opérationnels, garants de la compréhension terrain et des spécificités métiers. Le dialogue avec les instances représentatives du personnel permet quant à lui d’enraciner la méthode dans une dynamique sociale constructive.

Tout commence par un diagnostic de l’existant. Il s’agit de cartographier les emplois, de recenser les descriptions d’emploi, d’analyser les écarts de positionnement, de comprendre les zones d’incohérence ou les doublons. Ce diagnostic permet aussi de mesurer la maturité des pratiques internes et d’identifier les points d’alerte ou de fragilité (par exemple : intitulés d’emploi flous, écarts de positionnement injustifiés, métiers sous-valorisés ou sur-valorisés).

Le choix de la méthode est ensuite déterminant. Une méthode à critères classants, avec des critères bien définis (technicité, autonomie, responsabilité… etc.), permet d’objectiver les évaluations.

Le choix de la méthode étant effectué, la fonction RH réalise une cartographie des emplois par niveau de responsabilité à partir des données recueillies, puis la partage avec les managers métiers pour assurer son harmonisation.

Une fois validée par la gouvernance, une phase d’accompagnement pédagogique s’ouvre : il s’agit d’expliquer de façon claire les critères classants afin de faciliter l’adhésion collective à tous les niveaux et donner les outils nécessaires aux managers pour expliquer les positionnements à leurs collaborateurs.  

On l’aura compris : la transparence salariale est bien plus qu’une obligation réglementaire, mais une révolution profonde qui impose de repenser la manière dont les emplois sont évalués et valorisés. La classification des emplois devient dès lors le pilier incontournable d’une politique de rémunération équitable, objective et durable. La question n’est donc plus de savoir s’il faut classifier, mais comment le faire de façon adaptée, rigoureuse et partagée.

En modernisant leurs systèmes de classification, les entreprises ne se contentent donc pas de respecter la directive européenne, elles renforcent aussi leur attractivité et leur performance opérationnelle. Plus qu’un simple outil, la classification est un levier stratégique pour bâtir des organisations justes, transparentes et prêtes à relever les défis du futur. Reste à savoir comment elle sera introduite dans le projet de loi de transposition en septembre prochain…

Sandra Bac, Sarah Rachidian et Lyna Haouas
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