La compta ça paie mais ça comptera de moins en moins

La compta ça paie mais ça comptera de moins en moins

10.09.2020

Gestion d'entreprise

La place de la tenue comptable dans l'activité des cabinets va diminuer, prédit une étude réalisée par Les moulins. Cette évolution se ferait principalement au bénéfice des missions d'accompagnement — et non de conseil — lesquelles pourraient être réalisées par les collaborateurs. Un défi humain pour beaucoup de cabinets.

"Ce n’est pas l’automatisation qui détruit les emplois, c’est l’immobilisme". Dans son étude récente sur les métiers de demain, le think tank Les moulins invite les cabinets comptables à évoluer. C’est à ce prix que les nombreux collaborateurs pourront garder leur job, lequel ne sera pas le même qu’aujourd’hui, prédit ce cercle de réflexion.

Le diagnostic de base des auteurs de l’étude réside dans la baisse de la part de la prestation comptable du fait de l’automatisation croissante des tâches associées. Comme nous l’avons déjà évoquée, cette tendance suscite un débat en ce qui concerne le passé mais fait consensus en ce qui concerne l’avenir. L’exemple le plus symptomatique réside peut-être dans la généralisation à venir de la facturation électronique. Cette technologie, qui devrait devenir réalité au plus tôt en 2023, devrait réduire, voire faire disparaître, l’intervention humaine sur la tenue comptable associée aux factures d’achats. Et probablement aussi celle sur les déclarations de TVA. Au passage, cela revient à dire, selon nous, que les tâches comptables de base vont, en volume, être de plus en plus sous-traitées par les cabinets eux-mêmes. Car le recours à un logiciel (comptable) constitue une forme d’externalisation (comptable). On peut donc se demander si la — théorique — prérogative d’exercice sur la tenue comptable ne va pas devenir chaque jour un peu plus anachronique.

"Près de la moitié de la mission de tenue presque entièrement automatisée à court terme"

Quoi qu’il en soit, le cercle Les moulins estime que "près de la moitié de la mission de tenue sera presque entièrement automatisée à court terme" du fait notamment de la robotisation — croissante — de la collecte des pièces, de la récupération des données provenant des applications et de la tenue comptable (et déclarations fiscales) à proprement parler. Or, aujourd’hui, la part de cette activité représente 44 % du chiffre d’affaires des 751 personnes qui ont répondu à cette étude — la surveillance/révision représentant quant à elle 19 %. Un niveau qui est d’ailleurs relativement cohérent avec les autres études, certes un peu moins récentes et sur des périmètres pas tout à fait comparables. Par exemple celle de l’Insee qui indique que les services de tenue et surveillance de comptabilité représentaient, en 2017, 58 % des 19,15 milliards d’euros de chiffre d’affaires du secteur — les services de vérification comptable représentaient quant à eux 13 %.

Distinction entre accompagnement et conseil

Les personnes interrogées par Les moulins partagent globalement la prévision selon laquelle la part de la tenue comptable devrait se réduire considérablement. D’ici 5 ans, elle devrait passer de 44 à 30 %, déclarent-ils. Qu’est-ce qui remplacerait cette baisse relative ? Selon cette enquête, cela tiendrait principalement à la progression de l’accompagnement lequel représenterait 19 % de l’activité contre 11 % aujourd’hui (voir le graphique ci-dessous à ce sujet). Une évolution qui tiendrait — notamment ? — à l'effet prix. "La mission de tenue est celle qui dégage le chiffre d’affaires par tête le moins élevé (en dehors des missions d’accompagnement administratif). En revanche, les missions d’accompagnement de gestion génèrent un chiffre d’affaires par collaborateur nettement supérieur à la moyenne de la profession, au-delà de 115 k€", analyse l'étude. Comment les auteurs de l’étude définissent-ils l’accompagnement ? Pour eux, et c’est l’une des particularités de cette enquête, cela englobe des missions récurrentes réalisées par des généralistes : l'administratif (full service), la gestion/ le pilotage. Le conseil répond quant à lui à des missions exceptionnelles fournies par des spécialistes.

De nouvelles tâches pour les collaborateurs

"Après des années et des années de production, de tenue comptable, de rapprochements bancaires et autres déclarations de TVA, la plupart des collaborateurs vont devoir se métamorphoser… en conseillers dont les missions d’accompagnement seront facturées", illustre l’étude. Une mutation qui renvoie à plusieurs métiers : le copilote, sorte de Daf (directeur administratif et financier) aux fonctions élargies ; l’assistant administratif (secrétariat, gestion des achats, facturation, relances clients, formation en informatique, domiciliation, etc.) ; l’expert conseil, lequel prend en charge les missions de conseil et les missions «hors-piste».

Mais ce n’est pas tout. L’étude évoque aussi des métiers plus éloignés des secteurs traditionnels : ceux liés aux nouvelles technologies (business intelligence manager, data analyst, data protection officier, etc.) et ceux — nouveaux — internes au cabinet (référent digital, responsable de la sécurité des données, responsable marketing, etc.). Bref, la palette de possibilités est large. L’une des questions en suspens consiste à savoir dans quelle mesure les collaborateurs ont envie d’un tel changement. Et si les cabinets comptables sont, dans l'ensemble, sensibles à ce sujet. Ce n'est pas évident quand on regarde le passé. Le chiffre d'affaires tant du secteur comptable que de la branche comptable croit structurellement à un rythme plus élevé que celui de l'économie en général alors que, comme évoqué, la part de la prestation comptable évolue peu voire pas du tout. Et la rentabilité — moyenne — des structures d'exercice n'est pas structurellement à la baisse même si le débat est relancé depuis les dernières données diffusées par l'Insee à ce sujet. Qu'en sera-t-il demain ? Comme disait Pierre Dac, "la prévision est difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir".

 

 

Source : Les moulins, Les métiers de demain, 2020

 

Ludovic Arbelet

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