Le 9 avril, le Cercle RH (*) a organisé un petit-déjeuner à distance sur les questions que suscite le Covid-19 sur le fonctionnement des instances de représentation du personnel. Béatrice Pola, avocat associé du Cabinet Proskauer, et Jeanne de Laender, stagiaire au sein du même cabinet, répondent aux questions pratiques posées par les professionnels RH.
L’ordonnance du 1er avril 2020 apporte des aménagements aux modalités d’organisation des réunions et d’information et de consultation du CSE en raison de la crise sanitaire afin de limiter les contacts physiques et de maintenir le dialogue social.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Réponses aux multiples questions soulevées par ce texte.
1) Quelles sont les consultations rendues obligatoires par la crise épidémique ?
Le CSE doit être associé à la démarche d’actualisation des risques et consulté sur la mise à jour du document unique d’évaluation des risques (questions-réponses n° 21).
D’une manière générale, le CSE doit être informé et consulté sur les questions intéressant "l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ainsi que sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail" (articles L.2312-8 et L.2312-26 du code du travail).
Les modifications importantes de l’organisation du travail, comme le télétravail, le recours à l’activité partielle, les dérogations aux règles relatives à la durée du travail et aux repos entrent dans ce champ (questions-réponses n° 21).
Toutefois, plusieurs assouplissements ont été prévus :
- s’agissant de la mise en activité partielle, si la consultation du CSE reste obligatoire, elle ne doit plus obligatoirement être réalisée préalablement à la demande d’activité partielle. A compter du dépôt de sa demande, l’employeur peut transmettre l’avis du CSE sur la question dans un délai de deux mois ;
- s’agissant des mesures dérogatoires prévues aux articles 2, 3, 4, 6 et 7 de l’ordonnance 25 mars 2020 (qui permettent notamment à l’employeur d’imposer la prise de jours de RTT), il n’est pas nécessaire que la consultation du CSE intervienne avant leur mise en œuvre. Le CSE est informé sans délai et par tout moyen, il peut l’être "une fois que l’employeur a fait usage" des dérogations autorisées par l’ordonnance 25 mars 2020. Il rend son avis dans un délai d’un mois à compter de cette information (ordonnance n°2020-389 du 1er avril 2020, article 7).
2) Les réunions tenues par visioconférence en période de crise sanitaire s’imputent elles sur la possibilité d’y recourir trois fois par année civile ?
Non. L’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 prévoit que durant la période d’état d’urgence, l’ensemble des réunions des CSE peuvent se tenir par visioconférence et ce même en l’absence d’accord collectif. Ces réunions réalisées à distance durant le confinement ne s’imputent pas sur la possibilité offerte aux entreprises de recourir à la visioconférence trois fois par année civile en temps normal.
3) Quelles sont les modalités de la téléconférence ?
De la même manière que pour la visioconférence (cf. article D. 2315-4 du code du travail), le dispositif de téléconférence doit garantir l'identification des membres du comité et leur participation effective, en assurant la retransmission continue et simultanée du son et de l'image des délibérations. Ces dispositions ne font pas obstacle à la tenue de suspensions de séances (décret du 10 avril 2020, article 1er).
Les dispositifs de téléconférence permettent l’identification des participants notamment à travers le nom et prénom associés au numéro appelant.
4) Quelles sont les modalités de recueil d’un avis dans le cadre de la messagerie instantanée ?
L’article 2 du décret du 10 avril 2020 précise ces modalités. Préalablement à la réunion, l’employeur informe les membres du CSE et "précise la date et l’heure de son début et date et l’heure à laquelle interviendra au plus tôt sa clôture" (décret du 10 avril 2020, article 2).
La réunion se déroule en quatre étapes :
- il n’est procédé aux délibérations qu’après vérification que l'ensemble des membres a accès à des moyens techniques garantissant l'identification des membres du comité et leur participation effective et assurant la retransmission continue et simultanée du son et de l'image des délibérations ;
- la clôture des débats intervient par un message du président de l'instance, qui ne peut intervenir avant l'heure limite fixée pour la clôture de la délibération ;
- il est procédé au vote de manière simultanée, les participants disposant d'une durée identique pour voter à compter de l'ouverture des opérations de vote indiquée par le président de l'instance ;
- au terme du délai fixé pour voter, le président de l'instance en adresse les résultats à l'ensemble de ses membres.
Pour mémoire, la messagerie instantanée ne peut y être utilisée que dans l’hypothèse où le recours à la visioconférence ou à la conférence téléphonique est impossible ou lorsqu’un accord collectif le prévoit expressément.
5) Peut-on utiliser Skype entreprise pour tenir les réunions CSE ?
Oui, dans la mesure ou le logiciel utilisé par l’entreprise satisfait aux exigences réglementaires. L’ordonnance autorise la "visioconférence, terme suffisamment large pour qu’il s’applique au logiciel Skype entreprise, dès l’instant que celui-ci permet la retransmission continue et simultanée des débats et que les personnes participant aux réunions sont identifiables directement avec leur nom et prénom. En revanche, il conviendra de s’assurer des procédés de traitement des données personnelles.
6) Peut-on organiser des réunions en comité restreint ?
Cela dépend. Pour mémoire, aucun quorum n’est fixé par la loi pour la tenue des réunions du CSE et/ou l’adoption de résolutions.
Aussi, si un accord (il conviendrait selon nous que cet accord soit unanime) a été trouvé avec les élus pour tenir les réunions en comité restreint afin, il convient de s’assurer que :
- cette décision commune est actée par écrit, afin de témoigner qu’il ne s’agit pas d’une volonté de l’employeur d’imposer un tel fonctionnement ;
- que les élus qui n’assistent pas à la réunion confirment leur absence sans remplacement, par écrit ;
- que l’ordre du jour soit envoyé à l’ensemble des élus, qu’ils assistent ou non à la réunion programmée ;
- que le procès-verbal de la réunion retranscrive bien les personnes présentes à la réunion et acte le nombre d’absents.
En tout état de cause, les délibérations sont prises à la majorité des membres présents lors de la réunion.
7) Comment procéder au vote à bulletin secret ?
Si les membres de l’instance demandent de voter une résolution à bulletin secret, quelle que soit la manière dont la réunion est tenue (visioconférence, téléconférence ou messagerie instantanée), le dispositif de vote doit garantir que l’identité du votant ne puisse à aucun moment être divulguée ou "mise en relation avec l’expression de son vote".
Le système retenu doit assurer la confidentialité des données transmises ainsi que la sécurité de l'adressage des moyens d'authentification, de l'émargement, de l'enregistrement et du dépouillement des votes. Le vote a lieu de manière simultanée. Il est prévu, à cette fin, que les participants disposent d’une durée identique de vote à compter de l’ouverture des opérations de vote indiquée par le président du comité (décret du 10 avril 2020, articles 1 et 2 et article D.2315-1 du code du travail). A ce titre, plusieurs prestataires proposent des logiciels de vote à bulletin secret.
8) Les élections au CSE sont-elles maintenues ?
Non. L’ordonnance du 1er avril 2020 impose la suspension immédiate de tous les processus électoraux en cours dans les entreprises à la date de publication de l’ordonnance (ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020, article 1).
La suspension produit ses effets à compter du 12 mars 2020 et prend en principe fin trois mois après la fin de l’état d’urgence, soit le 24 août 2020 (ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020, article 1 et loi du 23 mars 2020, article 4 ).
A noter que :
- la suspension affecte tous les délais relatifs aux élections professionnelles (délais du processus électoral, délais de contestations, délais de l’administration pour rendre une décision) ;
- la suspension entre le premier et le second tour ne remet pas en cause la régularité du premier tour ;
- l’organisation d’une élection professionnelle, entre le 12 mars et l’entrée en vigueur de l’ordonnance n’a pas d’incidence sur la régularité du scrutin ;
- les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécie à la date des deux tours du scrutin.
Les employeurs qui, bien qu’ayant l’obligation de le faire, n’ont pas engagé le processus électoral avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, doivent organiser les élections professionnelles avant le 24 août 2020 (ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020, article 2).
9) Qu’en est-il des élections partielles ?
Dès lors que les mandats des membres du CSE expirent moins de six mois après la date de la fin la suspension des processus électoraux (soit le 24 février 2021), l’employeur n’est pas tenu d’organiser les élections partielles, que le processus électoral ait été engagé ou non avant la suspension (ordonnance n°2020-389 du 1er avril 2020, article 4).
10) Les mandats sont-ils prorogés ?
Oui. Les mandats en cours des représentants élus des salariés sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles (ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020, article 3).
De la même manière, la protection spécifique des salariés candidats et des membres élus de la délégation du personnel du CSE, (titulaires ou suppléants ou représentants syndicaux au CSE) est prorogée jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles (ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020, article 4).
11) Lorsque le processus est suspendu à compter de la réception des codes secrets par les salariés pour le vote électronique, les codes sont-ils toujours valides ?
En principe oui. S’agissant de la validité des codes, ces derniers doivent avoir été transmis selon des modalités garantissant leur confidentialité. C’est la raison pour laquelle il est impossible de voter de nouveau avec les mêmes moyens d’authentification (arrêté du 25 avril 2007, article 6).
Si les codes ont été transmis selon des modalités garantissant leur confidentialité, et sous réserve que le prestataire de vote s’assure que les codes ne soient pas "expirés" le jour du premier tour, il n’y a pas d’objection particulière à ce que les codes demeurent s’ils permettent toujours une authentification confidentielle. Il n’est pas nécessaire alors d’adresser aux salariés de nouveaux codes.
S’agissant de la reprise des opérations électorales, l’ordonnance n°2020-389 du 1er avril 2020 suspend le processus électoral jusqu’au 24 août 2020 (article 1er). La suspension des opérations arrête temporairement le cours des délais sans effacer le délai déjà couru. Ainsi, le processus électoral reprendra là où il s’est arrêté, soit avant la tenue du premier tour, au moment de la réception des codes secrets par les salariés.
12) L’employeur peut-il interdire à un élu de pénétrer dans l’enceinte de l’entreprise lorsqu’il est placé en activité partielle ?
Non. Par principe, la suspension du contrat de travail n’entraîne pas la suspension du mandat. Le placement en activité partielle ne constitue pas une exception à ce principe.
Les salariés en activité partielle sont donc en droit, dans l’exercice de leur fonctions représentatives, de pénétrer dans l’entreprise lorsqu’une partie des salariés y travaillent encore (arrêt du 25 mai 1983) afin de contrôler si les principes de précautions sont réels et effectifs (c'est principalement dans ce cadre que le CSE pourrait utiliser son droit d'alerte). Les élus se rendant dans les locaux doivent être mis en mesure de respecter les recommandations gouvernementales afin de ne pas contracter le virus ni de le transmettre.
Par exemple, dans l’affaire Amazon, le tribunal a estimé que les mesures prises par la société pour éviter les contaminations étaient susceptibles de générer de nouveaux risques qui ne sont pas suffisamment évalués, notamment le risque de contamination à l’entrée des sites. "Le respect des distances entre chacun et l’utilisation possible de gel hydroalcoolique désormais fourni individuellement à l’entrée à chaque salarié ne [constituent] pas des mesures suffisantes" compte tenu du nombre de salariés prenant leur poste en même temps.
De la même manière, si le représentant du personnel placé en activité partielle est malade, son mandat n’en est pas pour autant suspendu. Néanmoins, il reste recommandé aux représentants du personnel en arrêt maladie de se faire remplacer par leurs suppléants dans la mesure du possible, a fortiori face à l’épidémie du Covid-19.
13) Le représentant du personnel continue-t-il de bénéficier de ses heures de délégation ?
Oui. Dans la mesure où le placement en activité partielle ne suspend pas le mandat, le représentant du personnel continuer de bénéficier de ses heures de délégation. Par ailleurs, la gestion de la crise sanitaire peut constituer des circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement du crédit d'heures.
(*) Le Cercle RH est co-organisé par le cabinet Proskauer et les Editions Législatives qui éditent actuEL-RH.
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